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Économie - Repère

La restructuration bancaire, ce chantier qui rend tout le monde fébrile au Liban

Le Conseil des ministres de vendredi dernier devait être consacré au projet de loi qui inclut également le volet de la répartition des pertes.

La restructuration bancaire, ce chantier qui rend tout le monde fébrile au Liban

La façade du Grand Sérail, où siège le gouvernement libanais. Photo P.H.B.

Le gouvernement sortant de Nagib Mikati a finalement reporté le Conseil des ministres programmé vendredi au cours duquel il devait étudier la question des bonus de productivité accordés à certains fonctionnaires - une des mesures du budget de 2024 - ainsi que le projet de loi organisant la restructuration bancaire et la répartition des pertes financières du pays, seul point initialement inscrit à l'ordre du jour.

Officiellement, la réunion a été annulée parce que tous les accès au Grand Sérail, siège de la présidence du Conseil, étaient bloqués par des militaires retraités en colère et Nagib Mikati n’a pas fixé pour l'instant de date pour la tenue d'une nouvelle séance. Mais selon des rumeurs circulant dans la presse, le chef du gouvernement aurait pris cette décision après avoir réalisé qu'il ne pourrait pas réunir le quorum nécessaire pour tenir un Conseil des ministres en bonne et due forme. Contacté, son bureau de presse s'est contenté de renvoyer au communiqué publié suite au report et a fait savoir que la  réunion devrait être reprogrammée la semaine prochaine.

L'occasion pour L'Orient-Le Jour de revenir sur le contexte qui entoure les discussions sur la restructuration du secteur bancaire, qui est retardée depuis que la crise que traverse le pays a éclaté.

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Deux chantiers, un projet

La restructuration du secteur bancaire et la répartition des pertes financières du Liban, soit plus de 70 milliards de dollars, ont été regroupées en un seul projet de loi, alors qu'il était initialement prévu de diviser ces deux chantiers en autant de textes distincts. 

Le document de 60 pages comprend notamment certaines « mesures exceptionnelles » visant à rééquilibrer le bilan des banques (article 58), précise la procédure de radiation en cas d’échec de la banque de proposer un plan crédible pour se redresser, ou encore prévoit la création d’un fonds de restitution des dépôts.

Autre point d’orgue : il établit une distinction nette entre les dépôts en devises qui existaient avant le 17 octobre 2019 et ceux qui ont été constitués après cette date, en convertissant par exemple certains fonds en livres libanaises, alors que le système était déjà en train de prendre l’eau. Le projet demande aux banques de garantir le remboursement graduel aux déposants des avoirs jusqu’à 100.000 dollars pour les premiers, et seulement 36.000 dollars pour les seconds.

Il n’est pas dit que la version que le gouvernement prévoit d’examiner est la même que celle qui a fuité dans la presse il y a deux semaines.

Au cours d’une réunion avec des journalistes au Grand Sérail juste avant son départ pour Munich pour participer à la Conférence internationale sur la sécurité, Nagib Mikati a indiqué que le projet avait été distribué aux ministres qui avaient jusqu’à cette semaine pour partager leurs remarques.

Farouche opposition

Selon des informations fournies à L’Orient-Le Jour par deux sources bancaires souhaitant rester anonyme et en partie partagées par un article de Nidaa el-Watan citant ses propres sources cette semaines, une partie du cabinet est farouchement opposée à l’adoption de ce projet de loi. Le quotidien libanais évoque notamment la résistance des ministres du tandem chiite Hezbollah et Amal, qui se réfugieraient derrière le « caractère sacré des dépôts ».

Le fait que les deux partis soient en train de faire valoir la position des déposants issus des communautés libanaises installées en Afrique est considéré comme une donnée par de nombreuses sources qui suivent le dossier de la crise bancaire depuis qu’elle a éclaté en 2019. Il n’existe cependant aucune information permettant de le confirmer formellement.

Le Premier ministre semble lui déterminé à faire passer le projet de loi, qui devra ensuite être soumis au vote du Parlement. Au cours de son entrevue avec les journalistes, il avait défendu sa démarche, jugeant d’une part qu’il n’y avait rien de mieux sur la table, et que d’autre part sans restructuration du secteur bancaire, seul moyen de garantir sa survie, il ne sera pas possible de garantir le moindre sou sur les plus de 90 milliards de dollars restants dans les banques et dont la grande majorité est soumise aux restrictions bancaires depuis 2019.

Ces mesures illégales m’ont pas été couvertes par une loi de contrôle des capitaux, dont l’adoption fait partie, comme la loi de restructuration et celle de la répartition des pertes financières du pays, des réformes demandées par le Fonds monétaire international avec qui le Liban est en contact depuis 2020 pour tenter de débloquer une assistance financière. S'agissant du contrôle des capitaux, un projet de loi est rangé depuis début janvier dans les tiroirs du Parlement.

