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Économie - Diaspora

Fady Michel Abouchalache, un « serial entrepreneur » libanais

De retour au Liban après l’introduction d’une société qu’il a cofondée à la Bourse de New York, le Beyrouthin revient sur son parcours et prodigue quelques conseils aux jeunes entrepreneurs libanais.

Fady Michel Abouchalache, un « serial entrepreneur » libanais

Fady Michel Abouchalache, "serial entrepreneur", cofondateur du fonds TriSpan. Photo DR

Quelques jours après l’introduction à la Bourse de New York le 9 février de la chaîne de supermarchés mexicaine Tiendas Tres B, qu’il a cofondée en 2004, Fady Michel Abouchalache reprenait la route du Liban. Son « premier retour au pays » depuis la recrudescence des tensions dans le Sud avec le déclenchement de la guerre à Gaza (le 7 octobre 2023), raconte-t-il depuis le balcon de son appartement d’un immeuble du quartier Bliss. Cofondateur en 2015, et PDG depuis, du fonds international TriSpan qui gère plus d'un milliard de dollars de fonds propres, le quinquagénaire aux cheveux poivre et sel s’estime « en mission » : « Comme beaucoup de Libanais de la diaspora, je veux aider à (re)construire le Liban et prouver que c'est possible depuis l’étranger ».

En crise multidimensionnelle depuis plus de 4 ans, le pays poursuit son effondrement avec une émigration massive de sa jeunesse. Mais comment ajouter sa pierre à l’édifice de la reconstruction ? Par l’entraide au sein même de la diaspora, répond tout de go Fady Abouchalache, qui permet de « garder le lien avec le pays » et qui constitue « un réseau à très fort potentiel pour les Libanais ». Selon l’entrepreneur, cela passe aussi par « la création d’emplois pour les jeunes qui sont restés au pays, grâce au développement d’opportunités à l’étranger et au Liban ».

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Une envie d’aider les nouvelles générations, après avoir fait ses preuves quelques décennies durant à l’étranger, qui vient pour ce Beyrouthin d’origine mais « citoyen du monde » - comme il aime à se décrire - de cet attachement profond pour le Liban qui lui a « tant appris ». « L’une des plus grandes et des plus dures leçons est cette capacité à s’adapter et à être créatif » qu’il a mise en application, rétrospectivement, dès « mon départ forcé du Liban », se souvient-il avec beaucoup de nostalgie.

« Il faut être Libanais pour relever un défi aussi fou ! »

A la fin de son parcours scolaire au collège Louise Wegman en 1984, Fady Abouchalache, alors âgé de 18 ans, quitte un Liban en guerre, en direction des États-Unis. Là-bas, après plusieurs diplômes en poche dont un MBA auprès de la Harvard Business School et un MPA (Master of Public Administration) auprès de la John F. Kennedy School of Government de Harvard, il entame sa carrière au sein du groupe de fusions et acquisitions de Tucker Anthony à New York, avant de passer successivement chez Booz Allen and Hamilton, Procter & Gamble, Banque Paribas et Bain and Company.

Mais en 1998, le jeune entrepreneur revient au Liban, accompagné de deux compatriotes, Fadi Majdalani et Sami Khoury, avec qui il lance Delta Capital, l’une des premières sociétés de capital-risque (private equity) de la région. L’escale sera de courte durée, malgré quelques expériences positives avec Orascom Telecom en Égypte et Taanayel et Bonjus au Liban. « Le marché n’était pas encore prêt pour ce genre de sociétés », relate-t-il.

Delta Capital met la clé sous la porte et son fondateur s’expatrie à nouveau, vers la France cette fois où il intègre le fonds Quilvest en 2001, dont il deviendra le PDG une dizaine d’années plus tard. Via Quilvest, Fady Abouchalache fonde avec un autre Libanais, Kamal Anthony Hatoum, la chaîne mexicaine de supermarchés hard discount, désormais cotée. L’inspiration lui vient de la chaîne turque BIM qu’il avait tenté de racheter en 2000.

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Mais « nous sommes arrivés en deuxième position. Et dans le domaine du capital-risque, être second est l’équivalent d’être le premier des perdants. Ce fut une déception totale alors que j’étais tombé amoureux du modèle des supermarchés hard discount », se souvient-il. Cet échec décuple sa motivation et le pousse à dupliquer ce même modèle ailleurs. « Nous avons trouvé que le Mexique présentait un énorme potentiel. Ni Kamal Hatoum, ni moi ne connaissions ce pays, et encore moins la langue. Mais nous étions convaincus. Il faut être Libanais pour relever un défi aussi fou ! », s’exclame-t-il en riant.

« Serial entrepreneur »

L’expérience de Tiendas Tres B le pousse aussi à entrer dans le capital de nombreuses autres sociétés qu’il aide à créer et à grandir. Vingt ans après le lancement de cette première entreprise, Fady Abouchalache, avec plusieurs partenaires, aura aidé à lancer huit sociétés qui emploient quelque 30 000 personnes au Mexique, aux Émirats arabes unis, en Afrique du Sud, en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Allemagne. Au-delà de cet accomplissement, l’une de ses plus grandes fiertés est le fait que, parmi ces sociétés, cinq d’entre elles ont des liens directs avec le Liban.

