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Liban - liban

Focus loi électorale (III) : Uninominale, mode hybride et autres mixtures...

Tentatives de réponses pour éclairer le sujet, fixer les enjeux et en finir avec les préjugés.

Photo d'archives an-Nahar.

Ces dernières années, la principale préoccupation chez l'ensemble des forces politiques, en matière de loi électorale, était de trouver le meilleur compromis possible entre, d'une part, leurs intérêts respectifs en termes de gains de sièges et, d'autre part, une sorte de juste milieu géométrique entre les diverses formules proposées. D'où ces formules de mode hybride, ou mixte, joignant majoritaire et proportionnelle.

Vaines tentatives, en vérité, tant il est impossible d'atteindre le juste milieu en question pour une raison liée à la démarche même de leurs auteurs. D'un côté (Futur et FL avec le PSP à contrecœur) comme de l'autre (Berry), les propositions ont été mises au point dans un esprit cherchant à désamorcer la querelle majoritaire-proportionnelle tout en pratiquant le découpage sur mesure destiné à s'octroyer la majorité des sièges. D'où la difficulté d'un compromis au centre entre ces propositions.
Mais fût-il possible, un tel compromis ne serait pas obligatoirement bénéfique pour la démocratie au Liban. Non pas que le mode panaché, mixte ou hybride soit plus mauvais que les autres (il l'est tout autant), mais parce que, justement, la démarche suivie n'est pas la bonne.

En Allemagne, exemple le plus souvent cité de mode électoral mixte, ou plutôt de « proportionnelle personnalisée », les doses de majoritaire et de proportionnelle sont là pour jouer un rôle correctif. La philosophie du système est de faire en sorte que l'électorat puisse bénéficier du meilleur des deux modes de scrutin : une dose de proportionnelle pour corriger les dérives de la majoritaire et vice versa. Ce qui n'empêche pas le système d'être critiqué...

Sauf qu'en Allemagne, la question de savoir qui va être élu à la majoritaire et qui le sera à la proportionnelle ne se pose pas avec autant d'acuité qu'au Liban, du fait qu'ici, trop de paramètres (régions, confessions et leaderships politiques) entrent en forte concurrence les uns avec les autres. Par conséquent, le risque au Liban est de déboucher sur un problème de double légitimité, les « enfants » de la majoritaire toisant de haut ceux de la proportionnelle, les jugeant « mal élus », et réciproquement.
Ce risque est d'ailleurs d'autant plus réel que la philosophie qui sous-tend les projets de système mixte n'a rien à voir avec le souci d'optimiser le choix des électeurs, non pas parce que les hommes politiques libanais ne souhaitent pas démocratiser les élections, comme beaucoup auraient tendance à le croire, mais parce qu'ils sont trop occupés à chercher d'impossibles compromis entre eux.

 

(Lire aussi : Loi électorale : toutes les options restent possibles)

 

L'une des variantes du système hybride consiste à prévoir un premier tour dit d'« habilitation » sur le mode majoritaire au niveau des cazas, et un second tour d'élection proprement dite dans des circonscriptions plus grandes et à la proportionnelle. Un tel système présente, sur le papier, des avantages certains. Il n'empêche qu'en l'adoptant, on ne ferait que déplacer le problème : au lieu qu'une partie des députés sortis des urnes juge l'autre partie « illégitime », on verrait dans ce cas les candidats habilités au premier tour mais non élus au second se parer, eux, de l'habit de la légitimité populaire – et surtout communautaire – aux dépens de ceux qui, à la faveur non pas de la proportionnelle mais de la circonscription plus grande (et donc plus variée sur le plan confessionnel), leur auront « subtilisé » le siège.

Mais au-delà de cet aspect primaire des choses, se poserait aussi le problème de la finalité démocratique du processus : dans un système électoral, que cherche-t-on en réalité à rectifier, les dérives propres à chaque mode de scrutin ou bien carrément le choix des électeurs, sous prétexte qu'il est « mauvais » ? Dans le premier cas, la démocratie sort renforcée. Dans le second, on n'est tout simplement plus en démocratie.

 

(Lire aussi : Qu’a donc voulu dire Michel Aoun ?)

 

Le cas du FN
Mais, objectera-t-on, n'est-ce pas précisément le problème qui se pose aussi avec la majoritaire uninominale à deux tours en vigueur en France, dont pâtit gravement un parti comme le Front national, lequel parvient difficilement à arracher deux ou trois sièges à l'Assemblée nationale (sur plus de 500) alors qu'il « pèse » jusqu'à près du quart de l'électorat (et donc en théorie le quart des sièges si la proportionnelle était appliquée) ?

Mais ce n'est pas tant le système électoral qui pénalise le parti de Marine Le Pen. C'est plutôt sa nature même qui, jusqu'ici, le place à la marge du consensus français. D'où le refus de toute alliance avec lui. Or tout scrutin à deux tours nécessite des alliances. C'est ainsi que des formations de taille bien plus modeste que le FN, comme par exemple les écologistes d'EELV, parviennent à tirer leur épingle du jeu en emportant cinq ou dix fois plus de sièges que lui.

