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Idées - Commentaire

La justice libanaise ne peut rester à la porte du numérique

La justice libanaise ne peut rester à la porte du numérique

Le Palais de justice de Beyrouth. Photo ANI

« La justice tardive n’est pas de la justice, mais de l’injustice instituée. » Malheureusement, cette affirmation du poète britannique Walter Savage Landor ne fait que gagner du terrain au Liban : la procédure judiciaire est confrontée à des embûches structurelles, qui entravent son efficacité et érodent la confiance de l’opinion publique. Les retards dans le traitement des affaires prolongent indûment la souffrance des justiciables. Or ces lenteurs et inefficacités processuelles ont été bien amplifiées dernièrement par les grèves successives et prolongées tant des juges, que des avocats et des auxiliaires de justice. N’est-il pas temps de mener une réflexion de refonte du corps de règles processuelles judiciaires au Liban en considération des évolutions technologiques et du numérique ?

Repenser le procès

Plus qu’un outil, le numérique invite à repenser le déroulement du procès : la saisine du juge, les échanges procéduraux, le rôle des parties… Les parties prenantes – ministère de la justice, magistrats, avocats et auxiliaires de justice – sont appelées à s’impliquer dans un projet de transformation numérique qui aura pour retombée un changement profond dans leurs méthodes de travail. Ce projet doit avoir pour objectifs, de faciliter les échanges entre les parties prenantes, de simplifier le mécanisme procédural, de développer les techniques adoptées etc. ce qui nous aidera à avoir une justice plus accessible, plus rapide, plus efficace et plus transparente.

Cette rupture réside essentiellement dans la dématérialisation, dans un premier temps partielle, des procédures civiles, pénales et administratives. Cette dématérialisation suppose le déploiement de technologies et de systèmes informatiques. Cela implique la conversion des documents et des processus physiques (la communication entre les parties, la soumission de documents et même la tenue d'audiences à distance etc.) en formats électroniques, et permettra ainsi une meilleure gestion de la durée des procédures, une accessibilité plus facile aux informations judiciaires et une transparence au niveau de la procédure plus fortifiée. De ce fait, l’alimentation des dossiers s’effectuera en déposant directement les pièces et documents en version dématérialisée sur la plate-forme numérique. Il s’agit donc d’un « bureau » numérique sécurisé accessible à toutes les parties d’un procès, et dont la gouvernance serait partagée entre l’État représenté par le ministère de Justice et l’ensemble des professionnels du droit.

Par la réforme souhaitée, les justiciables auront l’option de saisir la justice en ligne, de suivre leurs affaires en ligne, les détenus bénéficieront de services en ligne, leurs proches pourront effectuer des demandes de visite au parloir en ligne, les mineurs pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse pourront être suivis plus efficacement.

Appliquer les lois

Cette réforme nécessite, outre que des investissements dans l'infrastructure technologique et la formation des professionnels à l'utilisation des nouveaux outils, la mise en application des lois en vigueur qui reconnaissent la validité des documents numériques et des signatures électroniques (loi no81/2018 du 10/10/2018), ainsi que la promulgation de nouvelles lois qui comblent les autres aspects de la réforme (à titre d’exemple, une loi amendant les dispositions du Code de procédure civile se rapportant à la preuve et au déroulement de l’instance). Aussi, parait-il nécessaire d’instaurer une plate-forme de diffusion gratuite au public d’un plus grand nombre de décisions judiciaires (open data), après un pilotage effectué par les juridictions suprêmes (Cour de cassation et Conseil d’État), tout en assurant la protection des données à caractère personnel et le respect de la vie privée.

À titre comparatif, la communication par voie électronique est régie par le Code de procédure civile français depuis 2005. Les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées dans les articles 748-1 à 748-9 dudit code. Encore plus, la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 a prévu que les petits litiges de moins de 5 000 euros pourraient être jugés selon une procédure entièrement dématérialisée.

