Il est, depuis toujours, au niveau des Forces libanaises, l'homme des missions impossibles, qui plus est des missions de rapprochement et de réconciliation, les plus périlleuses comme les plus improbables.
Dans un entretien à L'Orient-Le Jour, le député Georges Adwan dissèque le fin équilibre entre « la stratégie et la tactique », y compris dans les rapports entre les FL et le courant du Futur. Il propose surtout des démarches concrètes en faveur d'un retour au Liban du Hezbollah, d'une « réintégration » du parti chiite, actuellement éparpillé dans des équipées régionales entre le Yémen, l'Irak et la Syrie, ce qui nécessite, d'abord, la préservation de l'entité libanaise de tout effondrement.
« À l'heure du changement des entités et des géographies des États dans la région, préserver les institutions est crucial pour le Liban », affirme-t-il, répondant ainsi à « la problématique essentielle consistant à savoir si l'accord de Taëf est capable de protéger l'entité libanaise, à défaut de quoi il faudrait modifier cette entité ou en chercher de nouvelles ».
Les FL sont plus que jamais attachées à la formule de Taëf, souligne-t-il. Cette réponse découle du « choix clair des Forces libanaises de préserver le Liban des 10452 km2 ». Elle est surtout dictée par des considérations stratégiques.
L'aventurisme du Hezbollah
C'est en effet dans la recherche « d'entités nouvelles » que se situe actuellement le Hezbollah, explique Georges Adwan. « Dans sa quête visant à emporter toute la région, au risque de tout perdre, ce parti abat le concept même de frontières, et avec elles l'État libanais et l'entité libanaise », note-t-il. Face à cette démarche, le moindre changement ou amendement du système ou de la formule politiques signifierait l'adhésion du Liban à cette logique d'abattement des frontières. En s'alignant sur la logique du Hezbollah, le pays se dépouillerait de sa substance et, par là même, de son immunité.
Pourtant, l'impératif, pour le Liban, est de sécuriser sa place, en dépit de sa vulnérabilité intérieure, dans la nouvelle phase qui se prépare pour la région, explique-t-il en substance. Autrement dit, « que nous défendions ou non Taëf, le maintenir est, au moins, une nécessité pragmatique ».
Mais ne sommes-nous pas, déjà, sur le terrain du non-droit, dans un pays où l'état de fait et la logique de la force priment constamment sur le règne de la loi ?
« La Constitution est certes suspendue depuis 2006, mais elle existe toujours », nuance Georges Adwan en évoquant le sit-in/coup de force du Hezbollah et ses alliés devant le Sérail pour faire tomber le cabinet Siniora dès 2006. Loin de minimiser cependant, comme certains de ses collègues du 14 Mars, le risque de la tenue d'une nouvelle Constituante en faveur d'une refonte du système politique, il estime que « la fermeture du Parlement en 2006 était déjà un premier pas vers cette Constituante ».
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Pas de concessions en échange du désarmement
Afin de contrer ce processus, les FL refusent non seulement la révision, mais aussi le moindre amendement de la Loi fondamentale tant que m'importe quelle partie continue de disposer d'armes, en l'occurrence, ici, le Hezbollah. « Si l'on repère des failles dans la Constitution, et cela est probable, nous n'accepterons d'y remédier par des amendements constitutionnels, aussi minimes soient-ils, qu'une fois l'État et le monopole de la violence légitime complètement rétablis », affirme-t-il.
Pour ce qui est de rétablir le monopole des armes, c'est une reconversion du Hezbollah sans compromission qui est seule envisageable, dans le cadre d'un partenariat libanais libéré de la violence qui le vicie actuellement.
« Lorsque la donne régionale changera, le Hezbollah décidera de tirer profit de ses armes en politique. Il exigera un prix à son désarmement, un prix que nous ne lui concéderons pas. Son arsenal n'est pas négociable à l'intérieur », souligne Georges Adwan, intraitable.
Le député estime en effet que « le fait de fournir au Hezbollah des bénéfices politiques en contrepartie de son désarmement n'est pas le préalable nécessaire à ce désarmement ». Ce dernier sera, inévitablement et exclusivement, « le résultat d'une transformation régionale », souligne-t-il.
En attendant cette transformation, « nous nous devons de maintenir notre position de principe, celle du refus des armes illégales », dit-il. À cette formulation intransigeante des principes, il adjoint néanmoins une réaffirmation de la politique de « la main tendue au Hezbollah », et plus précisément à l'adresse de la communauté chiite. « Notre seul choix, pour ce qui est de notre rapport avec le Hezbollah, est de parvenir à le ramener au Liban », souligne-t-il.
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Partenariat intouché avec le Futur
C'est dans la « préservation des institutions » ainsi exposée que se situe « l'entente entre les FL et le Futur », explique Georges Adwan.
L'engagement du Futur pour « cette stratégie nationale commune » s'exprime par deux faits notoires, dit-il. « D'abord, sans la couverture du Futur à l'armée et aux Forces de sécurité intérieure, le jihadisme et le fanatisme n'auraient pu être contrés. Ensuite, la protection des sunnites préconisée par le Futur est celle de l'État à tous les citoyens, et non une protection exclusive et par la force », note-t-il.
De leur côté, les FL sont profondément conscientes de « la corrélation entre la sécurité des chrétiens et celle du pays ». Le député précise que « la protection des chrétiens ne saurait se faire ni sous le couvert des dictatures ni à travers une attitude autodéfensive de repli, mais uniquement sous l'aile d'un État civil ». En clair, loin du projet de l'alliance des minorités.
Depuis que « les sunnites ont réussi l'énorme pas vers le libanisme et que les chrétiens du 14 Mars ont entrepris l'ouverture, tout aussi importante, sur le monde arabe », la mise en œuvre de l'idée selon laquelle « la protection des individus libanais se fait par l'État, et non pas par la communauté », était d'ores et déjà initiée, selon lui. La dialectique se poursuit depuis entre « la Constitution et la force de la légitimité, d'une part, et les armes et la légitimité de la force, de l'autre », résume-t-il.
Or, le processus qui tend vers la citoyenneté est irréversible, assure Georges Adwan : « Les points fondamentaux qui nous lient au Futur restent intouchés en dépit de trébuchements qui sont de l'ordre de la tactique », explique-t-il. « Nous ne perdons pas la boussole », insiste-t-il. En d'autres termes, le partenariat national amorcé à travers le processus fondateur du 14 Mars ne saurait être remis en cause.
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14 h 17, le 15 mai 2015