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Liban

Beyrouth : Permis de détruire, encore et encore...

L’immeuble Medawar a commencé à être détruit hier.

C’est un fait, prouvé un peu plus chaque jour : Beyrouth ne veut donner aucun avenir à son passé...


La destruction de l’héritage architectural continue et continuera de faire polémique au Liban. La faute n’est pas aux promoteurs mais au laxisme de l’État et des responsables ; à la passivité, l’incompétence et l’indifférence quasi absolue de l’Assemblée nationale, qui n’a toujours pas daigné légiférer sur la protection du patrimoine. En attendant Godot, on continue donc à abattre les vieilles pierres et couler la ville dans du béton, en prenant pour modèle les métropoles pétrolières. En 40 ans, on a détruit ce qu’on a construit en 150 ans.


À la rue Badaro, l’immeuble Antoine Medawar, racheté « très cher » par le Groupe Kettaneh Construction, a été démoli. L’opération a été faite en toute légalité, avec des permis de destruction accordés par toutes les instances concernées, signale Anis Georges Rubeiz, PDG du groupe, soulignant que cet immeuble n’a jamais été classé ou inscrit sur la liste des bâtiments à préserver.

 

Sauf que dans un premier temps, le ministre Gaby Layoun avait gelé le permis de détruire. Puis un juge a été saisi et la question soumise à une commission de quatre experts, qui ont fini par affirmer que l’édifice n’a pas un grand intérêt architectural, qu’il peut laisser la place à une nouvelle construction, ajoute M. Rubeiz.


Ainsi tous les hauts cris lancés par l’Association pour la protection du patrimoine libanais (APPL) sont tombés dans l’oreille d’un sourd. Or, assure Raja Noujeim, membre de l’APPL, dans une lettre adressée aux médias et cosignée par les architectes urbanistes Habib Debs, Georges Arbid et Leon Telvizian, l’immeuble Medawar « mérite d’être préservé à la fois pour son exceptionnelle valeur architecturale et urbaine, mais aussi et surtout au titre de l’histoire de Beyrouth. Car au-delà de l’évolution des typologies architecturales et des modes de vie, il a été un témoin privilégié de l’histoire culturelle et politique du Liban moderne. De plus, il fut durant cinquante ans la résidence de la famille d’Amin Maalouf, le premier Libanais à être entré à l’Académie française ».

 

Une photo de l'ancienne chambre d'Amin Maalouf. Photo Ziad Maalouf/Creative Common


Construit vers le milieu des années 1930 par un architecte de « grand talent » non identifié à ce jour, le bâtiment est « un très bel et rare exemple de syncrétisme entre les thèmes hérités de la tradition architecturale locale de la période ottomane et la modernité architecturale et quotidienne (couloir de distribution et de service, ascenseur sur paliers intermédiaires, etc.). L’immeuble est assez bien préservé pour redevenir avec éclat la figure de proue de tout un quartier ».

 

Vues de l'intérieur de la maison des Maalouf. Photo Ziad Maalouf/Creative Common


D’autre part, la construction Medawar fait « partie d’un quartier homogène, constitué de bâtiments résidentiels construits sensiblement à la même époque, témoignant de la même recherche de nouvelles solutions architecturales assurant la transition entre tradition locale et modernité. Préserver ce bâtiment, c’est permettre de sauver un élément d’architecture important et l’intégrité patrimoniale de tout un quartier. Cela contribuera aussi à la consolidation d’une mémoire commune, d’un axe culturel reliant le musée national, le musée du minéral qui sera bientôt inauguré à l’USJ, l’Institut français, le théâtre Beryte et Beit Beirut », ajoute Raja Noujeim.

 

 

Vues de l'intérieur de la maison des Maalouf. Photo Ziad Maalouf/Creative Common



Odette, la mère d'Amin Maalouf, et Hind, la soeur de l'écrivain, dans la maison

familiale de Badaro. Photo Ziad Maalouf/Creative Common

 

C’est donc un complexe immobilier qui va bientôt remplacer l’édifice Medawar. Le hic, c’est que demain, l’histoire risque de se reproduire, avec la destruction d’autres demeures et bâtisses anciennes dont la préservation devient chimérique. Le constat est en effet terrifiant. Partout, on continue à dilapider le patrimoine et réduire en poussière la personnalité d’une ville forgée dans un héritage illustrant près de deux siècles la mémoire sociale et architecturale de Beyrouth. Une ville décidément maudite.


En réalité, cette hémorragie ne dénote pas : elle est en harmonie avec le discours politique ambiant qui frôle le degré zéro, avec les dérapages sécuritaires et avec l’intense malaise social...

