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Liban - Société

À Tripoli, l’ambiance est à la fête, même si Noël se fait discret

À près de deux semaines des fêtes de fin d'année, des palmiers plus que des sapins bordent les rues de Tripoli. De nombreux habitants de la deuxième ville du Liban, chrétiens et musulmans, comptent pourtant partager ensemble, dans l'intimité de leurs appartements, les festivités de décembre.

Des sapins illuminent les rues de la ville. Photo TrablosTV

« Je vais bientôt installer le sapin dans notre salon », annonce Dania, une maman sunnite habitant Hazmi, la rue des grands magasins de Tripoli. Comme sa famille, assure-t-elle, de nombreux musulmans, surtout issus des classes sociales moyenne et élevée, iront souhaiter un joyeux Noël à leurs amis chrétiens le 25 décembre. « Bien entendu, nous ne buvons pas et n'installons pas de crèche. Mais il est important que mes enfants connaissent l'existence des autres religions et pratiquent l'islam dans le respect. Ces dernières années, la télévision ne leur montre que des barbus et des extrémistes qui coupent des têtes, mais notre religion, ce n'est pas ces images. L'islam, c'est aussi aimer et partager », affirme-t-elle.
En dépit des événements qui l'ont secoué et des quelques exactions à caractère confessionnel commises par des extrémistes, la coexistence reste le trait marquant de la deuxième ville du Liban, dont les habitants s'apprêtent, comme chaque année, à célébrer ensemble Noël et le Nouvel An.
Mais si Noël s'invite dans les maisons de Tripolitains, les décorations dans les rues se font un peu timides, pour des raisons qui sont surtout économiques. L'ambiance de fête est quand même là. Près du célèbre pâtissier tripolitain, Hallab, plusieurs sapins sont illuminés. Le rond-point Nini, qui accueillait les années précédentes le « plus grand sapin du Liban », n'a pas dérogé à cette habitude et un magnifique conifère qui brille de mille feux le soir trône en son centre. La Fondation Safadi, dont toute la façade est illuminée sur quatre étages, s'apprête aussi à célébrer son festival annuel, « Live Christmas ».
Les petits commerçants de la ville n'ont cependant pas les moyens de s'associer à ces manifestations festives. Le conseil municipal vient ainsi de tenir une réunion, il y a deux jours, pour décider de décorer les rues et d'aider les commerçants dans cette démarche, de nature, espère-t-il, à dynamiser le secteur du commerce, à l'approche des fêtes. Comme partout dans le pays, même à Beyrouth, ce secteur souffre avec acuité de la crise économique.
Quelques magasins, la plupart situés dans la rue Hazmi, ont paré leurs vitrines d'étoiles et de guirlandes, pour « attirer des clients occidentalisés », selon Anwar, jeune Tripolitain membre d'une ONG. Mais l'argument commercial d'Anwar ne marche pas, selon Dania, qui tient dans cette même rue une petite boutique d'accessoires. « Il y a cinq ou six ans, nous comptions encore sur cette période, mais c'est terminé. Les chrétiens se sentent plus tranquilles pour acheter leurs cadeaux dans d'autres villes comme Zghorta, où ouvrent de nombreux magasins, tandis que les rues de Tripoli se vident. »
Comme Dania, Haïssa, marchand de vêtements dans les vieux souks, a beaucoup souffert au cours des trois dernières années. « Ma clientèle n'était pas spécialement composée de chrétiens ou de musulmans, ni même de Tripolitains, mais de personnes venues de plus loin et notamment de Syrie. » Depuis le début du conflit en 2011, les recettes des commerçants des souks se seraient réduites comme une peau de chagrin. Haïssa, qui n'a pas vu un seul client durant vingt jours à la suite des combats ayant eu lieu près de son magasin, soutient : « Les combats ont eu un impact négatif, mais celui de l'effondrement de l'économie syrienne est bien pire. On a nettoyé après les combats, mais rien ne peut être fait contre la disparition de la clientèle. »

