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À La Une - Eclairage

Le Liban, microcosme des tensions régionales

La rivalité entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite étant à son plus haut niveau, il est plus que probable que les attaques dont souffre le Liban se multiplieront.

Des militaires libanais près du site de l'attentat à Beyrouth, le 27 décembre 2013. REUTERS/Steve Crisp

L'assassinat d'un responsable libanais hostile au régime syrien montre que le Liban est devenu un microcosme des rivalités dans la région, où Damas et son allié iranien se sentent plus enhardis grâce aux succès contre les rebelles.

Mohammad Chatah, tué vendredi dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth, était un des "cerveaux" de la coalition libanaise du 14 Mars qui est appuyée par l'Arabie saoudite et qui est le principal rival du Hezbollah chiite, fidèle allié de Damas et de Téhéran.

Selon les analystes, ce meurtre va alimenter l'animosité entre le royaume saoudien et la République islamique et pousser les deux camps libanais à se radicaliser.
"Cet assassinat politique reflète bien plus qu'un simple débordement du conflit syrien, cette étape est dépassée. Désormais, nous entrons dans une guerre irano-saoudienne par procuration", estime Karim Bitar, de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Ryad, qui soutient les rebelles syriens, et Téhéran, qui a envoyé des officiers pour soutenir l'armée syrienne, profitent de la polarisation au Liban pour régler leurs comptes, alors que ce petit pays "n'a aucune immunité", ajoute l'analyste basé à Paris.

Le Liban est profondément divisé par la guerre en Syrie, le Hezbollah combattant aux côtés du régime de Bachar el-Assad, tandis que la coalition du 14 Mars soutient, politiquement, les rebelles depuis le début du conflit en mars 2011.
Et si la tutelle de Damas sur son voisin s'est officiellement terminée en 2005, la Syrie maintient son influence au Liban via le Hezbollah, ajoutant aux tensions politiques et communautaires au Liban.

(Lire aussi : Le 14 Mars ne veut plus du Hezbollah dans le gouvernement)

Pour Lina Khatib, directrice du Carnegie Middle East Centre, le Liban est devenu "un microcosme des conflits régionaux".
Selon elle, l'inaction occidentale face au drame syrien, les négociations sur les armes chimiques syriennes et celles sur le nucléaire iranien, ont par ailleurs enhardi le président Assad et ses alliés en Iran et au Liban.

Sur le terrain, en outre, l'armée syrienne et ses alliés ont enregistré toute une série de victoires face aux rebelles ces derniers mois.
Mme Khatib rappelle que l'assassinat de Mohammad Chatah intervient après "une série d'attaques et de contre-attaques des camps politiques ennemis" au Liban.

En novembre, un double attentat suicide revendiqué par un groupe lié à el-Qaëda avait visé l'ambassade d'Iran, faisant 25 morts et le Hezbollah avait accusé l'Arabie saoudite d'être derrière l'attaque.

Le 23 août, un double attentat à la voiture piégée contre deux mosquées sunnites avait fait 45 morts à Tripoli, grande ville du nord.

Du 'pur terrorisme'
Pour Karim Bitar, les attentats visant aussi bien la coalition du 14 Mars que le Hezbollah sont du "pur terrorisme", mais "le modus operandi et les motivations diffèrent".

Les assassinats ciblés contre le 14 Mars ont en effet commencé des années avant la révolte syrienne: depuis 2005, neuf hommes politiques et journalistes anti-Assad ont été assassinés.

Avec l'attentat contre Mohammad Chatah, Damas "pourrait bien envoyer le message qu'il est encore capable de déstabiliser le Liban si ses intérêts ne sont pas préservés", estime M. Bitar.

Quant aux attaques contre le Hezbollah, "elles font partie d'une lutte régionale plus vaste entre différents services de renseignements, et sont la conséquence de l'animosité grandissante entre sunnites et chiites".

La rivalité entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite étant à son plus haut niveau, il est plus que probable que les attaques dont souffre le Liban se multiplient.

"Seul un rapprochement entre l'Iran et les Saoudiens peut y mettre un terme. Et cela semble peu probable", ajoute l'analyste de l'IRIS.
"Les modérés libanais n'ont plus voix au chapitre, et il ne reste que les extrémismes, chiites et sunnites", déplore-t-il.

Ces développements s'inscrivent par ailleurs dans un Liban en pleine crise politique, qui n'a pas eu de gouvernement depuis huit mois. Et le Hezbollah et les partisans de la coalition du 14 Mars apparaissent plus éloignés que jamais d'un accord.