 

 

Pour mémoire

Les grandes dates de l’histoire architecturale du Liban, par Gebran Yacoub

  

Beyrouth, Destroy... comme une renaissance

 

« Beyrouth Objets trouvés »... dans un album-coffret

 

C’est un fait, prouvé un peu plus chaque jour : Beyrouth ne veut donner aucun avenir à son passé...
La destruction de l’héritage architectural continue et continuera de faire polémique au Liban. La faute n’est pas aux promoteurs mais au laxisme de l’État et des responsables ; à la passivité, l’incompétence et l’indifférence quasi absolue de l’Assemblée nationale, qui...
commentaires (12)

Beaucoup de bruit pour rien. L'immeuble n'a vraiment aucune valeur architecturale mais seulement une valeur sentimentale pour ceux qui l'ont habité. N'était-ce la notoriété des ex-locataires personne n'aurait trouvé à redire. Chacun de nous, à un moment donné a vu disparaître sa maison natale avec un petit pincement au coeur et puis on passe à autre chose, par exemple à l'entente nationale, à l'édification d'un Etat de droit et vertueux, à la construction de bassins de rétention de l'eau de pluie, aux motards pétaradant à longueur de jour et surtout de nuit, se souciant du code de la route comme d'une guigne, à l'éradication de la corruption aux proportions cosmiques, à la protection du consommateur toujours grugé par une corporation de commerçants sans scrupules, aux hôpitaux et médecins qui pratiquent des tarifs astronomiques, aux problèmes de la circulation tous les jours plus étouffante et de l'insécurité routière tous les jours plus meurtrière. Et ce n'est pas fini.

Paul-René Safa

02 h 42, le 06 janvier 2013

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Commentaires (12)

  • Beaucoup de bruit pour rien. L'immeuble n'a vraiment aucune valeur architecturale mais seulement une valeur sentimentale pour ceux qui l'ont habité. N'était-ce la notoriété des ex-locataires personne n'aurait trouvé à redire. Chacun de nous, à un moment donné a vu disparaître sa maison natale avec un petit pincement au coeur et puis on passe à autre chose, par exemple à l'entente nationale, à l'édification d'un Etat de droit et vertueux, à la construction de bassins de rétention de l'eau de pluie, aux motards pétaradant à longueur de jour et surtout de nuit, se souciant du code de la route comme d'une guigne, à l'éradication de la corruption aux proportions cosmiques, à la protection du consommateur toujours grugé par une corporation de commerçants sans scrupules, aux hôpitaux et médecins qui pratiquent des tarifs astronomiques, aux problèmes de la circulation tous les jours plus étouffante et de l'insécurité routière tous les jours plus meurtrière. Et ce n'est pas fini.

    Paul-René Safa

    02 h 42, le 06 janvier 2013

  • Qui mourra, mourra... Et qui vivra, vivra... OU 7AMIYA 7RAMIYA !

    SAKR LEBNAN

    13 h 35, le 05 janvier 2013

  • Dans les années 70, un grand écrivain suisse – Maurice Chappaz – avait écrit LES MAQUEREAUX DES CIMES BLANCHES à propos des promoteurs suisses ayant «métamorphosé» des villages de la montagne en méga-stations... Qu'aurait-il écrit de ce Liban qui ne cesse d'enlaidir et de se bétonner depuis des années ? L'ARGENT N'A PAS D'ODEUR... Quand le Liban aura perdu son âme, il sera trop tard. Il nous restera des livres (et ceux d'Amin Maalouf, qui est un tout grand écrivain) pour y retrouver le Liban..., terre que des esprits cyniques continuent aujourd'hui encore à galvauder. Les générations futures leur demanderont des comptes!

    G.F.

    15 h 56, le 04 janvier 2013

  • ... en tout cas, ce n'est pas un bel immeuble et les Maalouf étaient des locataires uniquement. Une stele commémorative suffira. Si ce n'est pas suffisant, l'Immortel le fera savoir (tiens?! s'est il déjá prononcé sur le sujet ou pas??).

    Daniel Lange

    11 h 31, le 04 janvier 2013

  • Ce n'est pas avec des commentaires qu'on sauvera le patrimoine immobilier. Personne n'a rien fait pendant plus d'une année et ce n'est que lorsque le mal est fait qu'on commence á voir fleurir les articles de la bonne conscience.

    Daniel Lange

    11 h 28, le 04 janvier 2013

  • Quel gâchis, quelle Honte! Un pays sans Passé n'a pas d'Avenir. Qui sont ceux qui n'ont pas la respect de ce qui fut et qui permettrait au Liban d'avancer ?

    G.F.

    05 h 45, le 04 janvier 2013

  • Scandaleux ! Scandaleux ! Beyrouth perd son âme de jour en jour , bientôt cette pute... va ressembler a une quelconque cité aseptisée du Golfe ,les sous-culturés riches seront contant ! ils pourront jouer aux monopoly gratuitement sur le compte de notre histoire , pour eux ,ce qui est gratuit ...est payant et devient une affaire ...! ,mais en finalité ... pour le patrimoine du pays c'est terriblement coûteux...

    M.V.

    03 h 35, le 04 janvier 2013

  • Ils sont entrain de détruire le pays... et on pleure pour un immeuble ?

    SAKR LEBNAN

    02 h 05, le 04 janvier 2013

  • Plus terrifiant ce changement total de l'identité de Beyrouth , des nouvelles structures sans âmes . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    01 h 44, le 04 janvier 2013

  • Il aurait fallu aborder ce sujet avant la destruction de cet édifice...ce dossier etait en suspens depuis bientot un an!

    Kaldany Antoine

    22 h 46, le 03 janvier 2013

  • per un pugno di dollari...si le Liban risqueun jour de disparître,ce sera à cause de l'amour immodéré qu'une certaine classe libanaise porte à l'argent...

    GEDEON Christian

    19 h 48, le 03 janvier 2013

  • Un grand merci à Mme. MAKAREM pour son travail de Mémoire.

    Antoine-Serge Karamaoun

    18 h 58, le 03 janvier 2013

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