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Liban - En dents de scie

Un jour, deux destins

Les Libanais s'en souviendront, du 25 mai.
Ce 25 mai 2014 fera date. Pas parce qu'il y aura vacance à la présidence de la République : le pays est habitué à pire, à des vides interstellaires à répétition, quelle que soit l'institution prise en otage. Ce 25 mai sera plutôt le premier jour du reste de la vie de Michel Sleiman. Le premier jour pour le Liban sans Michel Sleiman président. Un président né au forceps en 2008 ; né des entrailles d'un Taëf bis, plus bling-bling et plus plouc que l'original : l'accord de Doha ; un président né, donc, d'une scélératesse absolue : l'invasion et le saignement de Beyrouth et de la Montagne par le Hezbollah, giflé là-haut, faut-il le rappeler, par des hommes et des femmes druzes, vaillants et si braves, et qui, pour une fois, avaient refusé d'écouter leur chef, Walid Joumblatt, qui leur avait demandé de cesser de combattre. Un président transfiguré, carrément anamorphosé. Au départ, terriblement mal à l'aise dans son costume et sa cravate, l'ancien commandant en chef de l'armée était mou et frileux, et prétendument voulu à l'unanimité, et inodore et incolore et sans saveur. Et puis le déclic. Le catalyseur. La guerre civile en Syrie, probablement. Michel Sleiman s'est souvenu qu'il a des tripes. Des convictions. De la poigne. Il a transpiré comme un bœuf, jour après jour, à muscler sa présence, son embryon de charisme, sa force, tranquille(ment), son autorité. Jour après jour, Michel Sleiman s'est surpris. Et a surpris les Libanais, épuisés, dynamités par les mandats à rallonge d'Élias Hraoui et, surtout, d'Émile Lahoud. Puis il les a étonnés. Puis il les a stupéfaits : il faut dire que l'homme avait pleinement conscience du Liban qu'il voulait, du Liban qu'il fallait. Et le monde, d'abord amusé, un peu moqueur, a compris à qui il avait affaire : entré à Baabda en marionnette, en rejeton überbâtard de cette démocratie consensuelle monstrueuse d'ambiguïté, Michel Sleiman en est sorti, en ce 25 mai 2014, véritable homme d'État. Sans demander un jour supplémentaire, une once de prorogation.
Le 25 mai 2000 a fait date. Pas seulement parce que l'État hébreu a enfin retiré ses soldats du Liban ; que la barbarie des gouvernements israéliens successifs a semblé s'éloigner. Qu'enfin, ce Sud sublime, polytraumatisé, a (re)commencé à respirer. Qu'enfin, la Syrie de Hafez el-Assad, mort un mois plus tard, et de son fils, un certain (à l'époque) Bachar, a commencé à avoir (un peu) peur, à se poser des questions, à se dire que rien n'est éternel. Et qu'Israël ait retiré ses soldats parce qu'il l'a décidé ou parce que la résistance l'y a obligé ne change rien à l'affaire : les Libanais ont fêté un Hezbollah beau, un Hezbollah propre, un Hezbollah noble, qui avait lutté jour après jour contre l'envahisseur, qui avait versé des hectolitres de sang, qui avait pris, naturellement, légitimement, la place de l'État. Ils l'ont fêté, à ce Hezbollah, sans se douter un seul instant que c'était un monstre qu'ils célébraient. Un vampire, télécommandé à partir de Téhéran, à l'ADN et au passeport libanais, mais au cœur férocement, forcément iranien. Sans se douter un seul instant que ce 25 mai 2000 était en réalité le premier jour d'une autre anamorphose, cette fois sournoise, maligne, létale : celle d'une résistance superbe en une milice fascisante puis, plus tard, en une bande de mercenaires au service d'une autre barbarie, qui n'a rien à envier à celle des sionistes : les Assad.
À quoi sert la libération si elle ne contribue pas à l'édification d'un État démocratique, civilisé, fondé sur la justice et l'égalité des chances ? L'objectif de la libération est de permettre à l'homme de se délivrer du joug de l'esclavage, de l'assujettissement au leader ou de la subordination à la fonction. C'est aussi se libérer du besoin d'idolâtrer un homme. En faisant ses adieux au personnel du palais de Baabda, Michel Sleiman ne savait pas qu'il venait d'asséner l'une des plus belles phrases dites un jour par un président de la République du Liban. L'anamorphose jusqu'au bout.
Cela va être compliqué, très compliqué, de passer le relais.

Les Libanais s'en souviendront, du 25 mai.Ce 25 mai 2014 fera date. Pas parce qu'il y aura vacance à la présidence de la République : le pays est habitué à pire, à des vides interstellaires à répétition, quelle que soit l'institution prise en otage. Ce 25 mai sera plutôt le premier jour du reste de la vie de Michel Sleiman. Le premier jour pour le Liban sans Michel Sleiman président....

commentaires (7)

LA SIBYLLE... ET LA PYTHIE...

