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Moyen Orient et Monde - Présidentielle syrienne

En Syrie, une farce sous les bombes

Détendu, Assad vote pour sa propre réélection et se prête à un « selfie » ; Washington qualifie de « honte » ce scrutin.

Souriant et décontracté, Bachar el-Assad a voté aux côtés de son épouse Asma. Le chef de l’État, toujours soucieux de se présenter comme « proche du peuple », s’est même prêté à un « selfie » pris avec un groupe de jeunes, vraisemblablement dans le bureau de vote du quartier résidentiel de Malki où il a déposé son bulletin. El Hadas News

Les Syriens votaient hier, sur fond de bombardements et de combats, pour une présidentielle controversée qui doit maintenir au pouvoir Bachar el-Assad dans un pays ravagé par trois ans de guerre. Cette élection a été qualifiée de « honte » par les États-Unis et de « farce » par l'opposition, l'OTAN assurant que ses résultats ne seraient « pas reconnus ».

Plus de 15 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour ce scrutin organisé dans les régions sous contrôle du régime, soit 40 % du territoire. Le vote a été prolongé de cinq heures, jusqu'à minuit, « en raison de l'afflux massif des électeurs », a indiqué la télévision officielle en début de soirée.

À Damas, où les rues étaient quasi désertes, l'ambiance était surréaliste : files d'attente devant les bureaux de vote, chants et danses à la gloire de M. Assad, sur fond d'explosions, de bruit d'obus tombés sur la capitale et d'intenses survols de l'armée de l'air. Souriant et décontracté, Bachar el-Assad a voté aux côtés de son épouse Asma, selon des images diffusées par la télévision d'État. Le chef de l'État, toujours soucieux de se présenter comme « proche du peuple », s'est même prêté à un « selfie » pris avec un groupe de jeunes, vraisemblablement dans le bureau de vote du quartier résidentiel de Malki où il a déposé son bulletin. La photo a été relayée sur Twitter et Facebook. 

 

(Lire aussi: « Je vote pour Bachar car ce régime est capable de tout, même de nous empêcher de revoir notre patrie »)


Dans un pays où le culte de la personnalité est de vigueur depuis la prise du pouvoir de Hafez el-Assad, père de Bachar, il y a plus de 40 ans, aucun effort n'a été épargné pour glorifier encore plus le chef de l'État : posters grandeur nature et slogans jurant loyauté au « leader éternel ». La compagnie de téléphonie mobile syrienne MTN a envoyé hier à ses abonnés un message leur offrant, gratuitement pour un mois, une sonnerie de téléphone reprenant une chanson dédiée à M. Assad : Nous ne voulons que toi ou encore celle intitulée Notre leader.
Ont également voté dans la capitale les deux autres candidats, Hassan al-Nouri et Maher al-Hajjar, considérés comme des faire-valoir à M. Assad.

 

(Repère : La présidentielle syrienne en 6 points)

 

Boycott kurde
La télévision d'État a montré des images d'une forte affluence, une majorité de votants cochant devant les caméras la case sous la photo de M. Assad. « J'ai voté pour le président, naturellement », affirme Nadia Hazim, 40 ans, dans un bureau à Damas. Comme d'autres, Hind al-Homsi, 46 ans, a voté « avec son sang pour le président » après s'être fait une petite coupure au doigt.

À Homs, d'où les insurgés se sont retirés du centre-ville en mai, les services de sécurité étaient déployés en force et les voitures fouillées minutieusement. Plus au nord, à Alep, l'affluence était importante dans les secteurs prorégime, selon la télévision. Mais parallèlement aux démonstrations partisanes, certains semblaient indécis. « Je ne sais pas si je vais voter. Les gens ne comprennent plus rien, tous les jours, il y a 100 à 200 morts », affirme ainsi Bachir, un épicier de 70 ans.

 

 (Repère : La guerre en Syrie, victimes et drame humanitaire)



Le vote a carrément été boycotté dans les régions kurdes, où l'armée s'est en grande partie retirée, à l'exception de quelques quartiers de Qamishli et Hassakeh, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) et des militants. « La présence des urnes dans les régions kurdes est une provocation », a déclaré Havidar, un journaliste kurde syrien dissident basé en Turquie. Par le passé, « personne n'avait jamais pu obliger les Kurdes à participer aux élections ».
Le ministre des Affaires étrangères Walid Moallem a prévenu sur la chaîne al-Mayadeen qu'un boycott des Kurdes serait « une erreur historique ». « La solution politique à la crise commence aujourd'hui », a-t-il ajouté.

