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Liban - Interview

Salah Honein : Le refus d’enregistrer les mariages civils contractés au Liban est abusif

Juriste chevronné et ancien député, Salah Honein invite le ministre de l'Intérieur à prendre position s'il est vraiment avec le principe de l'union civile.

L’ancien député et juriste, Salah Honein. Photo Anne-Marie el-Hage

Il y a quelques jours, le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, tranchait : « Les mariages civils contractés au Liban ne peuvent être enregistrés en l'absence d'une loi sur le mariage civil facultatif. » Le ministre, qui s'est lavé les mains de ce dossier tout en se disant en faveur du « principe du mariage civil facultatif au Liban », a renvoyé les personnes concernées auprès des tribunaux civils afin que ces derniers se prononcent sur le caractère légal des contrats.

« Ce refus est abusif et contraire à la loi, répond le juriste et ancien député Salah Honein. Car aucun texte de loi n'interdit le mariage civil au Liban, pas plus qu'il n'existe un texte qui oblige les candidats au mariage civil à partir à l'étranger pour convoler. » Il précise à ce propos que les mariages civils contractés à l'étranger sont juste « reconnus par les autorités ». Il encourage donc les jeunes couples qui se sont heurtés à ce refus d'enregistrement de leur mariage civil à « porter plainte contre le ministère de l'Intérieur ». « C'est leur droit constitutionnel, martèle-t-il. Un droit qui a été consacré par le Conseil d'État lorsqu'il a donné un avis favorable au mariage civil de Nidal Darwiche et Khouloud Succariyé contracté à Beyrouth en 2012. »

Et de souligner que le ministère de l'Intérieur ne peut aller contre l'avis du Conseil d'État. « Il ne peut non plus pratiquer une politique des deux poids, deux mesures, ni même aller à l'encontre de l'évolution de la société et de la volonté de la jeunesse », dit-il, dénonçant « les murs de la honte érigés entre les confessions ».
L'ancien député ne se contente pas de saluer « l'inventivité du jeune couple » qui « a montré une solution alternative ». Il s'engage personnellement « à l'appuyer solennellement ». « Il faut lui être reconnaissant », note-t-il, estimant que « ce combat qu'il mène doit aboutir ».

Le mariage civil pour tous les Libanais
Quant à la loi 60 LR de 1936, sur laquelle se sont basés les couples qui ont convolé civilement au Liban, depuis Nidal et Khouloud, après avoir rayé la mention de leur religion des registres d'état civil, « elle n'est pas restrictive, martèle-t-il. Elle est même cohérente et humaine ». Par cette loi, « le législateur ouvrait les portes aux personnes qui n'appartenaient pas à une communauté religieuse reconnue par l'État et donc à une communauté de droit commun, vu qu'en 1936, les gens se mariaient majoritairement au sein de leurs communautés », explique l'homme de loi. « Si un citoyen libanais de confession bouddhiste ou yazidie peut se marier civilement au Liban, pourquoi les autres Libanais n'auraient-ils pas ce même droit ? » demande-t-il.

Me Honein estime que tous les Libanais sans exception doivent pouvoir se marier civilement au Liban ou à l'étranger. « Les couples ne devraient pas avoir besoin de rayer la mention de leur religion car personne ne devrait être contraint à changer sa propre identité. Il leur suffirait d'accompagner leur contrat de mariage auprès du notaire de la loi étrangère de leur choix », observe-t-il. Il mentionne toutefois, à l'égard des couples de confession musulmane dont le mariage civil contracté à l'étranger reste régi par la charia, que ces derniers doivent avoir la possibilité de barrer la mention de leur communauté et d'appartenir à la 19e communauté.

 

(Pour mémoire : Le Conseil des ministres élude le mariage civil, et bute sur les rentrées du téléphone mobile...)



Fervent défenseur du mariage civil facultatif et signataire d'une proposition de loi sur le statut personnel avec l'Association libanaise pour les droits civiques menée par les militants Ougarit Younane et Walid Slaiby, l'avocat prône l'adoption d'une « loi civile bien étudiée » qui régisse non seulement le mariage, mais aussi le divorce, la garde des enfants, l'héritage... et qui permette aux couples de mener une vie normale. « Il est impensable qu'un époux ne puisse pas hériter de sa femme, ou vice versa, parce qu'ils sont de religion différente et que les lois communautaires les en empêchent, dénonce-t-il. Il est aussi honteux que des enfants ne puissent pas hériter de leurs parents. »

Manque de respect du citoyen
Salah Honein dénonce par ailleurs « l'hypocrisie » des autorités libanaises qui « légitiment le mariage civil contracté à l'étranger, mais interdisent ce mariage contracté au Liban ». « Peut-on prôner la souveraineté alors qu'on applique des lois étrangères sur les mariages civils ? » demande-t-il encore. Le juriste ne manque pas de montrer du doigt le manque de respect des autorités pour les citoyens, qui s'est concrétisé dans les propos du ministre de l'Intérieur sur « la proximité de Chypre ». « Les jeunes couples ne doivent pas être contraints de demander des visas, de payer des billets d'avion et des chambres d'hôtel pour se marier civilement, alors que leur droit le plus absolu est de le faire au Liban, assure-t-il. Car le mariage civil n'est pas simplement le fait d'aller convoler à Chypre. C'est une nécessité pour régir le mariage, le divorce, la garde des enfants, l'héritage. »

Reprenant enfin les propos du ministre Nouhad Machnouk « en faveur du principe du mariage civil facultatif au Liban », l'ancien membre de la Commission des droits de la femme et de l'enfant invite le ministre de l'Intérieur à trouver la solution et à accepter les mariages civils contractés au Liban : « S'il est avec le principe d'une loi, qu'il propose donc une loi en Conseil des ministres et qu'il la soumette au Parlement ! Qu'il prenne donc position ! »

 

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Il y a quelques jours, le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, tranchait : « Les mariages civils contractés au Liban ne peuvent être enregistrés en l'absence d'une loi sur le mariage civil facultatif. » Le ministre, qui s'est lavé les mains de ce dossier tout en se disant en faveur du « principe du mariage civil facultatif au Liban », a renvoyé les personnes concernées...

commentaires (2)

Malheureusement, nous continuons d'être dirigés par une bande de lâches incapables de prendre une décision responsable... Mais où va notre pays, devenu la risée de tous ? Irène Saïd

Irene Said

10 h 26, le 07 février 2015

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Commentaires (2)

  • Malheureusement, nous continuons d'être dirigés par une bande de lâches incapables de prendre une décision responsable... Mais où va notre pays, devenu la risée de tous ? Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 26, le 07 février 2015

  • L'ABRUTISSEMENT... PARTOUT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 40, le 07 février 2015

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