Le dossier des migrants et réfugiés syriens continue de faire des remous. Au cours du week-end, un tollé a été suscité par l’envoi d’une missive d’Ivo Freijsen, chef du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Liban, au ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui. Dans son courrier, le diplomate onusien manifeste son opposition à une série de « mesures inhumaines » décidées par les autorités pour sévir contre les Syriens vivant clandestinement au Liban. Le HCR s'est également opposé au rôle joué par les municipalités dans la mise en œuvre des décisions du ministère de l'Intérieur visant à vérifier les papiers des Syriens vivant dans des habitations situées dans les territoires dépendant de chaque municipalité et à fermer les commerces et entreprises tenus par des réfugiés syriens en situation irrégulière.
Dans un contexte de plus en plus passionnel sur ce dossier et marqué parfois de xénophobie, cette lettre défendant les Syriens présents au Liban ne pouvait que provoquer des réactions musclées. À commencer par celle du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui a tiré dimanche à boulets rouges contre M. Freijsen.
Le leader chrétien a ainsi demandé à Bassam Maoulaoui de prendre toutes les mesures légales nécessaires contre le chef du bureau du HCR au Liban. M. Geagea a accusé le responsable onusien de violer la souveraineté libanaise et de s'ingérer dans la mise en œuvre des lois du pays, en tentant d'entraver les mesures prises par les autorités. « Il est profondément regrettable de constater à quel point la légitimité libanaise a été compromise, au point que le chef du bureau du HCR au Liban se soit permis d'envoyer une lettre au ministre de l'Intérieur (…) pour demander l'arrêt de ce qu'il qualifie de pratiques inhumaines et de revenir sur les mesures prises à l'encontre des réfugiés syriens en situation irrégulière », s’est emporté Samir Geagea. « C'est comme s'il était lui-même devenu l'hôte et que nous étions ses invités », a-t-il ironisé.
Le memorandum de 2003
« Nous n'accepterons pas les actions du chef du HCR. Cette terre est la nôtre, ce pays est le nôtre, et la souveraineté appartient au peuple et à l'État libanais », a-t-il poursuivi, ajoutant qu’Ivo Freijsen ne pouvait pas « justifier ses actions par des considérations humanitaires » car « aucun peuple au monde autant que les Libanais n'a fait preuve de plus d'empathie envers les réfugiés ». Il a estimé que le responsable onusien ne peut pas non plus invoquer le droit international pour justifier son initiative « car le protocole d'accord signé entre le Liban et l'ONU en 2003 est clair et sans ambiguïté ». Cette année-là, le HCR et le gouvernement libanais avaient signé un protocole d'accord stipulant que les réfugiés et les demandeurs d'asile seront tolérés mais seulement pour une période limitée, dans l'attente d'une réinstallation ou d'un rapatriement volontaire.
« Si le chef du HCR est vraiment préoccupé par les conditions des réfugiés illégaux au Liban, il devrait organiser leur transfert vers son propre pays et y déployer ses efforts humanitaires pendant les treize prochaines années, tout comme les Libanais l'ont fait au cours des treize années précédentes » a encore lancé le chef des FL.
« J'exige sans équivoque que le ministre de l'Intérieur prenne toutes les mesures juridiques possibles contre le chef du bureau du HCR au Liban », a insisté Samir Geagea. « Il a outrepassé ses limites légales dans tous les domaines, que ce soit en distribuant des cartes de réfugiés aux Syriens au Liban, en violation du mémorandum de 2003, en traitant les migrants illégaux comme des réfugiés et en leur distribuant de l'aide, ou en ignorant la limite d'un an stipulée dans le mémorandum, qui nécessite leur départ plutôt que leur maintien sur le territoire », a-t-il enchaîné. Il demande en outre à Bassam Maoulaoui de « prendre toutes les mesures légales nécessaires contre le chef du HCR, pour avoir violé la souveraineté libanaise et s'être ingéré dans l'application des lois sur le sol national, en tentant d'entraver les mesures mises en œuvre par les organismes officiels ».
Faire pression sur Bachar el-Assad
Pour sa part, le député des Forces libanaises George Okaïs a souligné « l'importance de faire preuve de fermeté concernant la présence syrienne au Liban et de l'aborder sous l'angle de la souveraineté nationale, où nous ne craignons personne et ne succombons pas aux menaces de quelque partie que ce soit ». Dans une intervention sur la station radio Voix du Liban, M. Okaïs a affirmé : « La décision d'expulsion ne peut être contestée par l'Occident, qui ne s'ingère pas dans les affaires intérieures libanaises ». S'adressant ensuite aux Européens, il a poursuivi : « Aidez-nous à faire pression sur le président syrien Bachar el-Assad pour qu'il organise le retour de son peuple dans les zones sûres de Syrie. »
La question des réfugiés syriens a repris de l'importance dans la politique intérieure libanaise après que l'Union européenne a annoncé début mai un programme d'aide d'un milliard d'euros pour le Liban, afin de lutter contre l'immigration illégale en direction de l'Europe. Certains ont qualifié cette aide de « pot-de-vin » dans l'objectif de maintenir les réfugiés syriens au Liban.
L'annonce de l'UE a été faite dans un contexte marqué par un regain d’hostilité d'une partie de la population vis-à-vis des migrants et réfugiés syriens au Liban, après notamment l’assassinat courant avril d’un cadre politique des FL, Pascal Sleiman, par un gang composé de ressortissants syriens. Depuis, les autorités libanaises ont lancé une série de mesures encadrant la présence des Syriens dans le pays ou ouvrant la possibilité d’expulser les migrants illégaux.
Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a pour sa part décidé de ne pas se rendre à la conférence consacrée au dossier des réfugiés le 27 mai à Bruxelles. Tandis que le Parlement libanais a abordé le sujet lors d’un débat général organisé dans la semaine sans déboucher sur quoi que ce soit de substantiel.
Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, le Liban a accueilli environ 1,5 million de Syriens, soit le nombre le plus élevé de réfugiés par habitant au monde. Quelque 839.000 d'entre eux sont enregistrés auprès du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), mais le nombre exact de Syriens au Liban n'est pas connu, le gouvernement libanais ayant demandé au HCR de ne plus en enregistrer en 2015.
Dans le monde du « n’importe qui devient expert en droit international », le « n’importe quoi devient roi », et force est de constater que votre journal s’invite à ce bal nauséabond de chasse aux sorcières ! Vivent les bananes !!!
15 h 31, le 20 mai 2024