Rechercher
Rechercher

À La Une - La situation

Gouvernement : un pas en arrière ; loi électorale : un pas en avant ?

Tammam Salam et Nabih Berry. Photo Hassan Ibrahim

Former un gouvernement au Liban aurait certainement mérité d’être le treizième travail d’Hercule et, à n’en pas douter, l’un des plus pénibles.
Pourquoi ? Parce que dans ce processus, il n’est guère question chez nous d’une simple opération de pointage arithmétique, ni même de vagues combines post-électorales, comme il en va parfois dans les banales démocraties de ce monde, y compris dans les pays à société composite.
Cette dernière observation est très utile, car on ressort trop souvent au Liban l’escroquerie intellectuelle et constitutionnelle qui consiste à faire croire qu’il est tout à fait normal que les choses ne se passent guère ici comme ailleurs, du fait, nous assure-t-on, du système politique comme il est et de la réalité confessionnelle.
Il y a pas mal de démocraties composites dans le monde et à l’exception notable de la Belgique, qui a ses raisons particulières, on n’en connaît guère où l’opération de mise en forme du pouvoir doive toujours suivre un cheminement aussi tordu que dans la nôtre.


Les vraies raisons de ces difficultés sont donc ailleurs. Elles résident bien sûr en bonne partie dans l’absence totale de confiance mutuelle entre les divers protagonistes politiques libanais, mais elles sont surtout le fait de la coexistence contrainte et permanente entre le processus institutionnel et le rapport des forces (au sens militaire du terme) sur le terrain.
Il est vain, en effet, de croire qu’étant donné son statut particulier, le Hezbollah puisse s’accommoder d’un déroulement normal du processus institutionnel lorsque celui-ci va dans un sens qui le défavorise. En janvier 2011, pour retourner une situation flottante en sa faveur et faire main basse – dans une assez large mesure – sur le gouvernement, le Hezb avait eu recours aux fameuses « chemises noires ». Aujourd’hui, le contexte lui est plus défavorable, mais il a révisé ses demandes à la baisse, n’exigeant plus que ce dont il disposait (officieusement) sous le gouvernement Saad Hariri, à savoir le tiers de blocage. Pour ce faire, il n’a pas besoin d’investir dans les chemises ; il lui suffit de lâcher quelques-uns de ses aboyeurs – Dieu sait combien il en a – et cela a un effet immédiat.


Le Premier ministre désigné, Tammam Salam, paraissait déterminé à annoncer en ce début de semaine la mouture gouvernementale qui lui convient. L’évolution des choses au cours des dernières trente-six heures en a décidé autrement. L’écho de la hausse de la tonalité du 8 Mars s’est semble-t-il répercuté jusqu’en Arabie saoudite où l’on aurait conseillé au chef du PSP, Walid Joumblatt, allié de M. Salam, de temporiser. Un conseil similaire aurait d’ailleurs été transmis au Premier ministre désigné par le chef du courant du Futur, Saad Hariri, lui-même, lors d’un entretien téléphonique hier.


Au terme d’une visite chez le président de la Chambre, Nabih Berry, M. Salam a clairement fait comprendre qu’il allait donner une chance supplémentaire aux tractations en cours, tout en s’efforçant soigneusement d’éviter toute impression de reculade.
De fait, ni M. Salam ni M. Joumblatt n’ont abandonné jusqu’ici la formule des « trois 8 » (huit ministres au 14 Mars, huit au 8 Mars et huit au Premier ministre, au chef de l’État et au centre) et, en cas d’un refus prolongé du Hezbollah et de ses alliés, le Premier ministre désigné n’a toujours pas exclu de revenir à sa mouture préférée, celle du cabinet des 14 non-adhérents, honnie par le 8 Mars. Quant au 14 Mars, il persiste (à l’exception de quelques rares voix, à l’instar du député Jean Oghassabian) dans son opposition catégorique à tout octroi du tiers de blocage au camp adverse.

La loi électorale
Pour l’instant, le point marqué par le Hezbollah se limite donc à retarder l’échéance d’un gouvernement qui, de toutes les façons, sera moins le sien que le cabinet sortant.
Mais cela a permis hier, de façon simultanée, à M. Berry de hausser les enchères, en prenant l’initiative de contrevenir au règlement intérieur du Parlement et de fixer seul, sans l’aval du bureau de la Chambre, l’ordre du jour de la séance parlementaire de demain mercredi. Et cet ordre du jour se résume en une seule matière : la proposition dite orthodoxe.


Ainsi, la loi électorale revient à la une et ravit la vedette au gouvernement. D’ores et déjà, il paraît certain que le bloc du Futur, celui de Walid Joumblatt, celui du Premier ministre sortant, Nagib Mikati, et le groupe des indépendants du 14 Mars menés par Boutros Harb vont boycotter la séance.
Les Forces libanaises et les Kataëb, vont, eux, y participer en principe, mais sans y croire réellement. Georges Adwan, vice-président des FL, pense que l’on n’arrivera même pas au stade du vote, que le quorum numérique soit assuré ou pas. Et de nombreux observateurs croient que M. Berry a pris cette initiative uniquement pour accroître sa marge de manœuvre soit individuellement, soit sous l’impulsion du Hezbollah.
Toujours est-il que dans l’urgence, les choses finissent par bouger. On n’excluait toujours pas, dans les rangs du 14 Mars, un accord de dernière minute sur un projet consensuel « mixte ». Et on apprenait à cet égard que le principal négociateur du Futur, Ahmad Fatfat, s’était envolé pour l’Arabie saoudite, où se trouve M. Hariri, juste après une rencontre avec le chef des Kataëb, le président Amine Gemayel.


En fin de soirée, le chef des FL, Samir Geagea, annonçait lui-même avoir été contacté par M. Hariri et faisait état de « certains détails à régler encore » afin de parvenir à un accord.
Il reste 24 heures, pas davantage, pour en finir une bonne fois pour toutes avec ce chaudron de la loi électorale.

 

Lire aussi

Le grenouille plus grosse que le bœuf..., la perspective de Michel Touma

 

Lettre ouverte à Samir Geagea, de Michel Hajji Georgiou

 

Vide au Sérail et vacance au Parlement ?, l'éclairage de Philippe Abi Akl

Former un gouvernement au Liban aurait certainement mérité d’être le treizième travail d’Hercule et, à n’en pas douter, l’un des plus pénibles.Pourquoi ? Parce que dans ce processus, il n’est guère question chez nous d’une simple opération de pointage arithmétique, ni même de vagues combines post-électorales, comme il en va parfois dans les banales démocraties de ce monde,...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut