C'est à Amchit, sa ville natale (caza de Jbeil), où il s'est rendu dimanche matin, que le président sortant Michel Sleiman a passé sa première journée d'ancien président. Lui-même a été étonné de l'impressionnant accueil politico-populaire qui lui a été réservé. Ceux qui ont suivi son sexennat le sont moins : les Libanais qui défilent chez lui depuis dimanche matin sont venus saluer non pas le président qui vient d'achever son sexennat mais l'homme d'Etat qu'il est devenu à la faveur de ses positions courageuses et intransigeantes qu'il a pris soin de réaffirmer dans son discours d'adieu, samedi.
Un discours qui a encore une fois dérangé au plus haut point ses détracteurs, le Hezbollah en tête, lequel s'est employé à hisser sur le site de son meeting, tenu dimanche après-midi, les portraits d'Emile Lahoud, son prédécesseur. Un geste on ne peut plus éloquent alors que dans les milieux du Hezb, on s'efforçait de minimiser l'importance du discours de l'ancien président, en répétant à l'envi : « Ce qui a été dit par Michel Sleiman s'estompe avec le départ de Michel Sleiman ».
(Repère : Les principaux points du mandat de Michel Sleiman)
Mais rien n'est moins sûr. Car le discours de départ du douzième chef de l'Etat libanais s'assimile à un acte fondateur d'une nouvelle République, une sorte de feuille de route pour son successeur. Ce que le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, n'a pas manqué de relever indirectement à Amchit, en saluant « un président exceptionnel » et en se prononçant sans ambages en faveur de la Déclaration de Baabda.
Plus que le défilé des personnalités du 14 Mars à Amchit, la présence de M. Joumblatt ainsi que celle de l'ancien Premier ministre Najib Mikati, dimanche, au domicile du président Sleiman, ont revêtu une importance particulière à l'heure où les tractations pour l'organisation de l'élection présidentielle dans les délais les plus brefs sont appelées à s'intensifier. En s'exprimant aussi ouvertement pour la concrétisation de la Déclaration de Baabda, le chef du PSP s'est rapproché davantage des options du 14 Mars pour la présidentielle. Cette coalition envisage au stade actuel une série de démarches en vue d'un forcing pour l'élection d'un nouveau chef de l'Etat. Il est notamment question d'un boycottage des séances législatives, parallèlement à l'organisation d'un sit-in parlementaire ouvert.
Michel Sleiman accueillant Walid Joumblatt. Photo Michel Sayegh
Le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, a déjà informé le président de la Chambre, Nabih Berry, que le 14 Mars n'assistera à aucune réunion parlementaire à caractère législatif tant que la présidence de la République reste vacante. De ce fait, la réunion qui était prévue mardi pour poursuivre l'examen de la nouvelle grille - très controversée - des salaires dans le secteur public se trouve compromise.
La décision d'un éventuel sit-in parlementaire ouvert sera prise par le 14 Mars après une évaluation du discours prononcé dimanche en fin de journée par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et à la lumière des propos que le chef du Courant patriotique libre, Michel Aoun, tiendra lundi à l'issue de la réunion de son bloc parlementaire. Selon certaines informations non confirmées, le général Aoun pourrait annoncer que son bloc boycottera les réunions du Parlement et du gouvernement, alors que dans certains milieux proches du bloc aouniste, on indique que ce dernier se contentera de jeter la balle dans le camp du 14 Mars en l'accusant de bloquer la présidentielle.
(Lire aussi : Nasrallah veut un président qui ne trahirait pas la résistance)
Ce qui est certain, en revanche, c'est que même si le bloc aouniste de la Réforme et du Changement décide de boycotter les réunions du gouvernement, son allié chrétien, les Marada, ne le suivra pas. C'est ce que le député Sélim Karam a du moins laissé entendre.
Parallèlement, une initiative diplomatique semble se mettre en place pour éviter que le vide institutionnel, avec tous les risques qu'il comporte, ne se prolonge, et, surtout, pour convaincre les différentes parties de s'entendre sur un candidat capable de mettre en application la « feuille route » de M. Sleiman. On apprend ainsi que des diplomates doivent se rendre en priorité auprès du chef du CPL pour essayer de le convaincre de se retirer de la course présidentielle et d'endosser le rôle de « grand électeur » en ayant son mot à dire dans le choix d'une personnalité qui serait agréée par toutes les parties.
(Lire aussi: Avec le départ de Sleiman, le 14 Mars engage « la résistance politique contre l'inconnu »)
Selon des informations dignes de foi, le chassé-croisé diplomatique pourrait durer deux semaines. En cas d'impasse persistante, d'aucuns affirment qu'il faudra peut-être se rabattre sur l'Arabie Saoudite et l'Iran qui seraient sollicités pour faciliter l'organisation de l'élection présidentielle. Un tel accord irano-saoudien, si tant est qu'il est à l'ordre du jour, serait cependant tributaire du profil du nouveau gouvernement irakien. Ce facteur permettra en effet au royaume wahabite et à Téhéran de déterminer dans quelle mesure ils peuvent jeter du lest au Liban.
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commentaires (7)
Une vacance présidentielle prolongée pourra en effet de plus en plus diviser le pays en deux clans l’un sunnite l’autre chiite en l’absence du rôle catalyseur du chrétien comme président de la république.
Sabbagha Antoine
16 h 40, le 26 mai 2014