Avec la nouvelle visite de l’émissaire français au Liban Jean-Yves Le Drian, une relance du dossier présidentiel libanais semble se préciser. Pourtant, jusqu’à présent, la plupart des parties politiques ne sont pas convaincues que l’heure d’élire un nouveau président a sonné, vu que les pays de la région et même les puissances mondiales sont trop occupés par la guerre à Gaza. De même, les différentes parties internes campent sur leurs positions. Aucune ne semble prête pour l’instant à faire des concessions, alors que le sort de la région et l’issue du conflit qui se déroule depuis le 7 octobre sont encore flous.
Pourtant, dans certains milieux politiques et diplomatiques, une idée commence à faire son chemin. Face au blocage actuel et au refus des différentes parties d’entrer dans le vif du sujet en préférant s’arrêter sur des détails de forme, certains proposent de revenir à l’idée principale développée au début de la vacance présidentielle par les Français. Cette idée consistait à conclure un accord équitable au sujet de la présidence de la République et de celle du Conseil. On se souvient en effet qu’au début des négociations pour l’élection d’un président, les Français avaient proposé de donner la présidence de la République au tandem Amal-Hezbollah en la personne du chef des Marada Sleiman Frangié en contrepartie de la présidence du Conseil qui irait à l’opposition, et le nom du juge Nawaf Salam avait été avancé. Cette idée, qui avait circulé pendant un moment et qui semblait même séduire certains protagonistes, a finalement été abandonnée, les principaux partis chrétiens estimant que le fait d’accepter Frangié serait une trop grande concession accordée au tandem chiite. Même le choix de Nawaf Salam pour la présidence du Conseil ne faisait pas l’unanimité dans le camp de l’opposition.
Aujourd’hui, l’idée d’un accord entre ces deux fonctions très importantes pour l’exécutif libanais refait surface, mais à l’inverse de ce qui était proposé. Le point de vue de départ est qu’on ne peut pas ignorer l’importance du tandem chiite sur l’échiquier libanais. Il faut donc leur donner une part en politique pour les intégrer dans le pouvoir. C’est d’autant plus plausible qu’en définitive, le système libanais repose sur des ententes, selon le fameux principe de « la démocratie consensuelle » qui veut qu’aucun pouvoir ne peut fonctionner s’il n’a pas l’aval de toutes les composantes confessionnelles du pays. Or, selon cette approche, force est de constater que les deux formations Amal et le Hezbollah représentent la grande majorité des chiites, et par conséquent, leur accord est nécessaire si l’on veut respecter ce système en place depuis l’adoption de l’accord de Taëf.
L’élément nouveau dans cette idée, c’est qu’au lieu de proposer au tandem chiite l’élection de son candidat à la présidence de la République, suite à un accord, il s’agirait de lui proposer la présidence du Conseil. De la sorte, les partis chrétiens pourront choisir le chef de l’État, étant donné ce que représente cette fonction pour cette communauté. Tout le débat qui dure depuis plus d’un an sur la candidature de Sleiman Frangié n’aura donc plus de raison d’exister et les principaux partis chrétiens ne pourront plus mobiliser leurs assises populaires en évoquant un plan pour arracher aux chrétiens les prérogatives qui leur restent.
À peine évoquée dans les coulisses politiques et diplomatiques, cette idée a fait son chemin dans certains milieux chiites, qui l’ont même trouvée acceptable. Ceux qui défendent cette option affirment ainsi qu’au niveau de l’exécutif, les prérogatives du président du Conseil sont plus importantes que celles du chef de l’État, même si ce dernier reste le symbole de la tête de l’État et la personne qui détient les signatures les plus importantes, notamment sur le plan de la formation du gouvernement et de la conclusion d’accords internationaux. Comme les partis qui protestent le plus au sujet de la présidence sont essentiellement chrétiens, il s’agirait donc de leur laisser la liberté du choix au niveau de cette fonction et de trouver par ailleurs une entente avec les autres composantes du pays, notamment les parties sunnites, pour désigner une personnalité acceptable par tous à la présidence du Conseil.
En principe, l’idée avait de quoi séduire les différentes protagonistes. Sondé, le Hezbollah a même laissé entendre qu’il pourrait accepter cette formule, et des personnalités sunnites proches du tandem chiite ont commencé à s’activer pour rappeler qu’elles seraient prêtes à être candidates à la présidence du Conseil. Il faut reconnaître à ce stade que l’élan en faveur de la « résistance », suscité par la guerre qui se déroule à Gaza, facilite pour ces personnalités le rapprochement avec le Hezbollah. Le fait aussi que la communauté sunnite n’ait pas, depuis le retrait de Saad Hariri, un leadership unique et reconnu comme tel permet aux différentes personnalités sunnites de se lancer dans la course sans avoir à tenir compte de la tendance populaire de cette rue.
Toutefois, un obstacle est apparu, et il rend cette idée difficile à concrétiser. Le choix du président du Conseil au Liban se fait en général avec l’approbation de l’Arabie saoudite et de certains autres États arabes. Or, jusqu’à présent, aucun de ces États ne veut s’impliquer dans le processus politique interne libanais. Dans un contexte régional et international aussi compliqué et délicat, nul ne semble prêt à un pas aussi important qui aurait un impact sur les équilibres internes libanais. Le Hezbollah a ainsi contribué, en janvier 2020, au choix du Premier ministre Hassane Diab, et ce dernier n’a pas pu vraiment remplir sa mission, car il n’avait pas de véritable couverture sunnite.
Retour donc à la case départ. Les parties internes ne semblent pas, pour l’instant, prêtes à modifier les règles traditionnelles avant d’avoir obtenu un aval régional et international. Et lorsque cet aval existera, il ne sera peut-être plus nécessaire de procéder à n’importe quel troc.
Une nouvelle Haddaderie. Suffit-il de seulement maîtriser la langue française pour etre embauché a l'OLJ? Triste.
12 h 45, le 31 mai 2024