Mariage civil : quand un cheikh sous-entend qu'une activiste libanaise est une "débauchée"

Lors d'un débat télévisé diffusé en langue arabe par la chaîne allemande Deutsche Welle, un cheikh sunnite libanais s'en est pris à une juriste libanaise et activiste au sein de l'Association Libanaise pour les Droits Civils, mariée civilement en Turquie.

Lors de ce débat, dont la vidéo a été postée aujourd'hui par la chaîne sur les réseaux sociaux, le cheikh Houmam Chaar, juge chérié du Mont-Liban, qui désapprouve de manière véhémente le mariage civil, demande à Rima Ibrahim, qui affirme être musulmane de même que son époux, si elle est "une +débauchée+, une femme aux mœurs légères".

"Une femme qui s'est mariée civilement, ou qui a changé de religion, est-elle considérée comme apostate selon vous?", demande d'abord l'animateur au dignitaire musulman. Celui-ci répond sans ambages : "Bien évidemment". "Elle ne peut plus hériter, elle n'a plus aucun lien juridique avec sa famille, du point de vue religieux", explique-t-il.

C'est à ce moment que Rima Ibrahim interrompt le cheikh, en affirmant : "Je ne suis pas apostate, je suis toujours musulmane et je suis mariée civilement".

"Quelles sont vos croyances?", lui demande alors le cheikh Chaar. "Cela ne concerne que moi", lui rétorque l'activiste libanaise. Une réponse immédiatement réfutée par le dignitaire. "Soit vous croyez en la charia (la loi islamique), soit vous n'y croyez pas", lui lance-t-il.

Il affirme ensuite que "leur mariage (le mariage civil) n'est pas religieux. Ils refusent la charia. Comment cette femme va-t-elle hériter dans l'avenir?".

(Pour mémoire : Mariage civil au Liban: hymne en faveur de la liberté de choix)

"Je ne pense pas que je suis une débauchée"
Rima Ibrahim revient alors à la charge : "J'ai contracté un mariage civil en Turquie, car cela reflète mes convictions personnelles". Lui coupant la parole, le cheikh Chaar lui lance : "Vous ne voulez pas obéir à la charia. Êtes-vous une +débauchée+ (fassiqa, en arabe)?". Le présentateur interrompt le dignitaire, avant que ce dernier ne se défende en disant : "Je ne fais que lui demander si elle est une débauchée".

L'intéressée, sur un ton très calme, répond alors : "Je ne pense pas que je suis une débauchée". Voulant s'assurer que son interlocutrice a compris ce qu'il voulait dire, le cheikh Chaar lui demande si elle est une "femme aux mœurs légères". "Peut-être que selon vous c'est le cas, je ne sais pas", lui répond Rima Ibrahim.

Tentant toujours d'expliquer ce qu'il veut dire, le cheikh Chaar affirme que le concubinage est considéré comme +fisq+ (acte de débauche)".

Rima Ibrahim lui rappelle enfin qu'elle est mariée à un homme musulman depuis 19 ans, et qu'ils ont ensemble deux filles "extraordinaires et éduquées aux bonnes mœurs, à la politesse et au respect des autres".

Le premier mariage civil au Liban, contracté entre Nidal Darwish et Khouloud Soukarieh, avait été enregistré en 2013 à la faveur d'une disposition (décret 60 de 1936) en date du Mandat Français stipulant la suppression de la mention d'appartenance à une communauté religieuse sur les fiches d'état civil

Toutefois, la question du mariage civil contracté au Liban fait toujours l'objet de débats. Début 2015, le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, affirmait qu'il éait impossible d'enregistrer les mariages civils contractés au Liban en raison de l'absence d'un cadre législatif adéquat, mais laissait la porte ouverte à d'autres mariages civils au Liban dans l'avenir. La décision de M. Machnouk avait été qualifiée d"'abusive" par certains juristes.

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