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 18, le 25 mai 2014

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Commentaires (7)

  • LA SIBYLLE... ET LA PYTHIE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 18, le 25 mai 2014

  • QUELQU'UN A DIT : EN S'EMBOURBANT DANS LA GUERRE SYRIENNE ON A SAUVÉ LE PAYS DU GLISSEMENT DANS LA CRISE SYRIENNE... Ô SOCRATE ! Ô ARISTOTE ! Ô PLATON ! RESSUSCITEZ DE VOS TOMBES... À CETTE FAMEUSE NOUVELLE ÉCOLE PHYLOSOPHIQUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 15, le 25 mai 2014

  • Mr. Ziad Makhoul, vous êtes MAGISTRAL. Carlos Achkar

    Achkar Carlos

    14 h 19, le 24 mai 2014

  • Je me m'étais jamais rendu compte que le désespoir pouvait mener à ce stade du ridicule(ment) bas !

    FRIK-A-FRAK

    12 h 52, le 24 mai 2014

  • Oui l'Histoire sera reconnaissante pour M. Michel Sleiman qui sortira en ce 25 mai 2014, la tête haute en véritable homme d'État.Bravo.

    Sabbagha Antoine

    12 h 00, le 24 mai 2014

  • L’Histoire se répète toujours et nous parle. Mais mieux vaut être béni par le ciel que par l’enfer ! Et plutôt 1 fin effroyable qu’1 effroi sans fin ! D’après Marx Karl et son apôtre Paul. Les frais émoulus 14 Sains et leur new président, qui parlent si bien de rêves et d’espérance parce qu’ils savent que cette espérance est 1 vertu ; doivent aussi prouver qu’ils ont d’autres talents que l’oratoire. Et qu’ils peuvent devenir davantage que l’euphorisant symbole d’1 simple renouveau. En tous cas, il faut garder bien à l’esprit qu’ils ne seront pas ce que l’on voudra, ni ce qu’on arrivera d’exiger qu’ils soient. Mais, plus éhhh Libanais que le 14 Mars et leur prochain président tu meurs ! C’est, en partie, pour cela qu’ils reprendront le pouvoir des mains des usurpateurs 8 Malsains. Et il n’y a aucune raison qu’ils ne se préoccuperont pas, en absolue priorité, des intérêts éhhh éhhh libanais exclusivement tels qu’ils les conçoivent eux woû bass ; et eux tous seuls pour de bon cette fois, ëéééh wallâh! Le seul souhait devrait être qu’ils le fassent avec 1 intelligence des faits nuancée. Et 1 audace juvénile synonyme d’1 courage qui trancherait avec les a priori sclérosants de tant de pseudos-comPatriotes 8 Martiens abjects et malsains. Ce n’est pas exclu grâce à la jeunesse de ces 14 Cédraies et de leur propre président ; grâce aussi à la jeunesse du Liban qui sont ses plus anciennes traditions à ce Grand-Liban qui durera, lui, dorénavant sûrement éternellement. N'challâh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 38, le 24 mai 2014

  • Splendide, merveilleux billet, M Makhoul. "Un jour, deux destins". Une date, deux vérités d'une limpidité éblouissante, terrassante. Le 25 mai 2000 tout le Liban fête "un Hezbollah beau, un Hezbollah noble", un Hezbollah résistant au pire ennemi qu'une nation peut avoir. Il fête la libération de ce "Sud sublime". Le 25 mai 2014 on a la frayeur de voir que toute cette beauté a été dilapidée, bafouée, souillée. Durant quatorze ans, le Hezbollah a oeuvré sans lassitude à "s'anamorphoser" en milice des Gardiens de la révolution iranienne qui renie ses engagements, commet des crimes de 7 mai et entre en des guerres qui précipitent le Liban dans tous les enfers et toutes les ruines. Une milice qui menace sans cesse la fragile démocratie libanaise par ses armes et ses sinistres chemises noires, qui assassine à plusieurs reprises cette démocratie. Il n'y a plus qu'"un vampire télécommandé à partir de Téhéran, à l'ADN et au passeport libanais, mais au coeur férocement et forcément iranien". Une vérité très choquante : pour toutes ces raisons accumulées, plus de 60% des Libanais détestent cette milice et ne la supportent plus. Et les caciques de celle-ci, fanatiques et aveugles, ne font qu'exacerber ces sentiments du peuple. La seconde vérité de cette date du 25 mai 2014 est l'achèvement d'un mandat présidentiel brillant, malgré tous les obstacles possibles et imaginables. Un achèvement qui ennoblit la présidence et donne une image lumineuse du Liban au milieu de tant de ténèbres.

    Halim Abou Chacra

    05 h 03, le 24 mai 2014

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