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« Le secret de l’État » de Nicolas Nassif, ou l’histoire du Liban à travers celle de la SG

C’est une initiative unique en son genre au Liban, tant la Sûreté générale qui a contribué – et parfois carrément fait – à l’histoire du Liban depuis l’indépendance à nos jours préfère garder ses secrets. Toutefois, pour notre confrère Nicolas Nassif, connu pour son sérieux, son objectivité et son honnêteté intellectuelle, la Sûreté générale a accepté de dévoiler son (et ses) histoire. Au moins en partie, de la période allant de 1945 à 1977.

 

Dans sa préface, l’auteur raconte d’ailleurs qu’il s’agit d’une idée du directeur général actuel de la Sûreté, le général Abbas Ibrahim, lui-même venu du monde des services secrets et donc peu enclin à des confidences surtout à un journaliste. Mais dans un souci justement de clarifier une partie de l’histoire du Liban, qui appartient d’ailleurs à tous les Libanais, et surtout parce qu’il souhaite familiariser les citoyens avec cette institution qui est au cœur de l’État et de ses institutions, le général Ibrahim a ouvert les archives de la Sûreté à Nicolas Nassif, lui donnant carte blanche pour interroger les témoins d’une époque et pour consulter des papiers oubliés depuis des décennies.


C’est donc la partie invisible de l’histoire du Liban qui revit ainsi, par la grâce de la plume facile du journaliste, sans jugement de valeur ni rajouts destinés à embellir le rôle de tel directeur ou de tel responsable. Les tentatives de construire un État avec des institutions solides apparaissent ainsi avec tous les obstacles qui n’ont cessé d’émerger pour entraver cet objectif, certains internes, d’autres étrangers et d’autres encore fraternels. Le Liban, ce petit paradis qui s’est toujours débattu pour exister en tant que patrie et en tant que pays, a subi de nombreuses crises avant d’arriver jusqu’à la guerre civile.

 

Nassif précise à cet égard que le général Ibrahim a voulu lui-même que le récit s’arrête à 1977, dans une première étape, promettant toutefois qu’il y aura un second volume qui couvrira la période de la guerre et peut-être un troisième pour la période suivante... Mais il est encore trop tôt pour évoquer certains faits presque contemporains qui pourraient nuire au présent plus qu’ils ne le servent. Le volume s’arrête au début de la guerre, avec l’entrée des Forces arabes de dissuasion au Liban qui se sont rapidement réduites aux seules forces syriennes, et à travers l’histoire de la Sûreté générale, cette institution si méconnue et si secrète, c’est toute l’histoire du Liban et d’une époque qui se profile, avec ses réalisations, ses espoirs et ses déceptions.

 

La Sûreté générale est ainsi comme un petit noyau, sous la houlette de la direction de la police et de la police judiciaire en particulier. Elle s’est développée par la suite, remplissant parfois des rôles de premier plan et tantôt se faisant toute petite derrière le chef de l’État qui en nomme le directeur général, puis derrière d’autres institutions, comme le Deuxième Bureau de l’armée qui, à un moment donné, semblait le véritable maître du pays.


L’ouvrage se lit comme un roman, dont tous les chapitres sont intéressants et truffés d’informations, de dialogues vivants et de rencontres parfois totalement inattendues. Mais la période d’Antoine Dahdah qui s’étend de 1971 à 1977 est sans doute la plus intéressante car la plus complexe. Au début de son mandat, la guerre se profilait au rythme des développements palestiniens, puis elle a éclaté et la Syrie a commencé à y être ouvertement impliquée. On suit ainsi le colonel Dahdah dans son premier rendez-vous avec le général Hikmat Chéhabi et dans son jeu d’équilibrisme entre les renseignements du Baas syrien et ceux du Baas irakien qui utilisaient tous les deux le Liban comme arène pour leur confrontation ouverte.

 

Mais ce n’était pas la seule confrontation régionale en territoire libanais, les Jordaniens et les Palestiniens, ainsi que les Égyptiens, les Turcs et les Arméniens s’en donnaient aussi à cœur joie au Liban, face à une Sûreté générale qui recueillait les informations sans avoir les moyens de faire cesser ces luttes destructrices au Liban ni d’ailleurs d’empêcher la puissance grandissante de l’OLP et des autres organisations palestiniennes au pays du Cèdre, malgré les affrontements entre l’armée et les organisations palestiniennes en 1973. Avec le coup d’État de Abdel Aziz Ahdab en mars 1976, la direction de la Sûreté générale a été divisée, à l’instar des autres institutions de l’État.

 

C’est d’ailleurs à partir de cette période que le rôle du directeur de la Sûreté a un peu changé, ce dernier devenant quasiment l’ombre et l’émissaire du président de la République. C’est ainsi qu’il a assisté à une réunion qui a constitué un tournant dans l’histoire du Liban, celle de l’émissaire du président américain Dean Brown avec le président Sleimane Frangié et les deux leaders maronites Camille Chamoun et Pierre Gemayel. L’émissaire américain avait alors demandé aux trois personnalités maronites s’il était vrai qu’elles avaient demandé au président syrien Hafez el-Assad d’envoyer ses troupes au Liban, car elles ne peuvent pas affronter seules les Palestiniens... La réponse des trois leaders chrétiens est à découvrir dans le livre.


Il faut encore rappeler que ce n’est ni un hasard ni une coïncidence si cet ouvrage a été publié au moment où la Sûreté générale célèbre l’anniversaire de sa fondation, un anniversaire qui lui aussi coïncide avec un rôle accru accordé à la Sûreté, celle-ci ayant réussi à regrouper des représentants du 14 et du 8 Mars, en plus du président de la République, à la cérémonie de l’anniversaire de sa fondation...

C’est une initiative unique en son genre au Liban, tant la Sûreté générale qui a contribué – et parfois carrément fait – à l’histoire du Liban depuis l’indépendance à nos jours préfère garder ses secrets. Toutefois, pour notre confrère Nicolas Nassif, connu pour son sérieux, son objectivité et son honnêteté intellectuelle, la Sûreté générale a accepté de...

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