Activiste indépendante de la première heure, Rouba Taha était très active au cours de la thaoura, le soulèvement populaire de 2019. Il n’est pas facile de lui faire peur, assure-t-elle. Et pourtant, les dernières frappes israéliennes sur la région de Baalbeck ont réussi à inculquer à cette habitante de la ville un sentiment d’insécurité permanent. « Nous ne sommes plus en sécurité. Nous pouvons être fauchés à tout moment par des missiles israéliens. J’ai peur pour mes enfants, mes parents, mes amis », dit-elle.
Le 26 février, une frappe de l’aviation israélienne a ciblé la région de la Békaa, non loin de ce fief du Hezbollah, pour la première fois depuis le déclenchement des affrontements entre la formation pro-iranienne et Israël le 8 octobre dernier, en parallèle de la guerre à Gaza. Le conflit s’est ensuite à nouveau concentré au Liban-Sud jusqu’aux journées de lundi et mardi, quand d’autres bombardements israéliens ont visé Baalbeck.
Lundi soir, deux frappes ont touché un entrepôt de bois entre les villages de Chmestar et Taraya (région de Baalbeck-Hermel) et un bâtiment de deux étages à Ansar, à l’est de Baalbeck, faisant un mort civil, un footballeur du nom de Moustapha Gharib, et plusieurs blessés. Mardi, deux autres frappes, faisant un mort civil également en début d’après-midi, ont visé la route de Sefri, qui mène à Baalbeck, ainsi que le village de Nabi Chit.
Tahrir*, 47 ans, professeure du secteur public en arrêt de travail, était particulièrement proche de deux des frappes, son domicile se trouvant entre Rayak et Talia. « Lors de l’une des frappes de mardi, j’ai senti que ma porte en fer allait se volatiliser. Toute la maison a tremblé », raconte-t-elle. Hassan Moussaoui, fonctionnaire d’une quarantaine d’années, habite à 200 mètres de l’une des frappes israéliennes à Nabi Chit. « Au début, nous avons dû encaisser le choc », dit-il. « Mais nous sommes un peuple résistant et nous nous sommes ressaisis très vite pour courir aux lieux visés afin de secourir d’éventuels blessés », ajoute-t-il.
Des écoles et des marchés désertés
Décrivant la peur qui s’installe depuis la multiplication des frappes, Rouba se désole surtout pour les enfants qui « ressentent la gravité de la situation ». Les siens ont refusé de se rendre en classe le lendemain. Les écoles n’ont pas fermé leurs portes suite aux frappes, mais il y a eu des absences, assure Karim*, un enseignant de 43 ans exerçant à Baalbeck. « Je n’ai personnellement pas paniqué parce que j’ai l’habitude des combats, ayant déjà vécu (la guerre de) 2006, mais il est clair qu’il y a une crainte que l’insécurité ne perdure », dit-il.
Les marchés aussi ont été affectés. Karim*, également commerçant, affirme que « les souks se vident instantanément quand il y a des frappes ». « Dès la première attaque, le marché de la ville a été déserté, alors qu’on est en plein mois de ramadan », déplore Rouba. Le mois sacré a en effet commencé lundi pour la communauté sunnite et mardi pour la chiite. Le Dr Assaad Qaraa, pharmacien habitant la ville de Baalbeck, constate que « les gens sont retournés à leur travail juste après les frappes, mais ont tendance à limiter leurs déplacements ». Il fait remarquer cependant que « l’activité économique est ralentie dans tous les cas en raison de la crise et du ramadan ».
Pour Hassan Moussaoui, « Nabi Chit est au cœur de la “Résistance” depuis longtemps, donc tout le monde finit par vaquer à ses occupations après les frappes le premier choc passé ». « Vous devez voir les gens aujourd’hui (mercredi 13 mars), ils se comportent comme d’habitude et préparent tranquillement leur iftar », le repas de rupture du jeûne, dit-il.
« Nous ne voulons pas de la guerre des autres »
Les dernières attaques israéliennes sur Baalbeck suscitent la crainte d’un conflit long et difficile, et raniment les démons de la guerre de 2006. « Les gens sont totalement désespérés, leur seul espoir dorénavant étant de survivre, et en même temps ils ont trop peur pour protester », déplore Rouba. Tahrir, elle, avoue se sentir plus inquiète encore qu’en 2006. « Durant cet autre conflit, on sentait qu’il y avait des règles et des lignes rouges respectées par les deux parties. On savait à peu près quels endroits étaient visés. Aujourd’hui, le conflit semble ouvert à toutes les possibilités, je suis convaincue que le Hezbollah mène sa propre bataille et que le gouvernement israélien est capable de tout. »
Selon cette militante indépendante et aguerrie, « Israël semble bombarder n’importe quoi et n’importe qui, juste pour nous garder sous pression, ce qui accentue ma crainte, car, qu’on soit pro-Hezbollah ou pas, la guerre ne nous épargnera pas ». Pour sa part, le Dr Qaraa est convaincu que « les gens s’attendent à la guerre et craignent que la situation ne se développe rapidement dans la Békaa. Ils ont tendance à entasser de la nourriture en prévision d’éventuels combats ».
Hassan Moussaoui, de son côté, n’est pas vraiment étonné que la Békaa soit visée. « Nous devons, comme en 2006, faire preuve de patience, car la machine de guerre israélienne n’a jamais vraiment chômé. Il est évident que nous avons peur, mais surtout pour nos enfants. Autrement, il est normal que l’on soit appelé à résister une fois de plus aux attaques israéliennes. »
Toutefois, les sentiments de résistance et de résilience ne sont pas généralisés parmi les habitants de Baalbeck, selon Rouba. « Autour de moi, c’est la colère qui prime. Nous ne sommes pas obligés de mourir pour les guerres des autres », lance-t-elle. Karim* lui aussi ressent dans son entourage un refus « de voir cette ville réduite en cendre, comme le Sud et la Palestine ». « Mais que peut le peuple ? Personne ne nous écoute », déplore-t-il.
*Le prénom a été modifié suite à sa demande.
EQUITE OBLIGE : SI J,ETAIS LE BARBU ENTURBANNE, J,AURAIS MIS EN AVANT MES FANFARONNADES AVANT TOUT EN DEFENDANT LA VILLE DE BAALBECK ET PUIS EN CHOISISSANT A L,INTERIEUR DE L,AUTRE BORD UNE PLACE ADEQUATE POUR LA REVANCHE. OSERAIS-JE ? TIRER SUR METULLA ET KERIET SCHMONA LES VIDES C,EST DE LA BLAGUE.
11 h 46, le 14 mars 2024