Tiens, encore un pays, tout proche cette fois, où la joie de vivre palpite au rythme du système pileux !
La Syrie avec ses néobarbus, jadis à peine moins fréquentables que les nôtres, refait parler d’elle aujourd’hui par la grâce d’Abou Mohammad al-Jolani, une espèce de jihadiste musu pas tout à fait repenti, mais qui multiplie les ronds-de-jambes devant les journalistes tout en jurant la main sur la caméra de CNN qu’il a mûri…
Bon, les Libanais aimeraient bien lui donner le bénéfice du doute, mais ils sont quand même forcés d’admettre qu’ils n’ont connu chez les frérots syriens que des galonnés scrogneugneux qui se sont tous goinfrés des pouvoirs exécutif et législatif, avant d’engloutir le judiciaire dans la foulée. Tous les pays du voisinage, allant des monarchies arriérées aux raclures totalitaires, vous le diront : chez les chefs arabes, la dictature c’est culturel…
La richesse tapageuse aussi. Il suffit de voir les écuries de bolides, la robinetterie rutilante et le PQ en tapisserie d’Aubusson à chaque fois qu’un Pinochet du cru est déclaveté. Mais fallait bien à leur décharge montrer aux gueux que les fins de mois difficiles, ce n’était pas leur genre de beauté. Ces minables que l’on gave des mêmes images depuis les années cinquante du siècle dernier, et qui à chaque fois ne trouvent pas mieux que de se jeter aussitôt aux pieds d’un nouveau demi-dieu à qui ils livreront leur âme et leur sang pour solde de tout compte… pendant qu’icelui fait des relations publiques internationales, vautré sous les lambris de son torchis de luxe. Et rebelote pour un nouveau tour de manivelle de l’orgue de barbarie !
Les irréductibles du biberon socialiste à la sauce arabe, eux, verseront entre-temps une petite larmichette en hommage au boucher Assad Jr, dont le croupion doit frétiller de froid sous le frimas de Moscou. Une fin de règne cependant plus glamour que celle de Saddam Hussein et ses gamins, ses lointains cousins baassistes d’Irak.
Mais avant même de voir l’affreux Jojolani dans ses œuvres, les neuneus d’Occident ont fini par comprendre que ce n’est pas demain l’avant-veille qu’ils verront la Syrie bercée de démocratie, où des petits lutins locaux s’ébattront sur les notes musicales des droits de l’homme, échappées des harpes poétiques décorant leur Parlement fleuri.
Quant à nos mafieux à nous, ils ne se retiennent plus d’espérer participer aux futures agapes de la vie de château à Damas, où ils se précipiteront bientôt en cohortes empressées, les bras chargés de tubes de pommade et de boîtes de cirage. Et là, il y a fort à parier que la horde des pique-assiettes, qui ont déjà oublié le quinquin précédent, viendront s’agglutiner autour de son successeur.
Bref, en Syrie comme au Liban, les mouches peuvent changer d’âne à tout instant.
gabynasr@lorientlejour.com
Très bon papier, avec un excellent final.
12 h 21, le 18 décembre 2024