Cette dématérialisation de la procédure a été aussi réalisée au sein des pays arabes. Ainsi, une plate-forme a été instaurée à Abou-Dhabi (ADGM Courts) permettant aux justiciables d’avoir accès à toutes les lois en vigueur, de présenter les assignations et de payer les frais qui y découlent en ligne, d’assister aux audiences en ligne etc. Cette dématérialisation s’étend aussi tant au registre du commerce et des sociétés qu’aux notaires où les documents peuvent être authentifiés en ligne. Des initiatives similaires ont éclos en Arabie saoudite et au Qatar.

Il est temps au Liban de se rattraper sur le plan de la justice et du numérique en œuvrant pour une réforme du système pour garantir le droit à l’accès à la justice dans toutes ses implications et à tout moment. Dans ces moments de ténèbres que traverse notre pays, cette réforme peut tisser les fondations d’une société plus juste en besognant pour une justice plus efficace et plus équitable.


Par Judith EL-TINI

Avocate en droit public

Nadim S. ABBOUD

Avocat.

« La justice tardive n’est pas de la justice, mais de l’injustice instituée. » Malheureusement, cette affirmation du poète britannique Walter Savage Landor ne fait que gagner du terrain au Liban : la procédure judiciaire est confrontée à des embûches structurelles, qui entravent son efficacité et érodent la confiance de l’opinion publique. Les retards dans le traitement des...

commentaires (4)

Le rôle de la justice est de protéger les citoyens contre tout abus et de veiller à punir les voleurs et les assassins. Or la notre de justice est là pour veiller à ce que les citoyens ne puissent jamais réclamer leur droits ou même dénoncer les usurpateurs de notre pays, sous peine d’être interpeler par un tribunal militaire pour leur clouer le bec et en faire un exemple pour dissuader quiconque de s’aventurer dans une démarche on ne peut plus honorable. Nous n’avons pas de justice, que des vendus au service des criminels, que cela  leur plaise ou pas, les faits sont là pour le prouver.

Sissi zayyat

10 h 57, le 07 avril 2024

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Commentaires (4)

  • Le rôle de la justice est de protéger les citoyens contre tout abus et de veiller à punir les voleurs et les assassins. Or la notre de justice est là pour veiller à ce que les citoyens ne puissent jamais réclamer leur droits ou même dénoncer les usurpateurs de notre pays, sous peine d’être interpeler par un tribunal militaire pour leur clouer le bec et en faire un exemple pour dissuader quiconque de s’aventurer dans une démarche on ne peut plus honorable. Nous n’avons pas de justice, que des vendus au service des criminels, que cela  leur plaise ou pas, les faits sont là pour le prouver.

    Sissi zayyat

    10 h 57, le 07 avril 2024

  • Pour quoi faire le numerique ? Pour mieux aiguiser les poursuites contre les activistes qui reclament justice dans les dossiers de l'explosion du port ? De l'assassinat de Lokman Slim ? Des crapules bancaires qui ont vole l'epargne des Libanais ? De la corruption institutionnalisee au plus hauts niveaux de l'etat (ministres, hauts fonctionnaires, officiers securitaires, juges vereux) ? La justice Libanaise, feuille de vigne des mafieux.

    Michel Trad

    13 h 46, le 26 mars 2024

  • Désolé pour vous mais il faudra chercher d’autres rêves que celui de votre article. Vous oubliez que vous êtes dans un pays tenu par des mafias et des mafiosi politiciens et fonctionnaires dont le seul but est de s’enrichir d’avantage et d’avantage sur le dos des citoyens. Commençons par être un État de Droit avant de penser à comment l’appliquer. Regardez bien tous les proches des victimes du 4 août, regardez bien tous les déposants qui vivent sous le seuil de pauvreté, regardez bien tous ceux qui meurent fautent de soins médicaux et ensuite réfléchissez au numérique

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 42, le 26 mars 2024

  • Le droit d'accès à la justice pour tous de manière équitable, si l'application en mode numérique ne s'impose pas de facto. Tout le monde ne sait pas se servir et ne possède pas un ordinateur et une connexion. En outre, en cas de bug ou de questions, il est de bon aloi de pouvoir échanger avec une personne physique.

    peacepeiche@gmail.com

    06 h 10, le 26 mars 2024

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