Grand concert vendredi 17 mai en l’église évangélique arménienne à Kantari, par Karim Saïd (piano) et l’orchestre du Conservatoire national de musique dirigé par Loubnan Baalbaki.
Impérial Karim Saïd dans le 21e concerto pour piano de Mozart. Le 1er mouvement du Concerto en do majeur en particulier en dit long sur l’exactitude de cette épithète malgré une petite hésitation à la fin de la cadence du premier mouvement.
Le thème principal plein de vaillance et de certitude de cet Allegro maestoso, la puissance contrapontique qu’il engendre, la richesse harmonique de son développement, requièrent de l’interprète précisément de la grandeur… et de la simplicité. Karim Saïd se meut en cette haute atmosphère avec une sérénité aristocratique. Perfection savante et naturelle se conjuguent ici sans effort, sans heurt.
Et quel pétillement que ce finale bouffe, tout de virtuosité et d’esprit. Quelle ingénuité ou plutôt quelle intuition géniale de cette naïveté des sens si purement mozartienne dans l’Andante. Point de confiserie : le texte a lui seul est assez éloquent.
Quant aux deux cadences signées Karim Saïd (nous le pensons), elles s’insinuent dans le discours mozartien en le prolongeant, en en réunissant avec une efficacité saisissante les lignes directrices. C’est dire leur beauté et leur portée, soulignées avec quel art profond et quel brio au clavier…
Une leçon pianistique. Quant à l’orchestre, il obéissait au doigt et à l’œil à son chef.
Voici la plus limpide des neuf symphonies du musicien tchèque. Elle possède plus que toutes les autres ce ton noble et familier, cette poésie robuste et vivifiante malgré des contrastes accentués. Très dynamique, Baalbaki s’attaque volontiers à la silhouette extérieure de l’œuvre. Qualité respectable qui ne va pas sans une certaine raideur d’articulation des épisodes lyriques. Nous pensons à l’épisode central de l’Adagio. Peu de spontanéité dans l’Allegro grazioso, ce qui est dommage. En revanche, le 1er mouvement ne manque ni de grandeur ni de puissance et le finale fait montre d’un bel enthousiasme. Les instrumentistes venus d’horizons fort différents, l’orchestre s'avère excellent en dépit de quelques approximations ici et là. J’ai noté un remarquable pupitre de vents et aussi de cors. Une huitième de Dvorak de très belle classe, soignée, vivante, colorée. Il n’y manque que cette étincelle de génie. En tous cas, une grande réussite pour la plus tchèque sans doute des neuf symphonies du compositeur.
Bio express
Karim Saïd est un pianiste, chef d'orchestre et compositeur jordano-palestinien multiprimé. Ses premiers grands concerts ont eu lieu en 2009 au Barbican Centre de Londres avec l'English Chamber Orchestra sous la direction de Sir Colin Davis, et au Royal Albert Hall (BBC Proms) avec Daniel Barenboim. Ce dernier ayant entendu Karim jouer pour la première fois à l'âge de dix ans aurait déclaré : « Ce que vous ne pouvez pas apprendre, il le sait déjà. » Karim Saïd s'est notamment produit au festival d'Aldeburgh au Royaume-Uni, à la Philharmonie de Berlin, à la Philharmonie de Paris, au Teatro Colon de Buenos Aires, dans la grande salle du conservatoire Tchaïkovski de Moscou et à la salle de concert Musashino de Tokyo.
Il a récemment créé l'Orchestre de chambre de Amman en tant que chef d'orchestre principal et accepté le poste de directeur musical du nouvel Institut des arts du spectacle de la capitale jordanienne.
Karim Saïd est associé à la Royal Academy of Music (Londres) depuis 2017.