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Moyen Orient et Monde - Le billet

Valse avec (ou sans) Bachar

Petite photo de famille, hier, à Vienne. Brendan Smialowski/Pool/ Reuters

Être diplomate à Vienne. Dans le somptueux décor de l'hôtel Impérial, ancienne résidence du prince de Wurtemberg. Savoir qu'on va passer sa journée à négocier, à serrer des mains, à feindre des sourires, à défendre coûte que coûte son point de vue, à ne rien céder, à ne rien laisser paraître. Savoir qu'on va utiliser toute son énergie, et toutes celles des autres, pour réaliser d'infimes avancées.

Être Sergueï Lavrov à Vienne. Se souvenir qu'on était là, déjà, il y a quelques mois, pour concrétiser un accord historique. Savourer le retour en force de son pays. Se féliciter d'être à l'initiative des pourparlers. Avoir la savoureuse sensation d'être dans le costume des Américains, de ceux qui proposent, de ceux qu'on écoute, de ceux qui décident. Affirmer avec conviction que l'on combat le terrorisme. Parler de transition politique, de gouvernement de coalition, tout en bombardant nuit et jour les opposants à Bachar el-Assad. Redouter un nouvel Afghanistan. Gagner du temps.

Être John Kerry à Vienne. Se souvenir qu'on était là, déjà, il y a quelques mois, pour concrétiser un accord historique. S'imaginer qu'on aurait pu partager un prix Nobel de la paix avec cet Iranien qu'on connaît désormais par cœur. Faire semblant de laisser les Russes dicter le jeu ; faire semblant d'être d'accord avec eux tout en leur souhaitant « un nouvel Afghanistan ». Réclamer le départ de Bachar el-Assad, mais s'alarmer de l'effondrement du régime syrien. Prétendre ignorer la contradiction entre ces deux souhaits. Ne pas avoir d'autres stratégies que de montrer au monde entier que l'on combat cette hypermenace, à définition variable, que l'on a nommée terrorisme. Savoir qu'on n'est plus les seuls maîtres du jeu au Moyen-Orient. Penser que c'est peut-être mieux ainsi.


(Lire aussi : Sans surprise, le sort d'Assad divise les participants à la réunion de Vienne)


Être Mohammad Javad Zarif à Vienne. Se souvenir qu'on était là, déjà, il y a quelques mois, pour concrétiser un accord historique. S'imaginer qu'on aurait pu partager un prix Nobel de la paix avec cet Américain qu'on connaît désormais par cœur. Savourer son retour dans le concert des nations. Répéter que seule la politique peut régler la crise syrienne, mais continuer d'envoyer toujours plus d'hommes, nationaux ou franchisés, pour défendre son protégé. Présenter le jihadisme sunnite comme une menace existentielle en omettant de rappeler que l'on a contribué à son essor. Parler de transition politique, de gouvernement de coalition, tout en combattant nuit et jour les opposants à Bachar el-Assad. Gagner du temps.

Être Adel al-Jubeir à Vienne. Devoir partager la même pièce que ces Iraniens que l'on redoute par-dessus tout. Se montrer inflexible. Ne plus rien céder. Réclamer à tout prix le départ de Bachar el-Assad, mais craindre l'effondrement du régime. Présenter le jihadisme comme une menace existentielle en omettant de rappeler que l'on a contribué à son essor. Parler de transition politique, de gouvernement de coalition, tout en continuant d'armer, de plus en plus lourdement, les opposants à Bachar el-Assad. Avoir perdu patience.

 

(Lire aussi : Pour la première fois, Washington va déployer des soldats au sol)



Être Feridun Sinirlioglu à Vienne. Espérer, comme tous les Turcs, que le conflit syrien s'arrête enfin. Réclamer à tout prix le départ de Bachar el-Assad, mais craindre la partition du territoire. Expliquer pourquoi, pour combattre le terrorisme, on bombarde les alliés de nos alliés : les Kurdes. Faire tout son possible pour limiter leur autonomie. Présenter le jihadisme comme une menace existentielle en omettant de rappeler que l'on a contribué à son essor. Espérer que l'avenir de son pays ne ressemble pas à celui de la Syrie. Avoir perdu patience.

Être Laurent Fabius à Vienne. Se dire que c'est l'une de nos dernières chances, à titre personnel. Se persuader qu'on est les seuls à avoir eu raison sur toute la ligne. Réclamer à tout prix le départ de Bachar el-Assad, tout en bombardant les positions de l'État islamique. Essayer de revenir dans le jeu. Constater que sa voix ne pèse plus autant qu'avant. Comprendre que ni les Russes ni les Américains ne se soucient de l'afflux des réfugiés autant que nous. Avoir perdu espoir.

Être Bachar el-Assad à Damas. Avoir peur de finir comme Kadhafi.

 

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Être diplomate à Vienne. Dans le somptueux décor de l'hôtel Impérial, ancienne résidence du prince de Wurtemberg. Savoir qu'on va passer sa journée à négocier, à serrer des mains, à feindre des sourires, à défendre coûte que coûte son point de vue, à ne rien céder, à ne rien laisser paraître. Savoir qu'on va utiliser toute son énergie, et toutes celles des autres, pour...

commentaires (7)

Ni valse ni balloûûûtt ! Il sera surtout suspendu, au son plutôt des dérbakkéhs, aux lanternes publiques de ce qui restera debout de lanternes publiques dans les villages et les villes de Syrie ! Äâââl "Valse", äâââl !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

17 h 51, le 31 octobre 2015

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Commentaires (7)

  • Ni valse ni balloûûûtt ! Il sera surtout suspendu, au son plutôt des dérbakkéhs, aux lanternes publiques de ce qui restera debout de lanternes publiques dans les villages et les villes de Syrie ! Äâââl "Valse", äâââl !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    17 h 51, le 31 octobre 2015

  • et alors .. du moment que tout le monde parle de parle de la syrie et que son president n'est pas la .. pas possible comment c'est jouissif !! il est finit .. meme plus que finis !!

    Bery tus

    14 h 14, le 31 octobre 2015

  • Encore une chose si vous permettez , merci de m'avoir publie bien que ampute de ma question de savoir si je pourrai l'etre ecrit comme presentement presente , c'est pour dire que fabius va s'en aller bientot des Affires Etrangeres et que Mme Royale Sego ex Dame de hollandouille , sera possible candidate a ce poste . Pourquoi je donne cette info ? la suite des negos sur la Syrie nous donnera la reponse .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 11, le 31 octobre 2015

  • Il finira, au mieux des cas, à Alma-Ata/Almaty, Irkoutsk ou, même à Iekaterinbourg....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 56, le 31 octobre 2015

  • Avoir pose la question 5 ans après le complot nous donne la reponse que celui ci a ete avorte , tourne bas par rapport aux claironnements du debut . EN EFFET CELUI QUI RIT BIEN EST CELUI QUI RIRA LE DERNIER .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 47, le 31 octobre 2015

  • Quel suspense ! Évidemment sans.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 17, le 31 octobre 2015

  • QUOI QU'IL EN SOIT... IL PARTIRA... ET APRÈS LUI... D'AUTRES... PARTIRONT !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 24, le 31 octobre 2015

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