 

 

« Qui va tâter le terrain ? »
Les insurgés quant à eux dénoncent un scrutin qui se déroule sur fond de violences meurtrières. « Parallèlement aux élections de sang, les forces d'Assad bombardent violemment Daraya avec des barils d'explosifs », a indiqué Mohannad, un militant de cette localité proche de Damas.

 

 (Repère : Syrie : plus de trois ans de conflit)



Depuis Londres où il est en exil, le chef de l'opposition syrienne Ahmad al-Jarba a affirmé pour sa part que « les dictateurs ne sont pas élus, ils gardent le pouvoir par la force et la peur, ce sont les deux raisons qui poussent les Syriens à participer à cette mascarade ». Et en effet, c'est bien de peur qu'il s'agit, le régime « forçant » les citoyens à voter sous peine d'arrestation, selon l'OSDH.

Pour l'opposant en exil Michel Kilo, M. Assad dit au monde : « Oubliez une solution politique internationale. C'est moi qui sors victorieux de ce conflit, c'est moi qui décide. Vous avez perdu. Si vous continuez à nous priver d'armes vous allez vous trouver face aux terroristes, en Syrie, ou chez vous. C'est ça, le choix, désormais », a-t-il prévenu en référence aux combats meurtriers entre brigades rebelles et jihadistes radicaux.

 

(Lire aussi: « À Damas comme à Beyrouth, le criminel est le même ! »)



Face à des rebelles en manque d'armes, M. Assad est à la tête d'une armée restée généralement soudée, et bénéficie des soutiens russe et iranien et de l'aide précieuse des combattants aguerris du Hezbollah libanais et de supplétifs syriens et étrangers.
Pour Noah Bonsey, de l'International Crisis Group (ICG), la présidentielle « ne changera pas la donne » si ce n'est de faire perdurer le conflit.

Pendant ce temps, la Russie, qui préside pour un mois le Conseil de sécurité de l'ONU, a assuré hier qu'elle ne s'exonérerait pas, à ce poste, de chercher une solution politique en Syrie. Dans ce contexte, l'ambassadeur russe aux Nations unies Vitali Tchourkine a appelé à la nomination rapide d'un successeur au médiateur de l'ONU en Syrie Lakhdar Brahimi. Ce dernier a démissionné en mai après moins de deux ans d'efforts infructueux pour mettre un terme à un conflit qui a fait plus de 162 000 morts et déraciné neuf millions de personnes depuis mars 2011. « Qui va tâter le terrain ? Qui va encourager les parties à faire des concessions dans leur vision des choses ? » a demandé M. Tchourkine. « Nous estimons que seulement deux sessions de pourparlers de cinq jours, pour dire au final que les choses sont tellement dans l'impasse qu'il est inutile de continuer ces négociations, ce n'est pas tout à fait convaincant », a-t-il insisté.

 

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Les Syriens votaient hier, sur fond de bombardements et de combats, pour une présidentielle controversée qui doit maintenir au pouvoir Bachar el-Assad dans un pays ravagé par trois ans de guerre. Cette élection a été qualifiée de « honte » par les États-Unis et de « farce » par l'opposition, l'OTAN assurant que ses résultats ne seraient « pas reconnus ». Plus de 15 millions...

commentaires (5)

LE CARNAVAL DE NOUVEAU ?

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 31, le 04 juin 2014

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Commentaires (5)

  • LE CARNAVAL DE NOUVEAU ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 31, le 04 juin 2014

  • LES MOUTONS BÊLENT POUR LEUR PANURGE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 13, le 04 juin 2014

  • Toutes élections sous la tutelle d'un régime qui a détruit le Liban, massacré la cause Palestinienne et aujourd'hui assouvi sa colère contre son propre peuple qui, pacifiquement, ne demandait qu'un peu plus de pain et de justice sociale ne peuvent être prises en considération quel qu'en soit le résultat. Nous aurons droit, une fois de lus, a une victoire a plus de 90%. Les Arabes n'iront jamais de l'avant, c'est peine perdu!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 14, le 04 juin 2014

  • "Société" tout à fait schizophrénique car still culturellement, économiquement et politiquement, profondément arriérée.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 51, le 04 juin 2014

  • Le plus grotesque "président" du monde. Il a fait de la Syrie la Corée du Nord du Moyen-Orient, le petit Hitler ! Des "observateurs" de Poutine et des mollahs d'Iran viennent donner la note la plus ridicule à sa farce du siècle ! Tfeh !

    Halim Abou Chacra

    04 h 44, le 04 juin 2014

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