Nassib Boulos, avocat et journaliste, né à Kafr Yasif en Palestine en 1920, est décédé ce lundi 2 février 2015. Témoin privilégié des événements de 1948 à Jérusalem et défenseur de la première heure de la cause palestinienne, il avait notamment participé à la conférence tenue à Lausanne en 1949 en tant que secrétaire de la Délégation des réfugiés arabes et avait travaillé pour l'Unrwa. À une époque où le Moyen-Orient s'affranchissait des puissances européennes, où Israël émergeait comme un État jeune, mais puissant, face à des nations arabes désorganisées et insoucieuses du sort pratique des Palestiniens voués à l'exode, Nassib Boulos contribua notablement à ce que les actifs bancaires de nombreux Palestiniens puissent être dégelés. Avancée plus utile qu'on ne voudrait le croire alors que plus de soixante-cinq ans plus tard le droit de retour que Nassib Boulos appelait de ses vœux n'est que chimère, que le conflit israélo-palestinien s'enlise et qu'une certaine idée du Moyen-Orient disparaît.
Ce Moyen-Orient cosmopolite, trilingue et cultivé, Nassib Boulos en était une illustration. Diplômé de la faculté de droit de Jérusalem, il a embrassé une brillante carrière d'avocat d'affaires à Beyrouth. Son impeccable maîtrise de la langue anglaise lui permit de drainer une importante clientèle anglo-saxonne, au point qu'il dirigea, un temps, le plus important cabinet d'affaires du Liban. Aux côtés de sa femme Claude Ayoub, championne de golf d'Égypte et du Liban à diverses reprises, il s'initia à ce sport et cofonda puis dirigea aux côtés de Salim Salam, ancien président de la Middle East Airlines, le Golf Club du Liban. Salim Salam, avec d'autres, dont en premier lieu Saba Nader, cofondateur de la compagnie d'assurances Nasco, faisaient partie de ses très bons amis.
Du Palais de justice aux fairways verdoyants du Golf Club, Nassib Boulos n'avait pas non plus délaissé son activité de journaliste. De longues années après ses contributions aux magazines Life et Time et ses chroniques sur la station de radio Near East Broadcast émettant depuis Ramallah (lesquelles lui valurent un séjour en prison en 1948 pour avoir critiqué les armées arabes), il continuait d'écrire jusque dans les années 2000 ses chroniques politiques dans le Daily Star et de 2006 à 2011 sous la plume numérique du « Wizard of Beirut ». Nassib Boulos avait également publié ses Mémoires (A Palestinian Landscape, Arab Institute for Research and Publishing, 1998) et un roman (Jerusalem Crossroads, Dar-an-Nahar, 2003).
Par-delà son action et ses écrits, Nassib Boulos était un homme hors du commun, charismatique, amoureux de la vie et débordant d'énergie vitale jusqu'au bout.
Philippe MARCHISET
Avocat au barreau de Paris
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