Rechercher
Rechercher

Campus - Enseignement

L’histoire désertée par les jeunes libanais

Par histoire, on n'entend pas les « Mille et Une Nuits » ni les contes de Perrault. Mais la filière d'histoire, cette discipline rigoureuse, que les jeunes Libanais semblent bouder ces dernières années. Pourquoi ? Qu'en pensent les enseignants et les étudiants ? Bribes de réponses.

Le paysage est en stagnation, sinon en régression. La filière d'histoire n'attire plus les jeunes. En effet, l'effectif modeste des étudiants en licence d'histoire à l'USEK disparaît cette année : « Zéro nouveau étudiant ! » comme le dit si bien le doyen de l'Institut d'histoire à l'USEK, le père Élias Hanna. Toutefois, quelques étudiants en master et doctorants continuent d'arpenter les couloirs de l'Institut d'histoire. À l'USJ, les férus d'histoire sont également en diminution. Par contre, à l'Université libanaise, la faculté d'histoire grouille d'étudiants. Pourquoi ? « Parce que les étudiants libanais préféreraient suivre gratis des cours d'histoire, spécialisation secondaire pour la plupart, au lieu de payer des fortunes dans les universités privées pour la même formation », affirme le père Hanna, qui poursuit : « C'est une spécialisation qui débouche souvent sur l'enseignement. Or, dans pas mal d'établissements scolaires libanais, cette matière n'est plus donnée qu'en classes d'examens officiels parce qu'on juge que c'est une perte de temps dans les autres niveaux scolaires!»


Carla Eddé, chef de département d'histoire à l'USJ, partage l'avis du père Élias Hanna quant à l'aversion des jeunes pour l'histoire. « Toutefois, à l'USJ, ce problème n'est pas aussi grave, vu qu'en 1996, nous avons restructuré le département en scindant l'histoire et la géographie – regroupées dorénavant sous la coupe du même département – et en diversifiant les branches de spécialisation dans chacun de ces deux domaines », précise-t-elle.

 

Le témoignage des jeunes
« Dans les écoles, on n'apprend pas à aimer l'histoire. En effet, les profs d'histoire sont souvent âgés et sévères. De plus, les offres d'emploi dans ce domaine sont limitées, alors que le souci premier des jeunes est de travailler après la fac. Enfin, il faut dire qu'une plus grande importance est malheureusement accordée aux matières scientifiques plutôt qu'aux disciplines des sciences humaines », confie Joe, professeur d'histoire et étudiant en master II à l'USJ. Leen Khalifé, étudiante en architecture à l'USEK inscrite à un cours électif d'histoire contemporaine, trouve que l'histoire contribue à l'édification de son identité en tant que citoyenne libanaise, sans oublier que le présent devrait impérativement s'inscrire dans la continuité du passé. Cependant, elle n'aurait jamais opté pour l'histoire comme choix de carrière : « Ça se limite seulement au cours électif », à ses dires.


Le poids de la guerre civile crée une sorte de répulsion au sein d'une génération de jeunes qui veut oublier toute trace de violence et l'histoire sanglante du Liban. Sacha Matar, étudiante en 1re année de droit à l'UL, section II, affirme : « Les retombées de la guerre civile libanaise nous taraudent toujours parce qu'on n'a pas réussi à rationaliser ce qui s'est passé pendant les événements atroces du siècle passé. Les jeunes, en considérant que l'histoire est une matière morte, se sentent peu concernés par le passé de leur pays. Mais ce n'est pas nous qu'on doit toujours blâmer. Que les historiens écrivent d'une manière objective, sans inclure leurs idéologies dans les textes, avant de critiquer les jeunes pour leur désintérêt. »


Daniel Traboulsi, étudiant en master à l'USJ, ne cache pas que la filière « histoire-relations internationales » que l'USJ propose s'ouvre sur beaucoup de débouchés. Il ajoute : « J'ai quand même trouvé très intéressant de fusionner les deux domaines dans une même licence. » Quant à Michel Bou Rjeily, lui aussi étudiant en master d'histoire à l'USJ, il juge que l'histoire constitue un tournant décisif dans sa vie. « Il y a trois ans, j'ai entrepris des études en architecture d'intérieur à l'ALBA. Après une année dans cette filière, j'ai décidé de changer de cursus et je me suis orienté vers l'histoire. Au début, ma famille n'acceptait pas l'idée de me voir faire une licence très peu connue au Liban. » L'étudiant poursuit indigné : « Nous vivons dans un système corrompu où tout le monde se proclame historien et où l'on croit que l'histoire n'est que de la culture générale. Il y a plus dans la vie que la médecine, le droit et l'architecture. »

 

Gare aux erreurs historiques !
Élie Élias, professeur d'histoire et responsable des archives au Centre Phoenix des études libanaises à l'USEK, fait une mise au point en ce qui concerne les vérités historiques. Ayant accès à de rares archives, il dévoile à Campus quelques secrets de notre histoire libanaise. « La conquête ottomane du Chouf en 1584-85 a eu pour raison principale le vol d'un carrosse ottoman transportant les trésors de l'État par les acolytes du prince Korkomaz Maan. Or, les archives montrent que ce carrosse est arrivé intact à Istanbul ! » L'expédition des Turcs contre le prince Korkomaz Maan a pris, alors, comme prétexte le vol du carrosse pour occuper le Chouf. « Ce qui est inconcevable pour moi, c'est l'insertion, jusqu'à présent, d'une telle erreur historique flagrante dans les manuels scolaires et dans les cours universitaires », s'indigne-t-il.
Alors, aurait-on besoin d'un vrai coup de balai dans nos manuels d'histoire qui s'arrêtent à l'année où les troupes françaises se sont retirées du Liban ?

 

Pour mémoire

Le Centre d'études latines de l'USEK ressuscite l'histoire du Liban

« Le secret de l'État » de Nicolas Nassif, ou l'histoire du Liban à travers celle de la SG

Les Abillama face à leur histoire et à celle du Liban...

 

Retrouvez aussi chaque semaine notre page spéciale Campus

Le paysage est en stagnation, sinon en régression. La filière d'histoire n'attire plus les jeunes. En effet, l'effectif modeste des étudiants en licence d'histoire à l'USEK disparaît cette année : « Zéro nouveau étudiant ! » comme le dit si bien le doyen de l'Institut d'histoire à l'USEK, le père Élias Hanna. Toutefois, quelques étudiants en master et doctorants continuent...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut