Cinq semaines de différence. Pour les catholiques, le Christ est ressuscité le soir du 31 mars ; pour les orthodoxes, ce sera le 5 mai. Un tel décalage entre ces deux Pâques chrétiennes ne s’était plus vu depuis 2016.
Tantôt deux semaines d’écart entre les deux célébrations, tantôt quatre, tantôt fêtées ensemble... D’où vient cette disparité qui change chaque année ? L’Orient-Le Jour fait le point avec l’aide des prêtres Tanios Khalil et Ibrahim Saad, respectivement maronite et orthodoxe. Accrochez-vous, un petit effort de logique et de calcul est nécessaire.
Une lune de plus ou de moins...
La chose peut paraître incongrue, mais la différence entre les deux Pâques repose sur un calcul qui tient compte... du calendrier lunaire. Traditionnellement, les Pâques doivent être célébrées le dimanche qui suit la première pleine lune après l’équinoxe de printemps. Cet équinoxe tombe généralement le 20 ou le 21 mars.
Cette année par exemple, la première pleine lune après l’équinoxe est tombée le lundi 25 mars. Ainsi, les Pâques catholiques ont été logiquement célébrées le dimanche qui suit, le 31 mars.
« Sauf que nous nous basons sur le calendrier grégorien, alors que les orthodoxes adoptent le calendrier julien pour certaines fêtes. » Le père Tanios Khalil, doyen de la faculté des sciences et de théologie de l’Université La Sagesse, soulève là le point central. L’Église orthodoxe suit en effet le calendrier julien, un calendrier solaire introduit par Jules César et où une année classique fait 355 jours. Tout le décalage des Pâques orthodoxes découle de cette simple différence de référence.
Saut au IVe siècle
Toujours perdus ? Pour mieux comprendre, il faut remonter en l’an 325, date du Concile œcuménique de Nicée, tenu sous l’autorité de l’empereur Constantin. Son but était de tenter d’unifier les Églises d’Orient et de trouver des points d’accord entre les différents rites. Des convergences ont été trouvées, mais chaque communauté est restée attachée à son propre calendrier.
« Premier point décidé lors de ce concile : ne pas aligner notre fête sur la Pâque juive », rappelle Tanios Khalil. « Les juifs suivent le calendrier lunaire pour leur Pâque. L’idée, c’est de ne pas la faire en même temps », ajoute-t-il. Un principe également appliqué par les orthodoxes, avec une nuance essentielle : la fête doit toujours tomber après la Pâque juive, jamais avant. « Dans l’Évangile, le Christ est crucifié au moment de la Pâque juive et ressuscite trois jours après... C’est donc logique », explique le père Khalil.
Deuxième règle établie par le concile il y a 1 700 ans : pour tous les chrétiens concernés, les Pâques ne doivent pas être célébrées avant le 22 mars. Et c’est là que ça coince cette année pour les orthodoxes : le 31 mars des Pâques catholiques correspond, en calendrier julien, au 18 mars. Donc avant le 22 mars... Impossible donc pour les orthodoxes de célébrer Pâques à cette date, à moins d’enfreindre la règle décidée à Nicée (actuelle İznik, en Turquie).
« Quand c’est comme ça, on décale d’un mois et on s’appuie sur la pleine lune suivante », explique le père Ibrahim Saad, représentant du métropolite grec-orthodoxe de Saïda Élias Kfoury. Pour 2024, cela devrait fixer les Pâques orthodoxes au 28 avril... Pourquoi le 5 mai ? « Non, vous n’avez pas fait d’erreur de calcul », nous rassure le père Saad. « Mais les juifs fêtent la Pâque jusqu’au 30 avril... Donc, on décale », explique-t-il, rappelant la première règle du concile.
Vers une union ?
En plus d’être source de migraines à force de calculer, ce genre de sujet peut également souligner des divergences politiques et raviver les querelles confessionnelles dont le Liban a le secret. On se souvient de la polémique créée autour du passage à l’heure d’été l’année dernière...
« Moi, je serais favorable à l’unification des dates. On le fait bien pour Noël », lance Ibrahim Saad, rappelant effectivement que l’Église grecque orthodoxe d’Antioche, à la différence des Russes, a unifié la date de Noël au 25 décembre plutôt que de célébrer la Nativité du Christ le 7 janvier. Même son de cloche du côté de Tanios Khalil : « Plusieurs papes ont appelé à unifier les festivités de Pâques, de plus en plus de gens y sont favorables », plaide-t-il. Mais pour aboutir à un tel changement, il faudra encore nombre de conciles œcuméniques...
Trève de querelles !Les chrétiens d'Orient méritent mieux que ces arguties de calendrier ! Les chrétiens d'Egypte l'ont compris et fêtent Pâques tous ensemble à la date orthodoxe. Peu importe !Fêtez- la alternativement chaque année selon les calculs grégoriens et julien. Mais de grâce occupez-vous de la survie des chrétiens en Orient plutôt que de la date de Pâques. Basta !
15 h 30, le 02 avril 2024