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À La Une - La femme de la semaine

Cécile Kyenge, ministre italienne de l'Intégration et apôtre du changement

Depuis sa nomination, la responsable n'a pas été ménagée par les critiques xénophobes.

Insultée et menacée de mort, la ministre italienne de l’Intégration, Cécile Kyenge, continue de défendre sa vision de la nationalité lors d’une conférence de presse organisée au siège des Nations Unies, à Genève, le 18 juin 2013. AFP/Boris Heger

Pour son premier voyage à l'étranger, Cécile Kyenge, ministre de l’Intégration et première femme noire de l’histoire de l’Italie à accéder à la tête d’un ministère, s'est rendue mardi à Genève à l'ONU, pour "faire comprendre l'importance du changement culturel que l'Italie est en train d'opérer", un changement qui "se poursuivra même si le gouvernement devait changer".

Le choix d'Enrico Letta, premier chef d'un gouvernement gauche-droite de l'après-guerre, de créer un ministère de l'Intégration est en soi, un "signal de changement fondamental car l'idée est de ramener l'attention sur les personnes, les droits de l'homme", a estimé la ministre italo-congolaise devant la presse étrangère.

 

Fière de sa terre d'adoption d'Emilie Romagne (elle vit près de Modène), cette ophtalmologue de 48 ans, mère de deux filles, arrivée en Italie en 1983 pour faire des études de médecine, n'a pu, en raison de "problèmes bureaucratiques", obtenir la nationalité qu'après son mariage avec un Italien en 1995.

Elle voit son ministère comme une "mission". C'est sa "volonté de se mettre au service des autres" qui l'a poussée aussi à coordonner la formation de médecins en Afrique et de personnel sanitaire en Italie pour l'accueil des migrants puis à s'engager en politique à partir de 2004 dans le Parti démocrate (gauche).

 

Lors de son passage à Genève, en marge d'une conférence ministérielle internationale sur la diaspora organisée par l'OIM, l'Organisation internationale pour les migrations, Mme Kyenge a déclaré, à la presse, que la "question centrale" de son ministère est la "nationalité" à accorder aux immigrés. "Ce débat sur la nationalité est un débat qui concerne toute l'Europe", ajoute-t-elle .Bien décidée à défendre ses idées, la ministre a précisé qu'elle se rendrait à Bruxelles le mois prochain pour expliquer sa position aux autorités européennes.

 

Face au risque que la crise aiguise les tensions sociales et raciales, la ministre rappelle que les immigrés (4 millions d'adultes et 1 million d'enfants dont 600.000 nés dans le pays, venant principalement d'Europe de l'Est, d'Afrique du Nord et d'Afrique sub-saharienne) sont "aussi une ressource : des travailleurs, des contribuables, parfois des entrepreneurs". "La priorité de ce gouvernement est l'emploi mais la crise touche tout le monde, il faut l'affronter ensemble, y compris avec l'idée d'une nouvelle citoyenneté qui prévoie des droits mais aussi des devoirs", a expliqué Mme Kyenge.

 

Pourquoi insister sur une nationalité basée sur le "ius soli" (droit du sol, jus soli) pour les enfants d'immigrés ?

Parce que "tout commence à l'école". Selon la ministre, les enfants doivent pouvoir participer aux voyages scolaires hors d'Italie, ou devenir des sportifs professionnels ou de futurs dirigeants du pays, sans devoir découvrir "à 18 ans qu'ils sont différents, qu'ils ne peuvent pas avoir la nationalité pour des raisons bureaucratiques".

A son initiative, le gouvernement a adopté samedi un décret-loi qui simplifie l'accès à la nationalité après 10 ans de résidence, attestée par de simples certificats médicaux ou scolaires.

Consciente d'avoir suscité un âpre débat, Mme Kyenge a expliqué "bouger beaucoup sur le territoire pour identifier les bonnes pratiques" en matière d'intégration. De toute façon, a-t-elle expliqué, la nouvelle législation sur la citoyenneté sera issue d'un dialogue interne au gouvernement et "décidée par le parlement".

 

 

"On ne peut pas dire que l’Italie est raciste, mais…"

Cécile Kyenge doit en outre supporter des atteintes directes à sa personne. Depuis sa prise de fonction, la ministre a été la cible d'agressions verbales et de menaces de mort postées sur des sites racistes où elle est traitée de "guenon congolaise" ou appelée "la Zouloue" ou "la Noire anti-italienne". Des insultes ont également été proférées par un député européen, Mario Borghezio, élu du parti anti-immigrés et régionaliste de la Ligue du Nord. Le gouvernement Letta, a-t-il dit, est un "gouvernement bonga bonga" (une allusion aux soirées "bunga bunga" de Silvio Berlusconi). Quant à Cécile Kyengé, a-t-il ajouté, elle est sans doute "une bonne femme au foyer, mais pas une ministre". Le gouvernement a ordonné l'ouverture d'une enquête sur ces insultes, demandée par la ministre de l'Egalité des droits, Josefa Idem, une Allemande naturalisée italienne par son mariage. La présidente de la Chambre des députés, Laura Boldrini, a dénoncé des "vulgarités racistes".

 

pas suffisant pour calmer la Ligue du Nord, puisque le 13 juin, Dolores Valadro, une élue locale de ce parti a appelé à violer la ministre italienne de l'Intégration. "Mais personne ne la viole jamais, juste pour lui faire comprendre ce que peut éprouver la victime de ce terrible délit ? Une honte !", a écrit la conseillère d'arrondissement de Padoue (nord) sur Facebook, en publiant la photo de Cécile Kyenge, commentant un article d'un site spécialisé, intitulé "Tous les crimes des immigrés", en rapport avec une tentative présumée de viol de deux Roumaines par un Africain à Gênes.

Les déclarations de Dolorez Valadro ont suscité des réactions indignés jusque dans la direction de son propre parti qui a annoncé son expulsion.

 

Si l'escorte de la ministre a été renforcée, cette dernière a assuré : "je n'ai pas peur". "Les insultes et menaces qui me visent à cause de ma position particulièrement exposée, visent en réalité tous ceux qui refusent le racisme et une société non violente", a-t-elle estimé.

 

Selon Mme Kyenge, "on ne peut pas dire" que l'Italie est raciste, mais "il y a visiblement un manque de connaissance de l'autre, des phénomènes migratoires, un manque de culture de l'immigration".

Elle demande qu’on cesse de dire qu’elle est une femme "de couleur", comme le font des médias italiens. "Je ne suis pas une femme de couleur, je suis noire et je le dis avec fierté". De son enfance en République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) au milieu de 38 frères et sœurs, cette "fille d'un chef de tribu" aime rappeler que sa "famille accordait une énorme importance à l'instruction": "même en période de difficultés, de troubles politiques, la seule chose à laquelle on n'échappait pas c'était l'école!". La ministre indique être venue en Italie pour "réaliser un rêve, celui de devenir ophtalmologue" : "J'étais seule, j'avais 18 ans, j'ai eu un parcours difficile, mais j'ai réalisé mon rêve, et à présent je suis ministre".

 

 

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