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Liban - Crise

Un an après l’enlèvement des pèlerins chiites, une énième promesse modère la réaction des proches

Le ministre sortant de l’Intérieur Marwan Charbel déclare à « L’OLJ » que Damas relâchera « d’ici à une semaine » les opposantes prisonnières en échange de la libération des otages libanais.

Il y a un an jour pour jour, onze Libanais étaient kidnappés dans la province d’Alep en Syrie, alors qu’ils rentraient d’un pèlerinage en Iran. Deux d’entre eux seront relâchés successivement en geste de bonne volonté après une médiation des ulémas musulmans (Hussein Ali Omar, le 25 août, et Awad Ibrahim, le 25 septembre de cette année).

 

La vive indignation qui avait secoué la rue chiite dès l’annonce de la nouvelle du rapt reste aujourd’hui palpable, malgré la fatigue et les faux espoirs. On a tous en mémoire les discours d’apaisement et les appels au calme du secrétaire général du Hezbollah, des trois présidents et du chef de la diplomatie, l’enjeu étant alors de protéger la sécurité des otages. Les promesses d’une libération immédiate des otages se multipliaient, sur fond de concertations menées de pair par le régime syrien, des émirs arabes, précisément le Qatar et le Koweït, mais aussi par l’ancien Premier ministre Saad Hariri, auxquels se joindra la Turquie. Rappelons que la première allusion à un rôle possible de la Turquie dans les négociations avait été faite quelques jours après le rapt, lorsque des sources du Hezbollah, citées par un média proche du 14 Mars, ont assuré « connaître » le lieu de détention des otages d’Alep, faisant allusion à « un rôle de la Turquie à ce niveau, sauf qu’Ankara ne s’est toujours pas décidé à faire pression sur le groupuscule qui les a kidnappés afin qu’il les libère ».

 

Le lieu de détention des otages sera ensuite précisé : après Alep, où ils sont filmés la première fois, en présence d’Abou Ibrahim, ils seront transférés à Aazaz, puis interviewés par des journalistes, avant que leur emplacement soit bombardé en août 2012. L’annonce hâtive de leur présumé décès sera très vite rectifiée, contenant ainsi une rue « qui a failli dégénérer dans l’inimaginable », comme l’affirme aujourd’hui à L’Orient-Le Jour Adham Zgheib, le fils de Ali Zgheib, toujours détenu à Aazaz.


Abou Ibrahim, aujourd’hui perdu de vue (son décès a été déclaré trois fois dans la presse, sans jamais être confirmé), avait formulé pour la première fois, en novembre 2012, une condition de libération des otages : la libération, par les autorités libanaises, d’un certain nombre de détenus dans les prisons au Liban (sans préciser toutefois la nationalité de ces détenus). Ce n’est qu’en début du mois courant qu’une nouvelle demande a été formulée : « Il est temps d’annoncer nos demandes : la libération des prisonnières innocentes détenues par le régime syrien soutenu par le parti d’Iran », selon un communiqué du groupe rebelle diffusé sur sa page Facebook.

La « solitude » de l’indignation
Au fil de vidéos ponctuelles diffusées au cours de l’année écoulée, où les otages rassurent leurs proches sur leur santé, et s’expriment avec une curieuse compassion pour les ravisseurs, l’indignation des parents n’en est que renforcée. Les pensées de ces derniers oscillent depuis un an entre ce qu’il faut croire et ce qu’il ne faut pas croire, et n’écartent pas, dans les moments de « solitude » et de sentiment « d’abandon » qu’ils ne nient pas, la possibilité d’être manipulés à des fins politiques. Comment agir en effet lorsque leurs parents enlevés en Syrie les contactent au Liban pour leur demander de manifester devant les ambassades de Syrie et d’Iran à Beyrouth (novembre 2012) ? Comment maîtriser la discipline de l’attente lorsque les émotions sont nourries d’une manière chronique par des déclarations d’optimisme sans suite (« le dénouement est pour bientôt » est une expression récurrente sur la bouche des responsables libanais) ? « Nous portons un fardeau sur le dos », résume Adham Zgheib.


