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Liban - Rencontre

Nouhad Machnouk : Le Liban est commandé par des équilibres que nul ne peut modifier

Le ministre de l'Intérieur est convaincu que les législatives auront lieu dans les délais et en vertu de la loi en vigueur.

Nouhad Machnouk refuse de considérer que l’élection de Michel Aoun est le résultat d’un nouveau rapport des forces en faveur du 8 Mars et de ses alliés. Photo d’archives

Au bureau du ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, les œuvres d'art, dont il est féru, augmentent en même temps que les dossiers à traiter. Depuis plus de deux ans qu'il a en charge ce ministère, M. Machnouk n'a plus le temps de souffler, tant ses fonctions sont étendues, du domaine administratif au sécuritaire et municipal, en passant par la politique, qui reste son terrain favori.

Dans un système où la décentralisation administrative n'est encore qu'un titre sur le papier, l'Intérieur est un superministère confié à un superministre ! Lorsqu'on lui dit cela, Nouhad Machnouk se contente de sourire, reconnaissant qu'il a fort à faire, surtout en cette période pré-électorale. Il a d'ailleurs aménagé, derrière son bureau, une petite salle à manger calme et discrète pour gagner du temps et ne pas interrompre son travail. Mais même plongé dans ses dossiers inextricables, il ne perd jamais le réflexe du journaliste et de l'analyste, soucieux de décortiquer les événements et de placer les informations les unes à côté des autres dans un cadre stratégique comme un puzzle qu'il construit patiemment.

Dans les grandes lignes, M. Machnouk est ainsi convaincu que le Liban a franchi la période dangereuse et qu'il constitue désormais une oasis de calme dans un environnement en flammes. Il estime ainsi que derrière chaque guerre, il y a des décisions étrangères, or aujourd'hui, personne ne veut d'une guerre au Liban et c'est le secret de la stabilité dont bénéficie ce pays, en plus du « bon travail accompli par les différents services ». Il révèle, dans ce contexte, que dès le mois de juin, il avait su que le général Aoun serait élu président de la République. C'est pourquoi il s'était permis d'annoncer aux Libanais qu'ils auraient un président avant la fin de l'année 2016. Selon lui, même si personne ne veut le reconnaître, cette élection est le fruit d'une entente entre les Iraniens et les Saoudiens sur le pétrole, dans le cadre d'une réunion de l'OPEP, et sur le Liban. Sur tous les autres dossiers, les deux pays sont en conflit.

M. Machnouk refuse aussi de considérer que l'élection de Michel Aoun est le résultat d'un nouveau rapport des forces en faveur du 8 Mars et de ses alliés, précisant qu'il s'agit d'un compromis auquel plusieurs parties ont participé. Les Saoudiens étaient bien sûr dans le coup, même s'ils n'ont pas voulu le déclarer pour ne pas rééditer l'expérience de la candidature de l'ancien ministre Sleiman Frangié, qu'ils avaient appuyée alors qu'elle n'a pas tenu la route.

 

(Lire aussi : Frères ennemis..., le décryptage de Scarlett HADDAD)

 

Le « président fort »
Il ajoute aussi que le Liban est régi par un équilibre précis entre les différentes composantes du pays qui ne peut pas être remis en cause. Dans ce contexte, il est ainsi convaincu que les déplacés syriens ne représentent pas une menace pour les équilibres confessionnels, affirmant que personne ne souhaite qu'ils restent indéfiniment et au final, il est convaincu qu'ils rentreront tous chez eux, lorsque le compromis politique sera trouvé en Syrie. Selon lui, cela devrait prendre encore deux ou trois ans.

Sur le plan interne, M. Machnouk estime que la plupart des parties politiques ont fini par accepter la revendication des chrétiens d'avoir « un président fort ». Et aujourd'hui, ceux-ci sont face à une opportunité de revenir en force au sein de l'État et d'en finir avec le fameux désenchantement qu'ils ont évoqué pendant des années. Au passage, il rappelle qu'à l'issue de la conférence de Doha en mai 2008, les parties chrétiennes avaient dit que « le droit est revenu à ses propriétaires », avant de se rétracter et de considérer que l'entente issue de Doha était injuste pour elles. Il a ainsi émis le souhait que la même situation ne se reproduise pas aujourd'hui, ajoutant que toutes les parties libanaises, le courant du Futur et son chef en tête, veulent redonner un rôle de poids aux chrétiens et sont convaincues de l'importance du partenariat véritable. Mais c'est aux chrétiens de le concrétiser en s'impliquant véritablement dans le processus en cours. Au passage, il souligne la relation de confiance qui unit le chef de l'État et le Premier ministre.

