Une anecdote court depuis quelques jours sur la Toile: « Israël a décidé de ne pas effectuer des frappes aériennes sur le Liban. Les Libanais ne ressentiront pas le choc de ces expéditions punitives parce qu’il n’y a plus rien à détruire, les politiciens libanais ne lui ayant rien laissé à se mettre sous la dent. »
Loin de moi l’idée d’accuser les politiciens libanais de faire la sale besogne à laquelle nous a habitués l’État juif au début de chaque saison estivale, mais c’est tout comme, frappés qu’ils sont d’une imprévoyance calamiteuse, qui m’effraye au plus haut point. On dirait qu’ils sont montés sur un toboggan et glissent joyeusement vers un abysse sans fin.
S’il ne s’agissait que de leur petite personne, nul ne trouverait à redire ; bon vent et qu’ils ne reviennent plus. Mais c’est le sort du pays qu’ils tiennent entre leurs mains, et là je n’évoque ni surface, ni frontières, ni kilomètres carrés, mais âmes, personnes, hommes, femmes, enfants, qui scrutent l’avenir pleins d’inquiétude et d’appréhension.
L’avenir, ce n’est pas demain, ni dans une heure, il commence à l’instant et ne finit jamais. Je ne suis pas loin de penser que ce qui advient depuis quelques mois contribue purement et simplement à détruire non seulement cet avenir, mais plus encore les fondements de l’État libanais.
Il est vrai que ce travail de sape ne s’est jamais arrêté. Tous les artifices ont été utilisés, des fois en douce, d’autres fois à petites doses. Mais on dirait que ces derniers temps, toute la gomme a été mise : les vols, les viols, les rapts, les enlèvements, les rançons, les assassinats, les routes coupées par des malabars armés jusqu’aux yeux... Si ce n’est pas un début d’insurrection ou de démembrement du pays, ça y ressemble.
Cerise sur le gâteau, les responsables de l’État, ou ce qu’il en reste, parlementent avec les ravisseurs, les casseurs, les rançonneurs, les prennent par les bons sentiments – comme si des voyous pouvaient en avoir –, alors que tout simplement, dans un pays qui se respecte, les fauteurs de troubles se seraient retrouvés séance tenante derrière les barreaux.
Les prisons sont surpeuplées, diriez-vous. En effet, au lieu de les réaménager, d’en construire de nouvelles, on a érigé avec l’argent du contribuable des palais ; toutefois, il serait possible de les désengorger si la justice n’allait pas de son train de sénateur, si les juges n’étaient pas perméables aux ingérences politiques, si seules leurs qualités intrinsèques étaient fonction de leur avancement.
Au Liban, la loi n’est plus souveraine, c’est celle des malfrats qui désormais prévaut. Quand un ministre en exercice reconnaît publiquement qu’il sera très difficile d’appliquer la loi antitabac par manque d’effectifs, une soixantaine de personnes pour tout le territoire, comparé au service d’ordre dédié à la protection de nos 128 députés et 30 ministres, fort de cinq mille hommes, vous conviendrez avec moi que quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays.
Vous conviendrez avec moi aussi que l’argent du contribuable est utilisé à mauvais escient, que ceux qui sont censés être, comme ils nous le serinent à longueur de journée, au-dessous des lois s’assoient dessus en toute quiétude, faisant uniquement leur intérêt propre, profitant on ne peut mieux de cet état de dèche où ils nous enfoncent. De là à penser que tous les protagonistes du mois de mars sont de mèche est un pas que je franchis sans hésitation aucune.
Gratte mon dos, je gratte le tien, en attendant un nouveau ôte-toi de là que je m’y mette. « Comme moi, tout au long des années où le pouvoir était mien, tu n’as rien entrepris de valable, je t’ai laissé un peu d’électricité, il n’y en a plus, tu m’as arraché un pays à l’état de squelette, tu l’as rongé jusqu’à la moelle, que trouverais-je si je retournais aux affaires en 2013 ? » C’est un peu le discours hallucinant que tiennent les tenants du 8 Mars et ceux du 14 Mars.
Les affaires ! C’est la clé de voûte du château de cartes que se sont construit les Libanais, peuple mercantile s’il en est, prêts à s’allier avec n’importe quel étranger, lui ouvrir bras et maisons, juste pour garder des acquis mal acquis, tenir la dragée haute face à un frère, un concitoyen, qui du reste ne demeure pas en reste, s’en allant lui aussi quérir soutien contre soutien.
Pour la rade, il faudra repasser : à son large existe un inestimable trésor enfoui dans nos eaux territoriales, qui, éventuellement, redonnerait des couleurs à des finances publiques en déficit chronique. Déjà, Israël qui le lorgne a entamé la prospection des gisements de pétrole et de gaz naturel, Chypre n’en est pas trop loin. Et nous Libanais ?
Nous discutons encore du sexe des anges pour savoir dans l’escarcelle de qui tombera cette manne, qui en fait doit revenir dans son intégralité à l’État libanais et à lui seul. À ce compte-là, les palabres, les duels à fleurets mouchetés, plus tard peut-être à la mitraillette et au mortier, ne sont pas près de prendre fin. Entre-temps, Israël aura pompé ce trésor, mis la main sur tous ses filons, nous déniant par la force tout droit de prospection.
Le Liban me semble-t-il est devenu un pays laissé au bon vouloir d’une petite poignée de personnes usant et abusant de la religion comme subterfuge pour le maintenir en coupe réglée. Ils ont asservi l’État à leurs propres fins, laissant à quelques comparses le soin de gesticuler de temps à autre, quitte à enflammer et détruire tout un pan du pays, juste pour donner le change.
Ces gens-là ne veulent ni d’une armée forte, ni de juges probes, ni de lois que chaque jour ils enfreignent. Un Liban prospère doté d’une justice sociale mettrait en péril, sinon sonnerait le glas de leur statut d’ultime recours pour une population qu’ils ont contribué à appauvrir, et ferait de leur cour peuplée de quémandeurs dociles le dos courbé un désert aride.
Je dédie ces lignes au président Bachir Gemayel. Il avait combattu pour libérer le Liban de ses oppresseurs, redoré le blason de l’amour-propre des Libanais, leur appartenance politique ou religieuse étant le cadet de ses soucis. Son rêve et le nôtre étaient de voir s’établir sur nos 10 452 kilomètres carrés un État de droit, mettre un terme à la gabegie, aux passe-droits, au clientélisme, au suivisme aveugle qui ravage notre pays et mine notre indépendance.
Bachir s’en est allé, emportant son rêve. Il ne nous est resté que le souvenir fugace de quelques jours de liesse, quand le Liban auquel nous aspirions reprenait ses contours.
Loin de moi l’idée d’accuser les politiciens libanais de...
Je ne savais pas que Chartouni était syro-israëlien..ou israëlo-syrien,comme on voudra...c'est toujours la faute des autres,jamais la nôtre,hein?
09 h 36, le 04 septembre 2012