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Liban - Polémique / Environnement

Des rumeurs autour d’un projet immobilier à Kornet es-Saouda enflamment la Toile

Une pétition circule et les internautes sont furieux. Toutefois, les députés des deux cazas concernés doutent du sérieux de l'affaire.

Une photo de Kornet es-Saouda choisie pour illustrer la pétition qui fait le tour du Net. Photo tirée du site web de la pétition

Près de 10 000 signatures. C'est ce que la pétition contre un projet de construction de chalets et de villas à Kornet es-Saouda, toit du Liban et du Moyen-Orient, avait déjà récolté hier en soirée. Partagée par de nombreux internautes, cette pétition lancée par Cheyenne Yammine, une jeune fille originaire d'Ehden, est adressée à Greenpeace États-Unis et plusieurs autres organisations. Elle est intitulée « Sauvez le plus haut sommet du Moyen-Orient ».

Mais de quoi s'agit-il ? Appelé al-Kumma (Le Sommet), ce projet est lancé par le groupe Realis Development, appartenant à des membres de la famille Ghanem. Le projet est mentionné sur le site Internet de la compagnie, mais avec peu de détails. L'Orient-Le Jour a tenté d'appeler hier, durant les heures ouvrables, le bureau de la société à Beyrouth au numéro inscrit sur le site, mais sans succès. Des détails sur le projet existent cependant dans un article de businessnews.com : situé à 2 400 mètres d'altitude, ce projet en six phases nécessiterait un budget de 500 millions de dollars, dont 30 % à partir de prêts bancaires, 30 % assurés par un fonds d'investissement et une partie couverte par une compagnie appartenant à la famille à Abou Dhabi. Le projet comporte entre autres 650 chalets, 70 villas, une piste de ski, un hôtel et d'autres structures, sur un terrain de 420 000 mètres carrés (250 000 de constructions).

Qui est au courant ?
Outre ces informations qui, elles aussi, circulent abondamment sur le Net, l'enquête sur ce projet qui affole ceux qui craignent pour la nature des hautes montagnes ressemble à une course d'obstacles. Pour un projet si monumental, aucune autorité concernée ne semble au courant de grand-chose.

Kornet es-Saouda s'étend sur trois cazas, mais il semble que ce projet en intéresse surtout deux, Bécharré et Denniyé, vu qu'il se situe, selon les informations obtenues par L'Orient-Le Jour, dans le périmètre du village de Bkaasafrine. Interrogée sur la question, Sethrida Geagea, députée de Bécharré, déclare d'emblée ne pas avoir d'informations précises et ne même pas croire à ce projet. « Dès que j'en ai entendu parler, j'ai appelé le député Ahmad Fatfat (Denniyé) pour m'enquérir de ce qu'il en savait, dit-elle à L'OLJ. Or il n'en avait pas plus entendu parler que nous. »

Contacté par L'OLJ, M. Fatfat confirme avoir en vain essayé d'obtenir des informations sur ce projet, se demandant s'il ne s'agit pas d'une obscure affaire de marketing. « Au début, j'ai cru que ce projet pouvait faire partie d'un autre bien plus vaste et plus ancien, à Denniyé, dit-il. Ce projet dont je vous parle existe depuis les années 70, mais sa réalisation a été repoussée durant des décennies jusqu'à être reprise récemment. Il comporte un village touristique à quelque 1 500 mètres d'altitude, puis un remonte-pente vers des pistes à près de 2 500 mètres. Il est en construction, bien que très lentement. Toutefois, même par ce biais-là, personne n'a pu me renseigner sur l'autre projet ni sur ses entrepreneurs, sans compter que les députés de la région n'ont pas été consultés. Je crois donc que tout cela n'est pas très sérieux. »

Mme Geagea, de son côté, explique avec plus de détails pourquoi elle pense que ce projet n'est pas à prendre au sérieux. « D'une part, aucun député n'a été informé de cela, sachant que les députés de la région sont très présents sur le terrain. D'autre part, j'ai demandé au président du conseil municipal de Bécharré de s'enquérir de la chose, et ce qu'il a appris ne nous permet pas de conclure que la société en question est capable de se lancer dans une entreprise aussi importante. Je crois que si certains pensent se faire de la publicité, ils choisiraient naturellement le caza de Bécharré ou ses environs pour le faire. Ils risquent fort de paraître crédibles étant donné que c'est un caza où beaucoup de choses se passent », ajoute-t-elle.

 

(Lire aussi : Courte-vue, l'impression de Fifi ABOU DIB)

 

Un château d'eau et des plantes alpines
Si les deux députés ne sont pas informés du projet, le plus bizarre, c'est que le président du conseil municipal de la localité où il est supposé être situé ne le soit pas. Saad Taleb, président du conseil municipal de Bkaasafrine, assure à L'OLJ n'avoir été informé du projet et de sa localisation... que deux jours plus tôt, par les médias. Il affirme que les terrains dont il est question, pour autant qu'il puisse en juger (l'enneigement empêche actuellement de se rendre sur place, dit-il), font l'objet de litiges fonciers. Il insiste aussi sur le fait qu'il n'a été notifié d'aucune vente dans le périmètre de son village, se demandant si ce projet ne serait pas plutôt du côté de Bécharré. De toute façon, Saad Taleb, visiblement déconcerté par l'affaire, annonce « son intention de s'opposer à la réalisation de ce projet en pareil endroit ».