Outre Tiendas Tres B, ce « serial entrepreneur » compte ainsi à son actif la contribution à l’expansion de Naya, une chaîne de restaurants « en passe de devenir leader de la cuisine libanaise » aux États-Unis, dirigée par Hady Kfoury et qui comptera 33 emplacements d'ici la fin de l'année. Il est aussi cofondateur d’Eathos, une autre chaîne de restaurants dirigée par Nadim Majdalani, avec une douzaine de libanais dans son top management et qui dispose de plus de 50 enseignes au Moyen-Orient.

Quatrième société dans son portefeuille : L’Atelier, une chaîne de restaurants dirigée par Hubert Lansac, beau-frère d’un de ses amis d'enfance libanais. Ciblant les marchés français, belge et luxembourgeois, elle vient à peine d’inaugurer sa première enseigne. Même si le steak-frites ou le poulet-frites n’ont pas grand-chose à voir avec la cuisine libanaise, « j’ai quand même réussi à insérer le café blanc au menu », lâche-t-il avec un clin d’œil.

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Enfin, et non des moindres, la cofondation de TriSpan en 2015, après avoir quitté Quilvest. Aujourd’hui, ce fonds compte des investissements dans plus de 100 entreprises. Parmi les 15 associés qu’emploie la société, six sont Libanais, et parmi les près de 300 stagiaires qui s’y sont formés, près de la moitié sont Libanais : « C’est une façon d’aider le Liban et ses jeunes professionnels à démarrer leur carrière dans un domaine où les opportunités sont rares », souligne le Beyrouthin.

« Lebanese connection »

Cette « Lebanese connection », Fady Abouchalache en est fier. « Ce n’est pas une coïncidence. Au-delà de l’attachement émotionnel, une importante part est due au fait que les Libanais sont de très bons entrepreneurs et savent s’adapter à chaque situation », souligne-t-il, associant cela au fait de « de devoir quitter son pays ». « C’est en quelque sorte la malédiction du Liban, dont le plus grand atout est son capital humain multilingue, éduqué, cultivé et dont l’entrepreneuriat est dans l’ADN. Ce déracinement représente une chance qui nous pousse à nous adapter et à effectuer un travail sur nous-mêmes afin de réussir », explique celui qui dit toujours voir le verre à moitié plein.

Avant de reprendre l’avion, il souhaite partager cet important conseil aux jeunes Libanais : il faut « croire en (ses) compétences, ne pas avoir peur de rêver, de travailler et de se donner les moyens de réussir, quel que soit le projet ». Car, pour lui, être entrepreneur et réussir ne veut pas nécessairement dire « créer une entreprise qui lève des millions de dollars. Cela veut simplement dire prendre des risques et réaliser ses projets, même si on part de zéro ». Son analogie pour décrire le parcours type d’un entrepreneur ? « Ça ressemble à des montagnes russes, ça fait peur mais c’est excitant ! », décrit-il. Et d’ajouter : « À 22 ans, lorsque je prenais le métro pour aller au travail à New York, il m’était impossible d’imaginer qu’un jour le drapeau d’une entreprise que j’aurai cofondée (Tiendas Tres B, NDLR) serait hissé sur la Bourse de New York. Et pourtant ! » Prochain objectif : que la chaîne des restaurants libanais Naya entre en bourse.

Quelques jours après l’introduction à la Bourse de New York le 9 février de la chaîne de supermarchés mexicaine Tiendas Tres B, qu’il a cofondée en 2004, Fady Michel Abouchalache reprenait la route du Liban. Son « premier retour au pays » depuis la recrudescence des tensions dans le Sud avec le déclenchement de la guerre à Gaza (le 7 octobre 2023), raconte-t-il depuis le balcon de...

commentaires (5)

Le 8 Mars, journée de la femme, nous couronnons et récompensons 8 startups d’entrepreneur(e)s exclusivement femmes, choisies méticuleusement parmi 50 candidates. Si Mr Abouchalache aimerait investir avec elles pour les encourager, il ferait un geste très “libanais” et très “women empowering”. Inchalla !!!

Diane Fadel

15 h 18, le 02 mars 2024

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Commentaires (5)

  • Le 8 Mars, journée de la femme, nous couronnons et récompensons 8 startups d’entrepreneur(e)s exclusivement femmes, choisies méticuleusement parmi 50 candidates. Si Mr Abouchalache aimerait investir avec elles pour les encourager, il ferait un geste très “libanais” et très “women empowering”. Inchalla !!!

    Diane Fadel

    15 h 18, le 02 mars 2024

  • A reflection of hard work, vision and excellence. Bravo Fady ????

    Kassir Henry

    23 h 03, le 28 février 2024

  • Les expats ne cesseront pas de nous surprendre !en espérant qu’ils viendront rebâtir le pays et nous débarrasser des crapules

    Maya B.

    07 h 43, le 28 février 2024

  • Bravo Monsieur, vous avez tout mon respect et toute mon admiration. Nous avons de merveilleux talents dans ce pays.

    Vero M

    14 h 42, le 27 février 2024

  • Bon, le parcours est top mais le "conseil" est lège :(-

    Marionet

    13 h 36, le 27 février 2024

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