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Liban - Parlement

Le Hezbollah « tend la main » tant que la déclaration ministérielle est respectée

Les questions stratégiques ont été quasi rayées du débat politique, comme l'attestent les séances du débat de confiance hier.

Photo Sami Ayad

Le gouvernement de « regain de confiance » a été l'objet hier de deux séances successives de débats à l'hémicycle autour de la déclaration ministérielle. Des séances « banales » (selon un député désillusionné par le compromis Aoun), dont l'intérêt a été de révéler un nouvel équilibre des forces politiques visiblement favorable au Hezbollah.

Alors que ce dernier avait été fustigé par les opposants au cabinet Salam lors des séances de débat en mars 2014, il a été nettement épargné hier par les intervenants, si l'on exclut les réserves ponctuelles des Forces libanaises (dans la mesure que leur permet leur participation au cabinet) sur la clause qui reconnaît le « droit des citoyens de résister » (une formulation calquée sur la déclaration du cabinet sortant). Le député Antoine Zahra s'est étonné qu'un État « délègue sa stratégie défensive à qui veut en élaborer une à sa mesure ». Fort de son opposition au cabinet, le député Khaled Daher a donné libre cours à son souci d'exprimer la frustration de la rue sunnite du Nord, « qui se fait arrêter pour ses sympathies à l'égard de l'Armée syrienne libre alors que le Hezbollah combat librement en Syrie ». Sa virulence exacerbée, presque théâtrale, lui a valu une pique de la part du député du bloc du Futur, Riad Rahal, l'accusant de parler ainsi en raison de sa « frustration de n'avoir pas été nommé ministre ». Une remarque qui a provoqué l'ire de M. Daher, lequel aura plus tard un aparté d'une dizaine de minutes, au fond de l'hémicycle, avec le député Okab Sakr. Sa contestation est restée orpheline.

Parce que la confiance telle qu'entendue à l'ombre du nouveau mandat doit être prise dans son acception économique, excluant tout débat de fond sur les questions stratégiques politiques, c'est donc par un constat de la difficile « réalité » économique (chômage, crise des déplacés) que le Premier ministre désigné Saad Hariri a introduit sa lecture de la déclaration ministérielle (lire par ailleurs).
Faut-il rappeler que l'argument économique a été, pour les non-boycotteurs des séances électorales, le principal motif des compromis qu'ils ont accepté d'entériner afin de briser le cercle du vide ? C'est naturellement sur l'enjeu de rétablir la confiance des investisseurs que se focalise le cabinet Hariri, « la confiance étant ce qu'il y a de plus valeureux pour notre pays », a ainsi précisé le Premier ministre, poussant jusqu'au bout sa méthode de « containment », ou de mise en suspens des points litigieux, aussi importante que soit leur portée stratégique.

 

(Lire ausi : Le Hezbollah chez Joumblatt « pour le rassurer » sur la loi électorale)

 

« Tarzan »
À cette méthode – qui dure depuis le début du dialogue Hezbollah-Futur – le Premier ministre sortant Tammam Salam a proposé quatre lignes directrices – sonnant comme des survivances du projet d'édification d'un État de droit souverain, à commencer par « le respect du partenariat (...) que dicte la formule innovée par les pères fondateurs (Béchara el-Khoury et Riad el-Solh, NDLR) ; et l'attachement à la Constitution de Taëf, dans l'esprit et la lettre ». Si, toutefois, se pose la question de réformer le système politique, celle-ci devra prendre en compte la « présomption de base selon laquelle toute réforme ne se fera que par consentement mutuel, et dans une ambiance saine et selon les mécanismes constitutionnels prévus... toute tentative de modifier la nature du système politique, en dehors de ces cadres, étant vouée d'avance à échouer », a-t-il ajouté.

M. Salam a insisté enfin sur l'impératif de rester en accord avec la « démocratie comme fondement de notre vie politique », c'est-à-dire « d'obéir au principe de la compétition démocratique, d'une part, et de renoncer, d'autre part, de recourir à la violence ou d'en utiliser la menace comme outil de domination politique ».
Ces quatre principes anticipent visiblement une possible concrétisation, dans un avenir proche, des velléités du Hezbollah de revoir le système politique afin d'y institutionnaliser un partenariat tripartite. Il n'est pas sûr toutefois que le parti chiite ait besoin de recourir à la force pour imposer sa volonté. Parce que si la confiance économique est revitalisée par le camp haririen, soutenu dans sa tâche par les autres parties, à commencer par Baabda, la confiance politique, elle, passe avant tout par le parti chiite.

 

(Lire aussi : Affaire de confiance)

 

Lorsque le député Ali Ammar s'est levé pour prononcer son allocution au nom du bloc de Fidélité à la résistance – la dernière de la séance du matin – après près de trois heures de débat, le brouhaha provoqué par les conversations entre les députés en marge des interventions successives de leurs collègues a subitement cessé. Même le député Serge Torsarkissian, qui parasitait énergiquement hier les allocutions de ses collègues à la tribune, a suspendu son rôle de pitre, ou de « Tarzan » – surnom que lui a accolé hier le président de la Chambre.

