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Liban - Pollution

Égouts de Ramlet el-Baïda : un début de solution ?

Le conseil municipal de Beyrouth a déclaré, en début de semaine dernière, avoir résolu le problème du déversement des égouts sur la plage publique, initiant peut-être la sortie d'une crise qui dure depuis cinq ans.

Un tracteur à l’œuvre sur la seule plage publique de Beyrouth. Photo fournie par Nadège Justiniani

Large d'environ quatre mètres, infesté de rats, le torrent d'égout qui sciait la plage de Ramlet el-Baïda et qui effarait les baigneurs il y a encore quelques jours s'est tari. Désormais, le débit des eaux qui s'écoulent des canaux d'évacuation a diminué et l'eau s'est éclaircie. Hagop Terzian, membre du conseil municipal de Beyrouth, l'affirme : « Nous avons résolu le problème. »

La municipalité a en effet mené des recherches au cours de la semaine dernière pour retrouver l'origine de la défaillance qui a provoqué une forte augmentation du débit des eaux polluées sur la plage, ravivant la colère des associations environnementales. « Il s'agissait en fait d'une défaillance technique située en amont de la plage près d'une station-service. Nous avons remplacé les tuyaux endommagés pour permettre aux eaux sales de s'écouler dans la bonne voie, ce qui résout le problème à hauteur de 80 % », estime M. Terzian. Un constat partagé par Raja Noujeim, militant de la société civile et défenseur de longue date de la plage publique : « On a noté une forte diminution du déversement depuis quelques jours, ainsi qu'une eau plus propre, indique-t-il. Mais je reste prudent. Je ne comprends pas qu'il ait fallu quatre ans de bataille pour obtenir une intervention aussi simple. »

Pour rappel, Ramlet el-Baïda est le théâtre d'un scandale à la fois environnemental et politique depuis plus de cinq ans. À l'origine, une incohérence. La plage est un bien de l'État et possède le statut d'espace public. Toutefois, pendant la domination ottomane du pays, certaines parcelles du domaine ont étés offertes comme récompense de loyauté à des familles par les dirigeants au pouvoir. Ces titres de propriété pourtant caducs aux yeux de la loi libanaise se sont transmis de génération en génération, durcissant au fil des années le bras de fer entre les propriétaires et les ONG environnementales qui redoutent l'utilisation de ces titres à des fins d'exploitation privée. Dans ce contexte, le déversement depuis cinq ans d'égouts sur la plage par des canaux initialement destinés à l'évacuation des eaux de pluie est vu comme un acte volontaire et malhonnête.

« Tout cela est criminel, martèle Raja Noujeim. Déverser des eaux usées sur Ramlet el-Baïda n'avait qu'un seul but : dégoûter les baigneurs et les membres de la société civile, afin de laisser la plage libre aux propriétaires. » Des accusations pour le moins difficiles à prouver et qui font l'objet d'une enquête municipale afin de déterminer comment, hormis la défaillance technique déjà réglée, des tuyaux ont été reliés à ceux des eaux usées des bâtiments environnants, et qui représentent encore 20 % du débit des égouts. Interrogé sur le sujet, Gaby Ferneiné, membre du conseil municipal, se veut conciliant : « Il ne s'agit pas de faire un procès au passé. Nous voulons regarder vers l'avenir et travailler main dans la main avec l'exécutif. Notre priorité, c'est de garder cette plage publique comme le prévoit la loi. »

Une solution à court terme

Ces déclarations suffiront-elles à rassurer le public ? Beaucoup de familles venues profiter de la fraîcheur de la mer hésitent à se baigner. En témoigne ce touriste marocain, rencontré sur la plage un dimanche de forte fréquentation : « J'ai été choqué par la mauvaise qualité de l'eau, c'est la première fois que je viens ici. Je n'ai pas laissé ma fille de quatre ans se baigner, c'est trop sale », juge-t-il. Même son de cloche auprès d'une famille libanaise, dont le père est fataliste : « Je sais bien que cette plage est polluée, mais qu'est-ce que je peux faire quand j'ai cinq enfants et que les prix des plages privées sont inabordables ? Avec cette chaleur, mes enfants avaient vraiment envie de partir à la mer, j'espère juste qu'ils ne tomberont pas malades. »

Étant, à ce jour, la dernière plage publique – et donc gratuite – de Beyrouth, l'affaire Ramlet el-Baïda prend une autre dimension, celle de la justice sociale. En permettant à des classes modestes de profiter d'un espace qui, s'il avait été privatisé, aurait été inaccessible, la plage est devenue un symbole. Et sa défense, un combat pour les droits de tous les citoyens. De telles avancées sont donc porteuses d'espoir. Malgré de nombreux désaccords avec le mohafez de Beyrouth Ziad Chbib (l'autorité exécutive de la municipalité), Raja Noujeim l'accorde : « C'est en principe une vraie bonne nouvelle. Mais elle ne l'est qu'à court terme. »
L'activiste défend en effet l'idée de la construction de tuyaux souterrains qui dirigeraient les eaux à au moins une centaine de mètres du rivage, garantissant la tranquillité des baigneurs. Et à long terme ? « Il faut absolument que l'État assume ses responsabilités et achève la construction de la station d'épuration qui traitera ces eaux usées et qui en débarrassera définitivement Ramlet el-Baïda », assène-t-il. Affaire naturellement à suivre, donc.


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