IV – À Beyrouth, un centre de tri de métaux unique en son genre
Entre des immeubles résidentiels et les petites usines de la Cité industrielle, Ahmad el-Sett a monté son entreprise de recyclage de métaux. Un engagement tant pour l'environnement que pour l'avenir de la jeunesse.
« Si je fais tout ça, c'est pour mes filles et pour l'environnement », affirme-t-il d'emblée, debout devant ses grandes machines. Il est le patron de cette entreprise de tri de métaux, destinés au recyclage. Dans les deux usines appartenant à Ahmad, vingt ouvriers travaillent sans relâche pour faire tourner la boutique.
Derrière les palissades de bois, les machines tournent sans s'arrêter, dans un fracas métallique incessant. Dans la cabine de la grue, un homme s'active à ramasser et déplacer des tiges d'aluminium, prêtes à être écrasées par un compresseur en surplomb. Environ quinze tonnes de ferraille sont quotidiennement compactées chez lui, dans son centre de tri de Beyrouth.
Quand le métal arrive à l'usine, transporté des quatre coins du Liban par les quatre camions de la société Evandy, il est trié en fonction de sa provenance. « Ici, ce sont les fils électriques », explique Ahmad. Dans des sacs s'entassent des milliers de câbles, « prêts à être déplastifiés », dit-il. Gisant près des grands sacs de toile, des moteurs, des ordinateurs, des machines à laver, tous usagés et disloqués.
« Pour résumer, tout ce qui contient du métal nous intéresse, résume le patron. Nous sommes la seule entreprise au Liban qui possède toutes les machines pour séparer les métaux entre eux, le cuivre, le zinc, le fer, le plomb... Nous sommes très bien équipés. » Son arsenal de machines est impressionnant. Il a déjà effectué plusieurs voyages en Europe pour s'en procurer « de bonne qualité ». Le métal, il l'achète « au poids » à des personnes qui viennent lui en proposer.
À l'entrée de la zone, un camion fait marche arrière, sous le regard attentif des employés. Près du compresseur, il décharge sa cargaison arrivée tout droit du fond des rivières libanaises. Un matelas à ressort s'affale sur le sol dans un bruit sourd, digne d'un dessin animé. Mais Ahmad reçoit aussi des matières plus insolites. L'armée libanaise, par exemple, lui apporte parfois des bombes désamorcées. D'ailleurs, à chaque fois que des banques ou l'armée lui confient des métaux à trier ou à compresser, ils surveillent l'opération jusqu'à son terme, afin de s'assurer que tout a bien été détruit. Un ouvrier arrive avec une tête de missile d'une bonne quarantaine de centimètres à la main, sourire aux lèvres.
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« Regardez cette fumée noire »
Pour Ahmad, « cela fait plus de vingt ans que l'on parle au Liban de recyclage, de tri sélectif... Mais il n'y a aucun coup de pouce de l'État à ce sujet ». Il a lui-même commencé tôt à se pencher sur la question. Dès 1988, il échange sa voiture contre un camion pour commencer à travailler. Depuis, son entreprise de tri des métaux crée des emplois et se rebaptise en 2006 Evandy, du prénom de l'une de ses filles. Tout ce qu'il récolte et trie, il le revend ensuite à des entreprises privées. Pour le cuivre par exemple, on lui donne environ 6 000 livres par kilo.
Pour Évita, une autre de ses filles, qui aide son père aux finances, « la prise de conscience ne s'est pas encore faite au Liban ». Pour le prouver, Ahmad el-Sett sort une grosse poignée de fils électriques d'un sac. Il les pose par terre, puis demande à l'un de ses employés de sortir un chalumeau rangé sur le côté. Les flammes jaillissent et le plastique, qui entoure les câbles, brûle à toute allure. Une épaisse fumée noire s'en dégage et monte haut vers les cieux. « Voilà ce que ça fait, l'incinération. Ça pollue, ça salit, regardez cette fumée noire », lance-t-il.
Tandis que le petit tas de fils finit de se consumer, un camion militaire entre dans le centre de tri. Deux soldats en descendent et sortent de l'arrière du véhicule des moteurs usagés. Les employés d'Ahmad réceptionnent la marchandise et l'entreposent près des autres moteurs. Le soleil est à son zénith, la chaleur est pesante. Pourtant, les ouvriers s'affairent au fond du centre à récupérer les résidus de cuivre finement découpés par les machines. Ils travaillent de dix à douze heures par jour. Au sol, l'essence se mélange à l'eau des rivières qui s'égoutte des débris rapportés un peu plus tôt.
Si ce lieu de tri est la première étape du recyclage, elle est primordiale pour Ahmad el-Sett. Souriant, il affirme avec aplomb qu'à propos de l'environnement, « il faut que les choses changent au Liban ».
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EXEMPLE A SUIVRE SURTOUT POUR LES DECHETS EN PLASTIC POUR RECYCLAGE ET LES RESIDUS VEGETAUX ET AUTRES QUI PEUVENT A PRIX RIDICULE SE TRANSFORMER EN ENGRAIS...
LA LIBRE EXPRESSION
17 h 55, le 14 octobre 2016