Aujourd’hui toutefois, les proches des pèlerins pensent avoir repéré le responsable de l’atermoiement sur le dossier, l’entrave directe à la libération des otages : la Turquie. Adham Zgheib précise en effet que « tout ce que les autorités turques nous ont affirmé sur l’impossibilité pour les ravisseurs d’entrer en Turquie sans être arrêtés pour terrorisme s’est révélé être un mensonge. Aazaz n’est pas une zone frontalière, mais c’est carrément un couloir de passage situé en territoire turc, où j’ai pu voir de mes propres yeux les ravisseurs faire des allers-retours Aazaz-Turquie ».

« Notre humanité nous distingue »
Depuis plusieurs semaines, les familles des otages ont repris leurs sit-in chroniques face aux bâtiments relevant de l’État turc au Liban (le siège de l’ambassade, de la Turkish airlines...). Après la séquestration temporaire lundi (point culminant du mouvement d’indignation) par les familles des otages, du directeur du Centre culturel turc, elles avaient promis une escalade à partir d’aujourd’hui. Une promesse qui ne trouvera pas de suite de sitôt : cheikh Abbas Zgheib, chargé par le Conseil supérieur chiite de suivre l’affaire des otages libanais en Syrie, a en effet appelé au calme hier, à l’issue de son entretien avec le mufti jaafari cheikh Ahmad Kabalan. « Nous refusons toute action de rapt parce que nous-mêmes avons assez souffert de ce qui s’est passé avec nos proches en Syrie. Ce qui nous distingue est notre humanité qui doit prévaloir sur toutes les autres considérations », a-t-il ajouté.

L’engagement confirmé de Damas
Ces termes ont été repris d’ailleurs hier par Adham Zgheib, qui révèle que si de nouvelles mesures d’escalade doivent être prises, ce ne sera pas avant une semaine. Des promesses auraient été en effet données par le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, après sa dernière visite à la mi-mai à Damas. « C’est le seul homme en qui nous avons toujours confiance, avec bien sûr le Conseil supérieur chiite », assure Adham Zgheib. La nature de ces promesses ? Le régime de Damas se serait engagé à libérer les opposantes détenues prisonnières. Le fils de Ali Zgheib dément en effet les informations selon lesquelles la Syrie aurait opposé un ferme refus à cette demande. « Cela m’étonne, le régime syrien s’est montré coopératif dès le début. Le seul élément qui prêtait à hésitation était les erreurs et les répétitions dans la liste des opposantes fournies par les rebelles », affirme-t-il. Un possible dénouement dans une semaine confirmé par le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel, qui a affirmé à L’OLJ « que le troc avec les opposantes syriennes doit se faire dans une semaine. »

« Une escalade sans précédent »
Interrogé sur l’autre option qui avait été envisagée, à savoir un troc entre les otages libanais et des prisonniers de guerre de nationalités arabes en Syrie, le ministre a démenti toute formule de cette nature et Adham Zgheib n’en a pas moins caché son indignation. « Nos parents ne sont pas des prisonniers de guerre. Ils ont été victimes d’être dépourvus des moyens de prendre l’avion au lieu d’opter pour un voyage par voie routière et se faire kidnapper ! » a-t-il affirmé, précisant que la situation des opposantes prisonnières est différente « et a une dimension humanitaire ». Insistant enfin sur la résistance des parents des otages contre la politisation de leurs dossiers (le courant du Futur avait dénoncé hier dans un communiqué la tentative du Hezbollah d’exercer des pressions sur la Turquie à travers le dossier des otages), il a laissé entendre que si « cette énième promesse de dénouement ne sera pas honorée, nous recourons à une escalade sans précédent ». Une forme de réaction serait de s’en prendre aux ressortissants turcs et surtout syriens présents au Liban. Interrogé d’ailleurs sur l’état d’esprit des proches des otages, un an après le rapt, Hussein Ibrahim, frère de l’otage libéré Awad Ibrahim, a affirmé à L’OLJ : « Nous sommes tristes d’avoir été retenus de mener une escalade pour l’instant... ».

 

 

Pour mémoire

Un dénouement positif de l’affaire de Aazaz semble faire son chemin

 

Les familles des otages de Aazaz séquestrent brièvement le directeur du Centre culturel turc

 

Yazigi pour « la libération de tous les kidnappés » en Syrie

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La vive indignation qui avait secoué...
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