Le leader du courant du Futur, Saad Hariri, a été reçu hier soir à Ankara par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le Premier ministre, Binali Yildirim, auxquels il a exprimé son soutien après le putsch manqué et les attentats terroristes qui ont frappé la Turquie. Photo Ani
Le Conseil des ministres a relevé hier le défi qui lui a lancé le Courant patriotique libre et s'est réuni en dépit de ses avertissements et du boycottage des ministres affiliés au bloc du général Michel Aoun, hostiles à la décision attendue, à la mi-septembre, de reporter une fois de plus le départ à la retraite du commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwagi.
« Le Premier ministre Tammam Salam a émis l'espoir que les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la séance d'aujourd'hui seront passagères », a déclaré le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, dans un communiqué lu à l'issue de la réunion.
Ont boycotté la séance les ministres du Courant patriotique libre, Gebran Bassil (Affaires étrangères) et Élias Bou Saab (Éducation), le représentant du parti arménien Tachnag, Arthur Nazarian (Énergie), ainsi que le ministre démissionnaire de l'Économie, Alain Hakim, membre des Kataëb.
Le chef du gouvernement a « pris en considération les prises de position concernant la séance d'aujourd'hui mais estime que ces positions ne doivent pas provoquer davantage de stagnation », a ajouté M. Jreige.
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Présence passive
Le ministre a rapporté que M. Salam a demandé le report de toute discussion sur des dossiers litigieux. Cela n'a pas empêché certains ministres de demander à débattre des raisons qui ont poussé le bloc aouniste à boycotter la séance. Toutefois, les débats autour de cette question ont, une fois de plus, tourné en rond.
Le ministre de la Santé, Waël Bou Faour, a sagement rappelé que « seuls des dossiers qui ne prêtent pas à débat ont été approuvés » et que « tout le monde tient à résoudre la crise politique provoquée par l'absence des ministres aounistes, en raison de leur représentativité ».
Les ministres du Hezbollah ont participé à la séance, mais le ministre de l'Industrie, Hussein Hajj Hassan, a affirmé que cette présence était passive. « Nous n'avons pris part à aucun débat, en tant que ministres membres du Hezbollah », en conformité avec « notre appel à ne pas tenir de séance du Conseil des ministres en l'absence de deux composantes essentielles ».
Pour sa part, Michel Pharaon devait décider de quitter prématurément la réunion, après avoir pressenti que des discussions sur des dossiers litigieux, comme celui des routes et des travaux publics, allaient être abordés. Dès mardi, d'ailleurs, M. Pharaon avait appelé à l'annulation du Conseil des ministres, pour éviter une escalade inopportune. M. Salam avait toutefois décidé de passer outre, fort de sa réputation de modération et du crédit politique dont il dispose auprès de toutes les parties.
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La surenchère de Bassil
Il faut croire que cette prudence n'a pas payé, cette fois. Dans un virulent accès de surenchère, le président du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, s'est emporté hier soir contre les composantes du gouvernement ayant participé à la séance du Conseil des ministres, malgré l'absence des ministres affiliés au bloc aouniste. « Maudits soient ceux qui tentent de nous éjecter du gouvernement en tenant des séances qui ne respectent pas le pacte national », a-t-il lancé, assurant que son parti s'en prendra au gouvernement « en cas de prise de décision rompant le pacte ».
Sur un ton plus sobre, le député Ibrahim Kanaan est revenu sur le sujet en affirmant : « Nous nous opposons à ceux qui rompent le pacte et la démocratie consensuelle. » Et de souligner que le boycottage des ministres du bloc est une façon de « défendre la représentativité des chrétiens. »
En marge de la séance, la surenchère verbale avait atteint des sommets, les ministres du CPL et leurs alliés faisant flèche de tout bois pour minimiser la représentativité de leurs collègues ayant assisté au Conseil des ministres. Ainsi, Élias Bou Saab devait affirmer que les ministres ayant assisté au Conseil des ministres ne représentent que 18 % de l'électorat. Il devait se faire attaquer en retour par Alice Chaptini par des arguments aussi dérisoires que la mise en opposition de la qualité face à la quantité. Boutros Harb, pour sa part, devait refuser de suivre cette logique, tout en s'en prenant avec virulence aux aounistes et en réclamant la démission du gouvernement.
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Le Futur menace de se retirer du gouvernement
En soirée, c'est Ghattas Khoury, conseiller de Saad Hariri, qui a introduit une nouvelle note dans la cacophonie politique ambiante, en annonçant que le courant du Futur pourrait quitter et le gouvernement et la table de dialogue.
« Le courant du Futur étudie en ce moment le choix d'entrer dans l'opposition et de quitter le gouvernement et la table de dialogue », a déclaré M. Khoury lors d'une émission télévisée à la LBCI, sans plus de précision.
Le conseiller de Saad Hariri est par ailleurs revenu sur le boycottage des ministres affiliés au bloc aouniste de la séance du gouvernement du jour, affirmant que Tammam Salam « est très attaché au principe de représentativité ». Et de souligner que « le problème de la représentativité est étroitement lié à l'absence d'un chef de l'État », un blocage entretenu par les députés du CPL et le Hezbollah.
Il y a lieu de noter que le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, s'est absenté de la séance pour des raisons qu'il n'a voulu confier qu'à M. Salam.
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La pollution du Litani
Au final, et selon le communiqué du gouvernement, celui-ci a approuvé un rapport rédigé par la commission ministérielle en charge de la question de la pollution du Litani. Il a été décidé en particulier de faire tout pour tenir les 400 000 réfugiés syriens présents dans la Békaa aussi éloignés que possible du fleuve. Il a également validé un protocole d'entente avec l'Autorité palestinienne au sujet du recensement des réfugiés palestiniens résidant dans les camps au Liban et des bâtiments qui s'y trouvent. Le cabinet a également « réitéré sa confiance » dans le président de la commission chargée du dossier de la gestion des déchets, le ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb, lui accordant son « blanc-seing pour mener tous les contacts nécessaires avec les parties concernées en vue de l'application du plan de gestion des ordures ».
Parmi les points de l'ordre du jour qui ont été reportés figure celui de la nomination d'un nouveau recteur de l'Université libanaise, ainsi que la fixation du montant des « provisions secrètes » accordées à l'armée, sachant par ailleurs que des réaffectations de crédits ont été décidées, sur la base du douzième provisoire.
Réagissant au blanc-seing qu'il devait obtenir, M. Akram Chehayeb a affirmé que « la campagne menée contre la décharge de Bourj Hammoud n'a aucune base environnementale, sanitaire ou même sociale, et relève de la surenchère politique pure ». « On n'est pas loin d'un retour de l'entassement des ordures au Metn et dans le Kesrouan, si les choses ne changent pas », a-t-il conclu.
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Les gens du CPL s'amusent et s'attardent à de banales arguties en dépréciant les autres ministres chrétiens du gouvernement tout en semblant d'ignorer ce qu'avait déclaré leur mentor et allié Hassan Nasrallah le 19/8/2016 : Le Hezbollah n'a pas voulu prendre le pouvoir après 2006, car cela aurait entrainé une guerre civile. (L'Orient-Le Jour du 20-21/8/2016). Le Hezbollah serait-il devenu une armée d'occupation du Liban ? J'attends la réponse de Gébran Bassil à mes propos. J'attends aussi la réaction des sunnites et des druzes à mes propos.
16 h 04, le 26 août 2016