Retour au Liban. Que penser, précisément, de la majoritaire uninominale, cheval de bataille du Amid Raymond Eddé, puis de son héritier Carlos, rejoint par le PNL de Dory Chamoun et enfin par les Kataëb de Samy Gemayel ? Est-ce un hasard si ce système-là, avec lequel Walid Joumblatt a flirté un moment, de même que le patriarche Nasrallah Sfeir, est défendu par des formations chrétiennes affaiblies ou considérées aujourd'hui comme mineures?

Il n'y a rien d'étonnant à cela dans la mesure où ces formations, au même titre que les personnalités indépendantes et inclassables, ont intérêt à secouer l'assise sur laquelle repose la nouvelle « Loya Jirga » à la libanaise, composée des cinq ou six grands leaders du pays. Or il est absolument clair que la majoritaire uninominale peut non seulement la secouer, mais la broyer aussi. Voilà pourquoi les « grands » n'en veulent pas; tout particulièrement le tandem chiite, pour lequel « élection » rime depuis trente ans avec « désignation », et le nouveau duo chrétien, qui a lancé une OPA sur tout ce que le Liban compte comme adeptes du Christ.

De fait, dès lors qu'il y a un seul siège par circonscription, cela signifie automatiquement que l'élu sera plus proche, voire plus dépendant de ses électeurs que d'un chef de file qui le choisit et l'impose comme colistier. En ce sens, ce mode de scrutin permet une plus grande proximité et une meilleure représentation de l'électorat local, d'autant plus que les circonscriptions sont dans ce cas les plus petites possible.
En revanche, et comme on l'a déjà vu, ce système, de manière générale, n'aide pas à combattre le clientélisme. Surtout, il dénie toute représentation à des courants politiques existant de manière diffuse dans le pays sans bénéficier d'une forte implantation géographique locale.
Au final, on constate combien l'exposé des modes de scrutin – tous les modes de scrutin – consiste essentiellement en une énumération sans fin de leurs... défauts.

Prochain article : IV- Le découpage électoral, clé de la représentation chrétienne

 

 

Lire aussi les précédents articles

Loi électorale (I) : Une réforme pour quoi faire ?

Loi électorale (II) : La proportionnelle est-elle le remède ?

 

Pour mémoire

Machnouk entame les préparatifs des élections, sur la base de la loi en vigueur

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Pour Aoun, « l'organisation d'élections suivant une nouvelle loi » est la « priorité »

Ces dernières années, la principale préoccupation chez l'ensemble des forces politiques, en matière de loi électorale, était de trouver le meilleur compromis possible entre, d'une part, leurs intérêts respectifs en termes de gains de sièges et, d'autre part, une sorte de juste milieu géométrique entre les diverses formules proposées. D'où ces formules de mode hybride, ou mixte,...

commentaires (5)

L,HYBRIDATION RESULTE EN UNE NOUVELLE ET SOUVENT MEILLEURE ESPECE... CHEZ NOUS EN PLUS RETROGRADE ET PIRE ESPECE...

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 35, le 26 janvier 2017

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Commentaires (5)

  • L,HYBRIDATION RESULTE EN UNE NOUVELLE ET SOUVENT MEILLEURE ESPECE... CHEZ NOUS EN PLUS RETROGRADE ET PIRE ESPECE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 35, le 26 janvier 2017

  • Discutions dans les sens...c'est la jungle...ca suffit on est fatigues...

    Soeur Yvette

    17 h 03, le 26 janvier 2017

  • "Dès lors qu'il y a un seul siège par circonscription, cela signifie automatiquement que l'élu sera plus dépendant de ses électeurs que d'un chef de file qui l'impose comme colistier. Ce mode de scrutin permet une meilleure représentation de l'électorat local, d'autant plus que les circonscriptions sont dans ce cas les plus petites possible. (D'où l'importance du découpage électoral, "clé" bien sûr de la représentation efficace.). En revanche, ce système n'aide pas à combattre le clientélisme. (Oui, mais ce "clientélisme" sera de loin de moindre envergure que du Monstrueux actuel !'. CQFD. En attendant le prochain article : "IV- Le découpage électoral, clé de la représentation chrétienne."....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 44, le 26 janvier 2017

  • UN COSTUME TAILLE SUR PLUSIEURS MESURES N,EST PLUS UN COSTUME MAIS UN MATELAS... QUE CHACUN TIRERA DE SON COTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 21, le 26 janvier 2017

  • Comme toujours, parfaitement clair.Merci! Puissent ceux qui font les lois vous entendre! (on a bien le droit de rêver?)

    Yves Prevost

    08 h 37, le 26 janvier 2017

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