"Ce dernier assassinat va faire durer le blocage entre les deux camps", affirme Imad Salamé, qui enseigne les sciences politiques à l'Université américaine du Liban.
"Il est très probable qu'une nouvelle série d'assassinats et d'attentats arrive, car aucune solution acceptable pour les deux camps ne se profile à l'horizon".

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L'assassinat d'un responsable libanais hostile au régime syrien montre que le Liban est devenu un microcosme des rivalités dans la région, où Damas et son allié iranien se sentent plus enhardis grâce aux succès contre les rebelles.Mohammad Chatah, tué vendredi dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth, était un des "cerveaux" de la coalition libanaise du 14 Mars qui...

commentaires (4)

Le Grand-Liban a le malheur d'être singulièrement méconnu tant en Iran qu’en Arabie. En Iran, il est considéré comme mauvais, parce qu'il passe pour être un bon et un véritable Arabe. En Arabie, il est aussi considéré comme mauvais, parce qu'il passe pour être un bon et un véritable "gangréné Per(s)cé" ! Nous, en notre qualité d’éhhh libanais(h) Non- "pers(c)és" mais Arabes en effet, nous avons voulu et nous sommes en droit de protester contre cette incroyable méprise.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 21, le 29 décembre 2013

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Commentaires (4)

  • Le Grand-Liban a le malheur d'être singulièrement méconnu tant en Iran qu’en Arabie. En Iran, il est considéré comme mauvais, parce qu'il passe pour être un bon et un véritable Arabe. En Arabie, il est aussi considéré comme mauvais, parce qu'il passe pour être un bon et un véritable "gangréné Per(s)cé" ! Nous, en notre qualité d’éhhh libanais(h) Non- "pers(c)és" mais Arabes en effet, nous avons voulu et nous sommes en droit de protester contre cette incroyable méprise.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 21, le 29 décembre 2013

  • Le titre est évidemment très juste. Mais ceux qui pensaient en finir avec le pouvoir Syrien en quelques semaines ne le savaient-ils pas? et puis lorsques les mois et les années sont passés sachant que ce pouvoir est plus que jamais là, que ses puissants alliés regionaux et internationaux sont plus que jamais à ses coté. Pourquoi n'ont-ils pas tirés les conséquences comme des braves et arreté le feu acceptant de s'assoir autour d'une table de négociation avant qu'il n'embrase le petit et vulnérable Liban alors que tout laissait penser que cela serait inéluctablement arrivé? Pauvres petites gens sans réalisme, animées seulement par la haine de l'autre et le refus de la défaite.

    Ali Farhat

    13 h 15, le 29 décembre 2013

  • JE CONSTATE AVEC REGRET QUE CEUX QUI ACCUSAIENT LES SIONISTES À TORT ET À TRAVERS DE TOUS LEURS MAUX ABANDONNENT CETTE THÈSE POUR CET ASSASSINAT... LA PLUS PLAUSIBLE AUJOURD'HUI... POUR SE LANCER DANS DES INEPTIES... ET SE RIRE D'EUX-MÊMES... EN ACCUSANT LA SAOUDITE OU LES TAKFIRISTES QUI : S'ILS AURAIENT ÉTÉ LES AUTEURS ILS AURAIENT CHOISI QUELQU'UN DE L'AUTRE CAMP SANS AUCUN DOUTE. TRÊVE D'INEPTIES ! REVENEZ À VOTRE CHANSON HABITUELLE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 25, le 29 décembre 2013

  • "Les modérés libanais n'ont plus voix au chapitre, et il ne reste que les extrémistes, chiites et sunnites", déplore le directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques - IRIS, Karim Bitar. Comme il a raison dans cette conclusion de son analyse ! Innombrables ont été les avertissements d'hommes raisonnables et de bonne foi de ce pays -il en reste malgré tout- aux hauts responsables "illuminés", c'est à dire aveugles, du Hezbollah que leur radicalisme arrogant et maladif ne faisait que susciter des Ahmad e-Assir et similares. Leur réponse à ces avertissements a toujours été non seulement le mépris, mais l'engagement encore davantage dans le chemin menant à l'élimination de voix sunnites modérées comme celle de l'ex-ministre Mohammad Chatah, qui vient d'être assassiné. Puis ils se sont enfoncés encore beaucoup plus loin dans la dérive et l'aventure, allant en Syrie "inviter" al-Nosra et DAECH à leurs propres demeures et à tous les coins du Liban. L'histoire le dira haut et fort : ces hommes sont les plus grands responsables de la destruction de ce pays.

    Halim Abou Chacra

    06 h 38, le 29 décembre 2013

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