Quelques sapins, mais pas d'animations
Contrairement à Beyrouth ou Byblos, où les vitrines brillent de mille étoiles – pour une température toujours supérieure à 20 °C –, peu de visiteurs sont attendus dans les rues de la deuxième ville du Liban au soir du réveillon. Pour Hiba, éducatrice spécialisée, le phénomène tient à deux raisons : « D'abord, les chrétiens y sont peu nombreux (20 %), habitant plutôt dans d'autres localités du Nord, comme Zghorta. Ensuite, parce que Noël est associé à l'alcool. Certaines grandes familles musulmanes ont peur de ternir leur réputation, et préfèrent donc fêter Noël avec leurs amis, chrétiens ou musulmans, soit dans d'autres villes, soit chez eux, mais en toute discrétion. »
Anwar, jeune musulman travaillant dans une ONG, n'a lui pas peur de l'amalgame. Il sourit à la perspective de goûter cette année à son premier grog, « non alcoolisé, préparé spécialement par mes amis de Beyrouth, qui me feront aussi découvrir le caramel écossais. J'aime descendre dans la capitale aux alentours de Noël, où l'on peut sentir cette ambiance festive ». Noël à Tripoli n'a jamais été aussi visible qu'à Beyrouth, ou à Batroun, mais Dania rappelle le son des cloches, qui retentissent à minuit, ainsi que de petits événements. « L'an dernier, de nombreux habitants chrétiens et musulmans s'étaient rencontrés dans les rues, notamment devant l'église de Mar Maroun, lors de petites manifestations pour la paix. C'était une manière de montrer que nous sommes unis et n'acceptons pas la violence. » Unis contre la violence, les Tripolitains le sont toujours.

 

(Diaporama : Au Liban, Noël malgré tout)

 

Noël dans les chaumières
Concernant d'éventuelles mesures de sécurité le soir du réveillon, Inas Karimé, conseillère municipale chargée des relations publiques, ne voit pas d'utilité à un dispositif spécifique, en réponse aux récents combats : « Comme chaque année en décembre, la municipalité va doubler ses effectifs policiers, en particulier dans les vieux souks et les rues commerçantes. Il n'y a pas eu d'incident majeur lors des fêtes jusqu'ici. Il ne faut pas avaler tout ce que racontent les médias, qui ternissent l'image de Tripoli », souligne-t-elle.
Qu'il s'agisse d'un risque ou de rumeurs, de plus en plus nombreux sont les Tripolitains qui resteront chez eux le soir du réveillon. « Les années passées, je prenais la voiture pour visiter mes amis, mais maintenant je préfère rester chez moi. On ne sait jamais ce qui peut arriver, en rentrant seule à une heure du matin », témoigne Aurélia, pharmacienne du quartier d'Abou Samra. Elle estime que « l'intolérance et l'insécurité ont beaucoup augmenté à Tripoli », où elle est née puis est revenue s'installer, après des études en France. « Il y a dix ans, nous habitions Tripoli avec mon mari et nous nous y sentions bien. Mais son appartenance au chiisme est devenue de plus en plus difficile à porter. Il a donc déménagé en France avec nos enfants. » Aurélia est restée. Elle a supprimé le nom de son mari sur la sonnette, pour « éviter des problèmes ».
Le jeune Anwar soupire : « Quand j'étais petit, je jouais sans problème dans les rues. Les tensions intercommunautaires n'existaient pas. Celles-ci ont augmenté depuis 2008, avec les affrontements entre Bab el-Tebbané et Baal Mohsen. La situation a empiré depuis le début du conflit syrien. J'espère qu'il n'y aura pas d'idiot pour mettre le feu à un sapin. Je ne pense pas que cela arrivera, mais il y a toujours un risque. »
Ce risque, Hiba ne veut pas y penser. Son sapin, elle y tient, sera décoré pour le réveillon durant lequel elle échangera de petits cadeaux avec ses enfants. « La plupart de mes amis acceptent ma démarche. Certains ne comprennent pas que j'ouvre les yeux de mes enfants, inscrits dans une école islamique, sur ces fêtes car ils ont peur que cela nous fasse perdre une partie de nos valeurs. Au final, personne ne me fait de remarques car mes proches savent ce que j'en pense. »

 

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À TRIPOLI... COMME DANS TOUT LE LIBAN D'AILLEURS... CHRÉTIENS ET MUSULMANS PARTAGEAIENT, DANS NOTRE TEMPS, LES UNS LES FÊTES DES AUTRES. ALLAH YILA3AN YIALLI SABAB IL 7ALÉ WIL TA3ASSOB IL DINI TABA3 LYOM ! ALLAH YIL3ANOU !!!

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 13, le 13 décembre 2014

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Commentaires (1)

  • À TRIPOLI... COMME DANS TOUT LE LIBAN D'AILLEURS... CHRÉTIENS ET MUSULMANS PARTAGEAIENT, DANS NOTRE TEMPS, LES UNS LES FÊTES DES AUTRES. ALLAH YILA3AN YIALLI SABAB IL 7ALÉ WIL TA3ASSOB IL DINI TABA3 LYOM ! ALLAH YIL3ANOU !!!

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    13 h 13, le 13 décembre 2014

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