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Douteux combats, faux slogans

Qui fait le jeu de qui, dans cette guerre non plus désormais totale mais régulièrement débitée en tranches sanguinolentes à l’ombre d’un équivoque cessez-le-feu ?

Par deux fois en moins d’une semaine Israël aura repris ses raids meurtriers sur la banlieue sud de Beyrouth. La première de ces frappes répondait clairement à des tirs de roquettes non revendiqués qui visaient le territoire israélien. La deuxième, qui faisait suite à de nouvelles salves de roquettes, avait pour objet l’élimination d’un chef du Hezbollah en charge du dossier palestinien et qui, selon Tel-Aviv, assistait le Hamas dans la préparation d’un attentat contre des civils israéliens.

On ne prendra certes pas pour argent comptant les allégations israéliennes. Mais du moment que le Hezbollah a nié toute responsabilité dans ces tirs – et que, surtout, le président Joseph Aoun en personne a publiquement crédité ces dénégations –, il faut bien prendre en considération cette inquiétante éventualité : la volonté de réinsertion dans l’imbroglio du Liban-Sud, à seule fin de déstabilisation, d’un facteur palestinien qui en était pratiquement absent depuis des décennies. N’aurait-on donc rien retenu des dures leçons de l’histoire ? Et de se dire libanais en dépit de sa totale et notoire obédience à l’Iran peut-il vraiment suffire au Hezbollah pour rameuter dans son royaume perdu ses alliés du Hamas ?

C’est en soutien à Gaza écrasée sous les bombes que Hassan Nasrallah avait imprudemment ouvert un front contre un ennemi israélien surpuissant. Et c’est en somme la même unité des fronts prônée et parrainée par l’Iran que la milice se reprend à invoquer pour tenter, sans avoir l’air d’y toucher, de faire reculer les aiguilles de l’horloge : pour vider de toute substance un cessez-le-feu assorti de conditions draconiennes, et qu’elle n’avait accepté que le couteau sous la gorge. Provoquée ou non, chacune des agressions israéliennes est l’occasion pour Naïm Kassem et ses lieutenants de houspiller un État libanais sommé de réparer au presse-bouton l’énorme gâchis causé par leurs aînés ; de reprocher impudemment son laxisme à l’armée régulière en même temps qu’ils se répandent en tartarinades guerrières.

Or toutes ces simagrées rejoignent à souhait les reproches de lenteur excessive émanant cette fois d’Israël et des États-Unis. À ces pressions, que s’apprêterait à venir formuler une fois de plus, sur place, l’émissaire en second de la Maison-Blanche Morgan Ortagus, s’ajoute vraisemblablement l’exigence d’un calendrier pour le désarmement du Hezbollah. Mais à y bien songer, et outre le risque très réel hélas de graves secousses internes, la seule officialisation d’une telle feuille de route n’offrirait-elle pas au Hezbollah tout le loisir de mettre en place les embûches à chaque étape, pause ou tournant consigné dans l’itinéraire envisagé ?

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Non moins périlleuse est l’insistance de l’administration Trump à imposer au Liban des pourparlers non plus seulement technico-militaires, mais diplomatiques et politiques, avec Israël. Non point bien sûr que notre pays, épuisé par les guerres à répétition, ait le moindre intérêt à dédaigner un règlement durable à sa frontière sud. Mais à ce stade du moins, il est loin d’être prêt à une quelconque normalisation avec Israël, telle que souhaitée par Washington.

En appelant mardi les amis du Liban à soutenir notre droit à une pleine souveraineté, le président Joseph Aoun a certes paru œuvrer à une vaste mobilisation internationale contre les agressions ennemies ; mais sans doute a-t-il voulu aussi rappeler que cette entière souveraineté ne se limite pas au sol national, qu’elle s’étend également à la négociation avec autrui. En tête de ces amis se seront distinguées, ces derniers jours, la France et l’Arabie saoudite : la première en prenant le contre-pied de Donald Trump pour qualifier d’inacceptables les violences israéliennes ; et la seconde en entourant d’exceptionnels égards le Premier ministre Nawaf Salam.

En définitive, et à l’inverse d’un Netanyahu qui ne survit politiquement que par la guerre permanente, le Liban n’est pas en danger de paix. Ce qui le menace plutôt, ce sont les brouillonnes manœuvres de paix. Surtout quand elles sont menées au pas de charge.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Qui fait le jeu de qui, dans cette guerre non plus désormais totale mais régulièrement débitée en tranches sanguinolentes à l’ombre d’un équivoque cessez-le-feu ?Par deux fois en moins d’une semaine Israël aura repris ses raids meurtriers sur la banlieue sud de Beyrouth. La première de ces frappes répondait clairement à des tirs de roquettes non revendiqués qui visaient le territoire israélien. La deuxième, qui faisait suite à de nouvelles salves de roquettes, avait pour objet l’élimination d’un chef du Hezbollah en charge du dossier palestinien et qui, selon Tel-Aviv, assistait le Hamas dans la préparation d’un attentat contre des civils israéliens. On ne prendra certes pas pour argent comptant les allégations israéliennes. Mais du moment que le Hezbollah a nié toute responsabilité dans ces tirs – et...