En assurant une belle animation, en offrant un vrai festin et un cadeau pour chaque personne, les jeunes de Rifaq el-Dareb font la joie des vieux à Noël.
À bien des égards, Noël est avant tout une fête familiale qui réunit les plus proches. Pour beaucoup, Noël est aussi une occasion de perpétuer des traditions populaires ayant pour vedettes la dinde rôtie, les cadeaux sous le sapin et le gros père Noël. Pour d'autres, le temps de l'Avent reste une période de recueillement et d'un retour aux sources, nécessaire pour accueillir le fils de Dieu dans une crèche. Mais Noël reste avant tout un temps de partage et de solidarité pour se rappeler les personnes dans le besoin. C'est dans cet esprit-là que les volontaires de l'association Rifaq el-Dareb organisent chaque année en cette période de l'année un vrai repas de fête dans un restaurant à l'intention de près de 1 000 personnes du troisième âge, « pour que Noël n'oublie personne ». En assurant une belle animation, en offrant un vrai festin et un cadeau pour chaque personne, les jeunes de Rifaq el-Dareb évitent à ces têtes blanches de vivre un Noël froid, synonyme de solitude et d'exclusion, dans une société qui affiche de plus en plus un mépris scandaleux à l'égard de ces personnes âgées, des êtres jugés souvent « trop encombrants ».
Cette année, comme toujours, l'association organisera son déjeuner annuel le samedi 27 décembre. Plus de trente autocars sont déjà prêts pour transporter les quelque cent vieillards de l'association qu'elle prend principalement en charge, ainsi que 900 de leurs amis, personnes du troisième âge venues d'autres établissements et ONG, vers la région de Kattine, au Kesrouan, où se tiendra la fête. Assistés par des étudiants universitaires, des élèves d'écoles ou des scouts, les volontaires de l'association décupleront les efforts pour faire réussir ce projet une nouvelle fois. Cette année, ils ont par exemple imaginé de placer au poignet de chaque vieillard un bracelet indiquant le numéro de l'établissement ou du village d'où il vient et celui de l'autocar censé l'y ramener, pour éviter toute confusion. Mais au-delà de la difficulté d'organiser un tel événement, c'est au niveau du financement que l'association a le plus besoin d'aide. Certes, il est possible d'aider l'ONG en se portant volontaire et en étant présent le 27 décembre pour donner un peu de chaleur à tous ces grands-parents, mais il est possible d'aider également en achetant les calendriers de l'association. Vendu au prix de 25 000 LL seulement, chaque calendrier permettra à une personne âgée d'être présente à l'événement en ce jour de fête. Les sommes récoltées ainsi que toutes les donations permettront de financer ce festin de Noël dont les coûts dépassent les 20 000 dollars, ainsi que les dépenses et activités de Rifaq el-Dareb pour l'année 2015, et elles sont nombreuses.
(Diaporama : Au Liban, Noël malgré tout)
20 ans de partage et d'amour
C'est en 1993 que l'idée de fonder une association caritative a germé dans l'esprit d'un groupe de jeunes étudiants de l'USJ. Habitués à diriger une colonie de vacances lors des années d'écoles, ils cherchent à mener une action sociale. Leur choix se porte alors sur les personnes du troisième âge, une toute vieille Madame Rose habitant en face de l'USJ les ayant inspirés. Les pères jésuites offrent alors un local à Achrafieh pour la « bande » (et jusqu'à aujourd'hui), et la toute première fête de Noël réunit 20 vieillards. Aujourd'hui, l'association s'occupe d'une centaine de personnes.