Les municipalités de Bécharré ne sont pas davantage au courant de l'affaire. Élie Makhlouf, président de la Fédération des municipalités du caza, confirme à L'OLJ « n'avoir été notifié d'aucune vente de terrains ni d'aucun projet en gestation dans la région »...

Que ce projet al-Kumma soit sérieux ou pas, l'écologiste Boutros Mouawad, qui fait partie des fondateurs de l'Association pour la protection de Jabal Ehden et de Jabal Makmel, s'alarme de telles perspectives sur les hauteurs.
Pourquoi, selon lui, est-il dangereux de prévoir des constructions à une telle altitude ? « Il s'agit du mont Mekmel, le point le plus haut du Moyen-Orient. C'est un véritable château d'eau où de nombreux cours trouvent leur source, comme l'Oronte notamment. Le site a donc une importance hydrologique incontestable. Mais il n'y a pas que ça : cette montagne renferme une biodiversité unique de plantes alpines endémiques. C'est une région très sensible dont l'écosystème serait perturbé par n'importe quelle construction », explique-t-il.
Boutros Mouawad est convaincu qu'une dégradation écologique des hautes montagnes, en raison des constructions, serait une « menace stratégique » pour le Liban, dont le littoral est déjà fortement endommagé. « J'ai proposé depuis longtemps que toute la région de Kornet es-Saouda soit classée réserve naturelle parce qu'elle est, pour la majorité de sa superficie, formée de terrains publics, et qu'elle est souvent la scène de litiges entre Ehden, Bécharré et Denniyé », affirme-t-il.

Cette région fait déjà l'objet d'une décision datant des années 90 prise par Akram Chehayeb, alors ministre de l'Environnement, qui l'a classée « site naturel ». Est-ce que cela ne suffit pas pour la protéger ? « Pas vraiment, parce qu'une simple décision ministérielle ne peut empêcher des projets dans une zone donnée », répond-il.

 

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Près de 10 000 signatures. C'est ce que la pétition contre un projet de construction de chalets et de villas à Kornet es-Saouda, toit du Liban et du Moyen-Orient, avait déjà récolté hier en soirée. Partagée par de nombreux internautes, cette pétition lancée par Cheyenne Yammine, une jeune fille originaire d'Ehden, est adressée à Greenpeace États-Unis et plusieurs autres...

commentaires (4)

Ceux qui défigurent ainsi leur pays pour quelques dollars devraient croupir dans les prisons... mais chez nous, on préfère s'acharner sur les homosexuels et les faibles sans défense !!! Dans les autres pays, on fait tout pour préserver la nature...même notre voisin tant décrié: Israël! Irène Saïd

Irene Said

11 h 48, le 21 janvier 2017

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Commentaires (4)

  • Ceux qui défigurent ainsi leur pays pour quelques dollars devraient croupir dans les prisons... mais chez nous, on préfère s'acharner sur les homosexuels et les faibles sans défense !!! Dans les autres pays, on fait tout pour préserver la nature...même notre voisin tant décrié: Israël! Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 48, le 21 janvier 2017

  • Comme par hasard personne des hauts placés n'en a entendu parler alors que le peuple entier en a entendu parler!! Alors qu'il y a des plans dessinés, une infrastructure planifiée, des emprunts désignés avec un pourcentage partagé exact pour le financement etc... mais SHUT personne ne VEUT en entendre parler ... ya tara ?? Combien de pots de vins ont été distribués ??? Yalla les paris sont ouverts ????

    T Myriam

    18 h 03, le 20 janvier 2017

  • Espérons que le vieil adage "il n'y a pas de fumée sans feu" ne se vérifiera pas...Mais au Liban, le pire est toujours probable, surtout en matière de destruction de l'environnement...Où est l'Etat?

    otayek rene

    11 h 03, le 20 janvier 2017

  • On a accaparé le littoral, on a coupé des milliers d'arbres, on a broyé des millions de tonnes de rochers, on a saccagé la nature, on a détruit les anciennes demeures, maintenant on attaque les cimes de nos montagnes, après viendra le tour du ciel. Qui sont les "on" ? Ce sont les nouveaux riches, les rapaces de l'argent-roi, les "chabbihas" qui ne respectent ni Dieu ni sa création. Wadih Es-Safi avait chanté : Liban, Ô morceau de ciel, s'il était encore de ce monde, il chanterais : Liban, Ô morceau d'enfer.

    Un Libanais

    10 h 57, le 20 janvier 2017

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