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Liban - Législation

Le projet de loi sur le mariage civil facultatif au Liban : une réforme de l’intérieur, sans rupture avec le système

Le texte fixe des frais forfaitaires pour chaque contrat de mariage civil, au profit de la confession de l'époux.

Un projet de loi sur le mariage civil facultatif est mis en ligne sur le site du ministère de la Justice depuis mercredi. Élaboré par le comité de législation et de consultation (l'un des deux comités consultatifs affiliés au ministère), à la demande du ministre Chakib Cortbaoui, ce projet, formé de quatre articles, doit permettre à tout Libanais de conclure, s'il le souhaite, un mariage civil sur le territoire libanais. Il vise en effet à institutionnaliser la nouvelle pratique initiée par le mariage de Nidal Darwiche et Khouloud Sukkarieh, en novembre 2012, et légitimée par un avis favorable du Haut Conseil consultatif relevant du ministère de la Justice.

Rappelons que cet avis avait jugé possible pour les Libanais de conclure un mariage civil devant notaire, sur le territoire libanais, après avoir radié leur confession de l'extrait d'état civil. Les effets juridiques du mariage obéissent alors à la loi civile d'un pays étranger, que choisirait le couple.


Le texte de loi proposé maintient ce mécanisme en exemptant néanmoins le couple de l'obligation de radier préalablement leur confession et en accordant au fonctionnaire du service d'état civil la compétence d'authentifier l'acte de mariage civil ainsi conclu.
La loi viendrait donc institutionnaliser une percée ébauchée en pratique, en lui donnant le moule légal qui lui manquait. Notons en effet que si la pratique initiée par Khouloud et Nidal avait fait l'objet d'un enthousiasme civil, relayé par des avis juridiques favorables, elle reste contestée par d'autres experts, tout aussi favorables au mariage civil facultatif, mais qui jugent illégale cette pratique, faute d'une loi qui l'encadre. « Si Khouloud et Nidal devaient divorcer par exemple, la juridiction civile libanaise leur opposerait son incompétence en la matière, faute de texte », comme le relève un observateur.
Ainsi, la loi proposée annule les articles existant depuis des décennies qui avaient autorisé, par souci de respecter la « liberté de croyance » des Libanais, la conclusion d'un acte de mariage civil, mais seulement en dehors du territoire libanais.


Parmi ces textes, l'article 25 du décret 60 LR de 1939, qui reconnaît la célébration du mariage civil mais l'interdit au Liban, en prévoyant d'y appliquer le statut personnel du pays de célébration. Le projet de loi remplace cet article par la formule suivante : « Si le contrat de mariage civil est conclu au Liban ou à l'étranger, il est soumis à la loi civile choisie par les deux époux, à condition que cette loi ne contrevienne pas à l'ordre public et aux bonnes mœurs. »


Corollairement, le texte proposé annule l'article 79 du Code de procédure civile, qui confie aux juridictions civiles libanaises la compétence à examiner les litiges portant sur un contrat de mariage civil conclu à l'étranger.
En résumé, le projet du ministère prévoit la conclusion d'un contrat de mariage civil en territoire libanais, en l'incluant en outre dans la compétence des juridictions civiles.

 

« Ne pas s'écarter du système »
Mais il s'en dégage en même temps un souci certain, assumé par les rédacteurs du texte, de ménager les dix-huit communautés du pays. « Ce projet de loi n'a pas pour but de créer une nouvelle confession ni un nouveau rassemblement, puisqu'il prévoit uniquement de confier au fonctionnaire du service d'état civil la compétence d'authentifier l'acte de mariage, qui reste soumis à la loi étrangère choisie par les époux », peut-on lire dans l'exposé des motifs.


Comme gage de bonne volonté, le texte prévoit le versement d'un montant forfaitaire de 500 mille livres libanaises pour chaque contrat de mariage conclu. Cette somme est versée, par l'intermédiaire de l'État, à l'autorité dont relève la confession du mari, au cas où les conjoints sont tous deux libanais. Un mécanisme est prévu, dans le même esprit, pour les couples de nationalité mixte.


Dans son évaluation du projet de loi, l'observatoire et centre de recherches juridique « al-Moufaqqira al-Qanouniya » (l'Agenda juridique) s'est attardé, entre autres, sur le mécanisme de versement de la somme « qui fait de l'État une personne mandatée à collecter les frais au profit de la confession bénéficiaire, ce qui est un précédent dans la législation libanaise ». La même lecture revient également sur « le fondement machiste de la détermination de la confession bénéficiaire, celle-ci étant celle du mari ».

 

Derrière le projet, des juges femmes
Pourtant, ce sont trois femmes juges qui ont élaboré le texte de loi proposé. Il s'agit de Nada Ghamra, Georgina Abi Tayeh et Marise el-Aamm, qui font partie du département de législation du comité de législation et de consultations. Formées à l'expertise du travail de législation, dans le cadre d'un protocole d'accord avec l'ambassade de France mis en marche depuis trois ans, elles ont travaillé sous la supervision de la présidente du comité en question, la juge Marie Denise Méouchy.


Celle-ci explique à L'OLJ que le choix de la confession de l'époux est lié par « un souci de ne pas s'écarter du régime matrimonial au Liban ». Loin des rédactrices du texte l'idée d'une rupture avec le système confessionnel du pays. Le même esprit motive l'idée de frais forfaitaires. « Nous avions même prévu des frais d'une valeur d'un million et 500 mille livres, mais cette somme a été réduite à la demande du ministre », ajoute-t-elle, insistant sur le nécessaire équilibre entre le système de normes existant et la réforme escomptée.
« Nous avons voulu effectuer un petit pas, qui rendrait à la fois impossible un retour en arrière », conclut-elle.


C'est dans cet esprit que s'exprime le ministre Cortbaoui. « Ce premier pas nous débarrasse du mensonge que vivent les Libanais, celui d'un mariage civil légal à Chypre mais condamnable au Liban, souligne-t-il. C'est une simple équation que le projet de loi vise à rectifier », en vue du chantier plus long, plus ardu, et qui a pour l'instant peu de chances d'aboutir, à savoir celui d'élaborer un code civil de statuts personnels.
Le projet de loi sur le mariage civil facultatif, lui, a été confié au bureau du Conseil, en vue de son insertion à l'ordre du jour du Conseil des ministres.
Le ministre compterait également sur certains députés pour présenter la proposition de loi au Parlement, ou du moins pour un lobbying en faveur du projet, dont l'adoption, si elle est obtenue, serait indissociable des tractations politiques.

 

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commentaires (3)

J'ai utilisé le lien pourle ministère de la justice, c'était en arabe, et j'ai tapé sur le texte en français et je n'ai pas trouvé le texte, et même j'ai trouvé qu'il y avait presque pas d'information en français

Talaat Dominique

23 h 54, le 01 février 2014

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Commentaires (3)

  • J'ai utilisé le lien pourle ministère de la justice, c'était en arabe, et j'ai tapé sur le texte en français et je n'ai pas trouvé le texte, et même j'ai trouvé qu'il y avait presque pas d'information en français

    Talaat Dominique

    23 h 54, le 01 février 2014

  • Tant que la femme ne bénéficie pas des mêmes droits que l'homme et tant qu 'elle ne pourra jamais accorder sa nationalité à son enfant le mariage civil restera un projet difficile à réaliser.

    Sabbagha Antoine

    17 h 07, le 01 février 2014

  • Mauvais projet, car il institutionnalise encore plus les Wakfs-biens-d'églises en leur versant ainsi une sorte de compensation ou de dîme.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 24, le 01 février 2014

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