« Ce qui est remarquable chez les personnes du troisième âge est bien le fait que chacune d'entre elles te guide ou t'indique une autre personne dans une condition similaire, indique Joe Taoutel, président de l'association. C'est comme cela que nous avons grandi ». Aidé par une trentaine de personnes, tous volontaires, Joe s'occupe de vieillards qui vivent dans la solitude dans leurs propres maisons, et non pas dans un asile ou foyer. Le principe de l'association repose principalement sur des visites hebdomadaires à domicile pour s'assurer des bonnes conditions de vie des personnes âgées (nourriture saine ou pas, logement adéquat ou conditions malsaines à laquelle l'association doit remédier, activité physique régulière..) et passer un temps de partage avec eux. « Il s'agit de les considérer comme ses propres grands-parents, explique M. Taoutel. Chaque volontaire se charge de deux à trois vieillards et il ne s'agit pas de leur donner de l'argent mais bien un peu de temps. »
« La satisfaction d'avoir rendu une personne heureuse en étant seulement présent est inestimable », explique-t-il, en sortant tout de même des tests médicaux qu'il a fait faire à « son vieux » comme il l'appelle, par initiative personnelle. « Mon vieux a des enfants, ajoute-t-il, mais ils sont en voyage. Nombreux sont les cas où les enfants habitent ailleurs ou loin du domicile de leurs parents. Ils ne peuvent les voir chaque jour. Personnellement, je ne peux les blâmer mais je trouve qu'il y a un minimum. On ne peut pas oublier ses parents et on devrait au moins leur rendre visite une fois la semaine. »
Outre les visites hebdomadaires, des retrouvailles mensuelles regroupant tous les vieillards témoignent d'un repas chaud substantiel et d'un moment de prière et de réflexion. Des temps forts modérés par un père spirituel qui permet aux têtes blanches de s'exprimer, de raconter leur vécu ou même de discuter un proverbe. La fête des Mères, de Pâques et la Journée internationale des têtes blanches sont aussi des occasions pour faire la fête le temps d'un repas de gala. Par ailleurs, deux sorties annuelles permettent aux vieux un changement de cadre, surtout pour profiter du soleil et du beau temps, et ces derniers prennent également part à des événements organisés par d'autres ONG, comme la fête des grands-parents ou encore une colonie de vacances en été. Quand les moyens financiers de Rifaq el-Dareb le permettent, un badigeonnage de quelques logis est en outre entrepris.
Noël, une affaire de famille
Mais c'est surtout Noël qui tient au cœur des vieux de Rifaq el-Dareb. « Noël, c'est la fête de l'association, celle des retrouvailles familiales, explique Joe Taoutel. Il y a plus de 20 ans, nous donnions de la joie à une vingtaine de vieillards. Cette année, ils seront plus de 1 000 et nous serons heureux d'accueillir toute personne qui aimerait mettre la main à la pâte et nous serons reconnaissants pour toute personne qui achètera notre calendrier. »
Et de poursuivre : « N'importe qui peut se porter volontaire pour l'un de nos événements tout au long de l'année, ou même devenir membre de Rifaq el-Dareb et prendre en charge un vieux en lui rendant seulement visite une fois par semaine. Nous lui choisirons un vieillard géographiquement proche de lui et l'accompagnerons auprès de lui les premières fois. C'est une expérience unique. Au terme de vingt ans, nous remarquons que la situation des têtes blanches n'a en effet pas évolué au Liban et toutes les promesses d'une prise en charge de la part de l'État ou au niveau des lois sont restées des promesses. Mais nous avons su leur apporter de la joie à notre manière et toute aide est la bienvenue. La vieillesse n'est pas un naufrage et il faut juste aimer les vieux. L'on croit que cela est difficile de communiquer avec ces personnes-là mais cela est faux. Il est vrai qu'ils répètent souvent les mêmes phrases en disant que les temps ont changé, qu'ils aimeraient mourir au plus tôt, dormir et ne pas se réveiller. Mais dès qu'ils se sentent entourés par des jeunes qui sont là pour les faire danser, ou même seulement les écouter, c'est la vie qui leur sourit de nouveau. » Ils ont tant à nous offrir...
* Pour ceux qui désirent soutenir l'association ou se procurer un calendrier, contacter Joe au 03/624645 ou Marwan au 03/522058.
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