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Société - Focus

Au Liban, le problème des désertions au sein des FSI reste entier

Plus d'un millier de membres des Forces de sécurité intérieure ont quitté leur poste dans un contexte de dépréciation des salaires et de renouvellement forcé des contrats.

Au Liban, le problème des désertions au sein des FSI reste entier

Des agents des Forces de sécurité intérieure à Beyrouth. Photo d'illustration Hassan Ammar/AFP/Archives

« J’ai perdu tout ce que j’avais au Liban : ma vie, ma carrière, mon salaire et ma liberté. Ça ne sert à rien de rentrer », se lamente Bilal Ghanem, ancien membre des Forces de sécurité intérieure (FSI). Au cours de l’été 2021, après s’être vu refuser l’autorisation de se rendre en Norvège pour prendre des nouvelles de son frère atteint d’un cancer et rapporter à son père des médicaments dont il avait cruellement besoin, l’agent a quitté le Liban clandestinement. « Si j’ose revenir aujourd’hui, je serais immédiatement arrêté et envoyé en prison », affirme cet homme de 38 ans.

Avant la crise, Bilal Ghanem gagnait 2 millions de livres libanaises (environ 1 333 dollars au taux de l’époque, mais 50 dollars au taux actuel du marché). Aujourd’hui, il n’arrive même plus à payer le loyer de son logement. Depuis le début de la grave crise économique au Liban en 2019, qui a frappé de plein fouet le pouvoir d’achat des fonctionnaires avec la dépréciation massive de la monnaie nationale, « plus de 1 000 » agents des FSI ont déserté leur poste, selon une source haut placée au sein du service. D’autres travaillent au noir comme mécaniciens, serveurs ou chauffeurs de taxi. Selon une source au sein des FSI, les agents reçoivent désormais des salaires équivalents à environ 280 dollars par mois.

Ibrahim Mneimné, député de l’opposition, a déclaré que les déserteurs des FSI étaient « traités comme des criminels et considérés comme violant la loi pour avoir voulu quitter le service ». Il souhaite changer cette situation et a proposé la semaine dernière un nouveau texte de loi visant à alléger les peines encourues par les déserteurs.

Une affaire risquée

Bilal Ghanem a débuté sa carrière au sein des FSI en tant qu’adjudant avant d’être transféré au département de la protection des personnalités. Il a notamment risqué sa vie en tant que garde du corps du lieutenant-colonel Samir Chéhadé lors d’une tentative d’assassinat à la voiture piégée en 2006 à Rmeilé, au sud de Beyrouth. Si le haut gradé en est sorti sauf, l’attentat avait tué quatre de ses gardes du corps, dont l’oncle de Bilal Ghanem. « Chaque fois que j’allais au travail, je ne savais pas si j’allais rentrer chez moi », raconte-t-il à L’Orient Today.

Pour mémoire

L’armée en proie à une hémorragie de ses effectifs

En 2020, le frère et la mère de Bilal Ghanem luttaient contre le cancer. Sa demande de quitter le Liban pour rendre visite à son frère en Norvège et ramener des médicaments pour sa mère malade avait été rejetée. Après 15 ans et demi passés au sein des FSI, il déserte de ses fonctions à l’été 2021 après avoir appris que son père avait, lui aussi, été diagnostiqué d’un cancer. Bilal Ghanem quitte secrètement le pays et rejoint son frère en Norvège. Six jours plus tard, il apprend le décès de son père. « J’étais complètement perdu et je ne savais pas quoi faire, se rappelle-t-il. Retourner au Liban et se faire arrêter à l’aéroport ne valait plus la peine... »

Bilal Ghanem se trouve aujourd’hui en Allemagne où il a effectué une demande d’asile. Il n’est pas en mesure de renouveler ses documents d’identité périmés, car l’ambassade du Liban sur place refuse de renouveler ou d’offrir des passeports à un « déserteur condamné des FSI », explique-t-il.

Une loi pour alléger les peines

Selon la loi, un agent des FSI doit servir pendant 18 ans, mais il est autorisé à demander sa révocation, précise Bilal Ghanem. Il affirme toutefois que l’institution a rejeté ces demandes et confisqué les pièces d’identité de ceux qui les présentaient en leur interdisant de voyager, après avoir renouvelé leurs contrats de force.

Mardi dernier, le député Ibrahim Mneimné a proposé un nouveau texte de loi visant à réduire les peines encourues par les agents des FSI en cas de désertion, ajoutant que 129 déserteurs du service, dont Bilal Ghanem, avaient signé une pétition pour le soutenir.

Selon cette proposition de loi, ceux qui ont déserté les FSI depuis 2019 seraient « expulsés du service s’ils ont renoncé à tous leurs droits militaires et financiers » afin de permettre aux agents de quitter l’institution. M. Mneimné explique à L’Orient Today que la loi pourrait être débattue lors de la prochaine assemblée plénière du Parlement, qui n’est pas encore programmée.

Le ministre sortant de l’Intérieur Bassam Maoulaoui « a admis que le personnel de sécurité avait le droit d’être licencié... Nous lui demandons pourquoi il n’applique pas la loi, au lieu de la violer en renouvelant de force les contrats du personnel de sécurité », lance le député.

Une source haut placée au ministère de l’Intérieur, l’autorité de tutelle des FSI, explique à notre publication que l’acceptation des licenciements relevait de la responsabilité de leur directeur général, Imad Osman.

« Qui protégera les citoyens ? »

Une source de sécurité et un porte-parole des FSI ont confirmé à L’Orient Today que les demandes de renvoi sont rejetées et que les passeports de ses membres sont confisqués. « Ils ne sont pas jugés par des tribunaux, mais certains reçoivent des sanctions allégées », ajoute la source, sans en préciser la teneur. Elle reconnaît que la situation actuelle est « très compliquée ». « Cette question relève de l’intérêt national », souligne-t-elle. « Si nous autorisons les agents à partir, tout le monde voudra partir, ce qui entraînera l’effondrement de l’institution. Qui protégera les citoyens ? »

Bilal Ghanem travaille actuellement dans une entreprise automobile en Allemagne pour subvenir aux besoins de ses trois sœurs, de sa femme et de sa mère, restées au Liban. « J’aimerais beaucoup leur rendre visite et me recueillir sur la tombe de mon père », dit-il.

« J’ai perdu tout ce que j’avais au Liban : ma vie, ma carrière, mon salaire et ma liberté. Ça ne sert à rien de rentrer », se lamente Bilal Ghanem, ancien membre des Forces de sécurité intérieure (FSI). Au cours de l’été 2021, après s’être vu refuser l’autorisation de se rendre en Norvège pour prendre des nouvelles de son frère atteint d’un cancer et rapporter à son...
commentaires (2)

Plus le Liban s’affaiblît, plus cela profite à Israël et donc au Hezb…et vice versa…un Liban fort est la seule option de survie !

In Lebanon we (still) Trust

16 h 06, le 29 mai 2024

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Commentaires (2)

  • Plus le Liban s’affaiblît, plus cela profite à Israël et donc au Hezb…et vice versa…un Liban fort est la seule option de survie !

    In Lebanon we (still) Trust

    16 h 06, le 29 mai 2024

  • Il est urgent d'élire un président, et surtout un président de consensus, et non imposé par le hezbollah!!

    Hélène SOMMA

    18 h 59, le 28 mai 2024

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