 

(Lire aussi : Rifi : Machnouk a « dépassé toutes les lignes rouges possibles et imaginables »)

 

Au sujet de la loi électorale et de sa déclaration sur la grande probabilité d'organiser les élections sur la base de la loi actuelle, M. Machnouk précise que la principale raison réside dans les délais serrés. Comme les élections législatives devraient se tenir au plus tard le 21 mai ( en réalité le mandat – prorogé – du Parlement expire le 21 juin, mais en raison du jeûne du ramadan, il a été convenu d'avancer la date d'un mois), il devrait donc prendre les mesures nécessaires et convoquer les collèges électoraux le 21 février au plus tard. Ce qui laisse peu de possibilités pour l'adoption d'une nouvelle loi électorale basée sur le mode de scrutin proportionnel. Au mieux, il serait possible d'apporter quelques amendements à la loi actuelle. Car il faut aussi former la commission nationale pour la surveillance des élections qui est prévue dans la loi. Si cela n'est pas fait, les élections pourraient faire l'objet d'un recours en annulation.

Le ministre rappelle à cet égard qu'il avait annoncé la tenue des élections municipales l'an dernier (mai 2016) alors qu'aucune partie politique n'y croyait vraiment. Il a alors presque mis la classe politique devant le fait accompli et il est aujourd'hui convaincu que les élections législatives auront lieu à la date prévue. Il se veut aussi réaliste en précisant qu'il y a peu de chances que la classe politique s'entende sur un nouveau projet de loi. C'est pourquoi le plus probable est que les élections se déroulent sur la base de la loi actuelle à laquelle quelques modifications pourraient être apportées. Il estime aussi que le leader druze dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. En même temps, s'il faut tenir compte des appréhensions de Walid Joumblatt, il faudra aussi le faire avec les autres. C'est donc une situation compliquée.

 

(Lire aussi : Le nombre de gardes du corps au cœur de la guerre Rifi-Machnouk)

 

Aoun a changé de discours
M. Machnouk refuse de placer son conflit actuel avec le général Achraf Rifi dans le cadre d'une lutte électorale. Il précise à cet effet que si cela avait été le cas, les autres membres du bloc parlementaire du Futur auraient dû prendre position à ses côtés. Or ils se sont gardés de faire des commentaires sur cette question. Mais n'est-il pas justement en train de se battre pour eux tous ? M. Machnouk sourit et lance : « J'ai les épaules larges et solides... »

Tout en rejetant le terme de centrisme, en parlant du président de la République, M. Machnouk précise que depuis qu'il est devenu président de tous les Libanais, Michel Aoun a changé de discours. Il a désormais la responsabilité de l'État et il a clairement défini les priorités : la stabilité, la protection des frontières, le renforcement de l'unité et la participation, loin de tout alignement sur un axe précis. C'est dans ce contexte qu'il a précisé que la participation du Hezbollah aux combats en Syrie est une question régionale qui dépasse le Liban. Par contre, selon Machnouk, les armes du Hezbollah seront laissées à la conférence du dialogue national lorsqu'elle sera convoquée.

Le ministre de l'Intérieur confie, dans ce sillage, que les Saoudiens ont été agréablement surpris par la personnalité du président Aoun lors de sa visite à Riyad. Selon lui, il s'agissait d'une visite pour tâter le terrain et le contact a été réussi. Dans ses rencontres avec les dirigeants et dans les entretiens qu'il a donnés aux médias saoudiens et qataris, M. Aoun a réussi à transmettre un message d'amitié, d'ouverture et d'attachement au monde arabe qui a séduit ses interlocuteurs. M. Machnouk (qui faisait partie de la délégation officielle) fait remarquer qu'à aucun moment le nom du Hezbollah n'a été clairement évoqué, même s'il était présent dans tous les esprits...

Au bureau du ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, les œuvres d'art, dont il est féru, augmentent en même temps que les dossiers à traiter. Depuis plus de deux ans qu'il a en charge ce ministère, M. Machnouk n'a plus le temps de souffler, tant ses fonctions sont étendues, du domaine administratif au sécuritaire et municipal, en passant par la politique, qui reste son terrain...

commentaires (4)

ce n'est pas lui qui bouge quoi que se soit c'est l'iran et l'arabie et par proxi en plus !!!

Bery tus

18 h 36, le 18 janvier 2017

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Commentaires (4)

  • ce n'est pas lui qui bouge quoi que se soit c'est l'iran et l'arabie et par proxi en plus !!!

    Bery tus

    18 h 36, le 18 janvier 2017

  • A moitié vrai . LA RESISTANCE A BOUGE LES LIMITES ET EST PASSEE DE MARGINALE A NATIONALE .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 21, le 18 janvier 2017

  • Où sont les "équilibres" quand un parti, le Hezbollah le bien-nommé, fait ce qu'il veut ? Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 47, le 18 janvier 2017

  • Il y a déjà une grosse modification ! nous ne sommes plus dans les " équilibres " de 1960 ...mais bien au 21ème siècle en 2017...!

    M.V.

    09 h 44, le 18 janvier 2017

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