C'est un message direct qu'a adressé M. Ammar à Saad Hariri, assis au centre de la première rangée de la tribune réservée aux membres du nouveau gouvernement. « Monsieur le Premier ministre, tout ce que nous souhaitons de votre nouveau cabinet est qu'il reste fidèle à sa déclaration ministérielle, ni plus ni moins, dans les limites du possible. Vous nous verrez alors tendre la main et faire preuve de coopération jusqu'au bout », a-t-il dit, ce à quoi Saad Hariri a réagi par une flexion du cou.
Comprendre : la marche du cabinet Hariri est conditionnée par la volonté du Hezbollah.

 

(Lire aussi : Hariri : La confiance est l'atout le plus précieux du Liban)

 

Doléances citoyennes
Ce rapport de force ne se mesure pas vraiment à la formulation de certaines clauses litigieuses de la déclaration ministérielle, laquelle reprend celle du cabinet sortant, pour ce qui est notamment de la résistance et du Tribunal spécial pour le Liban. Même au niveau de la forme, c'est la même « tactique » qui a été adoptée hier pour insérer la clause relative au TSL : exactement comme il l'avait fait en 2014, le président de la Chambre a allégué une « faute d'impression » de la copie de la déclaration déposée depuis vendredi dernier dans la boîte aux lettres des députés, laquelle n'a pas inclus le paragraphe relatif au TSL. Une copie rectifiée de la déclaration incluant le paragraphe en question leur a été remise hier, avec deux autres « rectifications » d'ordre technique, comme justifiant celle relative au TSL.

C'est ailleurs, sous le thème des doléances citoyennes et de la lutte contre la corruption – dont le camp aouniste a promis de faire son cheval de bataille – que les nouvelles pressions du Hezbollah pourraient s'exercer. Voulant faire une autocritique, dont il s'est abstenu toutefois d'en désigner la cause (les deux ans de paralysie et de décrépitude ? ), Ali Ammar a vite appelé à parachever la titularisation des bénévoles de la Défense civile, et pressé le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, « dont nous ne doutons pas des bonnes intentions », à préparer le second décret y relatif. Une demande à laquelle M. Machnouk s'est montré réceptif.

 

(Lire aussi : Une séance nocturne calme avant le vote de confiance ce matin)

 

Problèmes chroniques
D'autres dossiers socio-économiques, évoqués par la majorité des dix intervenants, promettent de meubler les débats en Conseil des ministres : le vote du budget (pour lequel a plaidé le bloc du Futur, salué par le président de la Chambre, ainsi que le bloc du Changement et de la Réforme), le forage pétrolier, la relance des instances d'inspection et d'observation dans le cadre de la lutte contre la corruption, et surtout le réajustement de l'échelle salariale. L'on notera que le dossier des déchets a été dissous par les intervenants dans le lot des « problèmes chroniques des Libanais, comme l'électricité », tandis que le dossier des déplacés syriens a été mis en avant.

Pour ce qui est de la loi électorale, principal enjeu déclaré du nouveau cabinet, les députés FL Antoine Zahra et Joseph Maalouf ont tous deux défendu le mode de scrutin mixte, comme seul mode recevable par toutes les parties politiques. Se prononçant au nom du bloc du Futur, le député Samir Jisr a plaidé pour une « loi moderne » et valorisé « le dialogue » entamé entre les parties à cette fin. Représentant le bloc aouniste, le député Ibrahim Kanaan a réaffirmé « notre appui à la proportionnelle » (défendu fermement par le député Farid Khazen) mais s'est dit « ouvert à tout débat sur une loi équitable ». Le député Marwan Farès, qui a affirmé son attachement à Taëf, a plaidé pour « la proportionnelle sur base d'une seule circonscription ». Le député Nehmetallah Abi Nasr s'est attardé sur l'aménagement de nouveaux mohafazats (notamment un qui inclurait Jbeil dans le Kesrouan) dans le cadre de la réforme électorale...

Alors que 24 députés (28 selon le député Georges Adwan) étaient enregistrés pour prendre la parole au cours du débat de confiance, certains ont rayé leur nom, suite à une entente de principe – très partiellement respectée hier – obtenue entre les blocs représentés au sein du cabinet de déléguer un seul représentant à la tribune. Le vote de confiance devrait donc avoir lieu aujourd'hui dans la matinée.

 

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Alors que ce dernier avait...

commentaires (4)

LA MOUCHE DU COCHE...

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 00, le 29 décembre 2016

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Commentaires (4)

  • LA MOUCHE DU COCHE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 00, le 29 décembre 2016

  • PAS A PAS LE CHANGEMENT S,INSTALLE N,EN LEUR DEPLAISE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 38, le 29 décembre 2016

  • CAD TANT QUE LES INTIMIDATIONS MARCHENT ENCORE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 25, le 28 décembre 2016

  • L'année 2016 finit bien. 2017 commencera sous de bons auspices, avec la protection de la résistance du hezb résistant. Avec les capitaux bensaouds qui reviendront, les touristes qui afflueront la résistance veillera à ce que les prédateurs se tiennent à bonne distance de nos frontières nord et SUD. UN LIBAN ENFIN FORT ET RESPECTÉ.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 15, le 28 décembre 2016

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