L'initiative portant sur l'élection du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la présidence de la République, proposée par le leader du Courant du Futur, l'ancien Premier ministre Saad Hariri, et soutenue par plusieurs capitales dont Riyad et Paris, continuait dimanche à faire des remous sur la scène chrétienne. Alors que Bkerké appelait les Libanais à étudier sérieusement cette initiative, plusieurs pôles chrétiens ont exprimé leurs réserves.
Raï met la pression
Le patriarche maronite, Bechara Raï, a exhorté dimanche les forces politiques à examiner le compromis proposant l'élection de M. Frangié à la présidence de la République "avec sérieux et dans un esprit responsable", soulignant la nécessité que cette décision soit prise par les Libanais dans leur ensemble.
"Nous invitons à nouveau les forces politiques à se réunir pour examiner sérieusement cette initiative lancée de l'extérieur dans un esprit de responsabilité nationale, et à s'entendre afin de garantir l'élection d'un président de la République", a déclaré Mgr Rai dans son homélie prononcée lors d'une messe à Bkerké, critiquant à cette occasion les partis politiques et les blocs parlementaires "ayant failli à leur devoir national, incapables d'élire un chef de l'Etat depuis un an et sept mois". "Cette décision doit être prise par les Libanais, afin que l'élection du président ne soit pas imposée de l'extérieur", a-t-il poursuivi.
Après avoir reçu jeudi M. Frangié à Bkerké, Mgr Raï avait reçu la visite du président des Kataëb, Samy Gemayel et du président du CPL, Gebran Bassil.
Dans un entretien accordé au quotidien local al-Moustaqbal, le vicaire patriarcal maronite, Samir Mazloum, a rappelé dimanche que les quatre leaders chrétiens s'étaient engagés lors de leur rencontre à Bkerké le 28 mars dernier à n'imposer de véto à la candidature d'aucun d'entre eux.
Mais l'appel lancé par le chef de l'Eglise maronite intervient alors que plusieurs pôles chrétiens ont exprimé à mots couverts leur désapprobation à cette initiative brouillant les alliances et qui les place devant le fait accompli.
(Lire aussi : Bkerké : « Une occasion sérieuse se présente pour sortir du vide présidentiel »)
"Aoun plutôt que Frangié"
Le député des Forces Libanaises, Antoine Zahra, a indiqué dimanche qu'il trancherait en faveur du chef du bloc parlementaire du changement et de la réforme, Michel Aoun, si le choix devait se faire entre ce dernier et le chef des Marada, Sleiman Frangié, favori dans la course à la présidentielle. "Il ne s'agit pas de faire obstruction à l'accession de M. Frangié à la présidence de la République mais si le choix devait se faire entre ce dernier et M. Aoun, nous nous positionnerions en faveur de ce dernier", a-t-il déclaré dans un entretien accordé à la chaîne locale OTV.
"Lorsqu'on nous disait que les chrétiens devaient s'entendre sur l'échéance présidentielle, nous répondions que cette échéance n'était pas seulement chrétienne, mais aussi nationale. Cependant, nous ne voulions pas dire que cette échéance était une affaire musulmane dont les chrétiens ne seraient informés qu'en dernier recours", a-t-il expliqué, assurant que l'ancien Premier ministre, Saad Hariri, ne s'était pas concerté à ce propos avec les FL, ni avec d'autres.
Réserves chrétiennes
De son côté, le secrétaire général du 14 Mars, Fares Souhaid a estimé dimanche que l'élection du président de la République constituait une bataille pour l'équilibre des forces politiques.
"Le chef du parti Marada, Sleimane Frangié, n'a pas pu rencontrer le leader du Courant du Futur, l'ancien Premier ministre Saad Hariri, à Paris, sans en avoir informé le Hezbollah", a déclaré M. Souhaid lors d'un entretien accordé à la chaîne locale LBCI, expliquant par ailleurs que "ce sont les relations entre les sunnites et les chiites qui contrôlent le jeu politique au Liban, malgré le fait que le président de la République soit chrétien".
Samedi, le député Kataëb, Nadim Gemayel, avait contesté ouvertement et sans frilosité le compromis qui doit amener le député Sleiman Frangié à la présidence de la République dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour, arguant du fait que « le 14 Mars a accepté un accord honteux, et sans aucune contrepartie ».
De son côté, Gebran Bassil avait affirmé samedi soir que son parti n'acceptera qu'un président fort, assurant qu'il luttera pour faire aboutir ses revendications. "Les sacrifices en faveur des intérêts publics sont une obligation, mais les sacrifices en faveur des intérêts des autres sont une traitrise", a déclaré M. Bassil dans un discours prononcé lors de l'ouverture d'une exposition à l'occasion des fêtes à Batrouniyat. "Nous voulons plutôt jouer un rôle pionnier, qui donne un sens au Liban-message", a-t-il poursuivi.
La 33e séance parlementaire consacrée à l'élection d'un nouveau président de la République libanaise a été fixée au 16 décembre, le quorum des deux-tiers (86 députés sur 128) n'ayant pas été atteint lors de la précédente séance.
La présidence est vacante depuis le 25 mai 2014, date de la fin du mandat de Michel Sleiman. Le président de la Chambre Nabih Berry avait convoqué les députés à une première séance plénière le 23 avril 2014. Celle-ci n'avait pas débouché sur l'élection d'un nouveau chef de l'État, aucun des candidats n'ayant obtenu le nombre de voix nécessaires. Tous les tours suivants ont tourné court, faute de quorum.
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commentaires (10)
Très inquiétant la position de Monseigneur RAI et incroyable ! Il vient de condamner les chrétiens du Liban Il leur demande simplement de se soumettre au Hezbollah et ses alliés c'est du suicide pur et simple Une personne de son niveau ne peut émettre les conseils qu'on lit dans la presse Frangié est une catastrophe pour le Liban et la porte ouverte à Damas, à l'Iran par Hezbollah interposé
FAKHOURI
14 h 12, le 07 décembre 2015