Mikati déterminé

Pour Nidaa el-Watan, l’empressement de Nagib Mikati à faire adopter le projet de loi de restructuration bancaire est également mû par son engagement à le faire passer auprès d’interlocuteurs « arabes et étrangers ». Pendant son entretien avec la délégation de journalistes, le Premier ministre avait laissé entendre que des banques étrangères lorgnait sur l’infrastructure bancaire du pays, mais qu’il était difficile de s’attendre à l’arrivée de nouveaux investisseurs tant que le secteur continuerait de vivre sans cadre légal organisant son redressement.

Enfin selon les sources bancaires contactées, le projet de loi examiné ne serait pas suffisamment bien ficelé au goût de la Banque du Liban, que le gouvernement a consultée en même temps que la commission de contrôle des banques pour élaborer son projet. La BDL n’a cependant pas commenté le projet de l'exécutif depuis qu’il a fuité et son gouverneur par intérim, Wassim Manssouri, avait assuré début février que pour la banque centrale, « n’importe quelle loi vaudra mieux que pas de loi du tout » et qu’un un texte imparfait pouvait être amendé en cours de route.

S'ils semblent d'accord sur ce point, le Premier ministre et la BDL ne sont pas entièrement sur la même longueur d'onde. Depuis la fin de la semaine dernière, des informations indiquent que le gouvernement sortant projette de fixer le taux de change du « dollar bancaire », aussi appelé « lollar », à 25 000 LL , alors que la Banque du Liban veut tourner une fois pour toutes la page de la multiplication des taux de change qui s'est ouverte avec la crise.

L'Association des banques continue de son côté à manœuvrer pour contraindre l'État a assumer une importante partie des pertes financières du pays, y compris dans le remboursement des dépôts bancaires aux clients à qui elle confisque leur argent depuis plus de quatre ans. Pendant cette période, les banques ont sabré dans leurs effectifs et leurs actifs, tandis que nombres de leurs actionnaires et dirigeants - qui sont très liés à la classe politique - sont soupçonnés d'avoir transférer une partie de leur argent à l'étranger avant et après le début de la crise.

Le gouvernement sortant de Nagib Mikati a finalement reporté le Conseil des ministres programmé vendredi au cours duquel il devait étudier la question des bonus de productivité accordés à certains fonctionnaires - une des mesures du budget de 2024 - ainsi que le projet de loi organisant la restructuration bancaire et la répartition des pertes financières du pays, seul point initialement...

commentaires (5)

Parti avant la fin de mon texte. Malheureusement nos politiciens sont loin d'être compétents et propres, ils excellent dans la corruption et le vol, seule chose qu’ils savent faire! Et le peuple est soumis comme un troupeau de moutons…

CW

14 h 13, le 26 février 2024

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Parti avant la fin de mon texte. Malheureusement nos politiciens sont loin d'être compétents et propres, ils excellent dans la corruption et le vol, seule chose qu’ils savent faire! Et le peuple est soumis comme un troupeau de moutons…

    CW

    14 h 13, le 26 février 2024

  • On ne s’en sort toujours pas de la poigne de ces bandits. Pour Mikati, n’importe quelle excuse est bonne pour reporter la bonne decision a prendre, cad, rendre l’argent des déposants. Arrêtons d'être des mendiants! Le Liban peut générer des milliard de dollars s’il acceptait de se ranger du cote de la loi et l’honnêteté, malheureusement

    CW

    14 h 09, le 26 février 2024

  • Je lis les commentaires et, pour une fois, les opinions semblent unies en une seule voix. Oui, que les protagonistes sur la scène politique arrêtent de détourner l'attention du problème monumentale de la restitution de TOUS les dépôts, en dirigeant l'opinion publique vers des problèmes politiques récurrents et hyper-sensitifs ( présidentielle, Gaza, Sud Liban, prorogations etc..) L'argent des déposants doit impérativement passer en premier. "No mon-no fun" dit le dicton de la rue Américaine. Ils en savent quelque chose..

    Raed Habib

    12 h 09, le 26 février 2024

  • Monsieur Mikati, qui pourtant paraît modéré, n’a qu’une idée en tête : comment faire pour voler légalement les dépôts des épargnants libanais et amnistier tous ceux qui ont mené le pays à cette catastrophe. Monsieur Mikati, votre projet ne passera pas. Vous avez vu de vos propres yeux comment une poignée de militaires à la retraite a bloqué le Conseil de ceux qu’on appelle ministres,alors imaginez vous le soulèvement de presque toute la population. Bon votre avion privé est prêt à décoller et votre fortune colossale accumulée grâce à votre science est à l’abri …

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 37, le 26 février 2024

  • La seule restucturation bancaire valable serait celle qui mene en prison : 1- les politichiens corrompus (ministres et deputes ayant participe au pillage du pays), 2- les hauts fonctionnaires cupides )a la solde des politichiens) qui ont eleve la corruption au niveau d'un art local. 3- les crapules bancaires, qui ont participe et beneficie en connaissance de cause au hold-up de l'epargne des Libanais, et qui pleirnichent maintenant en suppliant Mikou d'effacer tous les anciens depots pour pouvoir reprendre leurs rapines. 4- et, last but not least, les juges vere "aux ordres" des politichiens.

    Michel Trad

    10 h 02, le 26 février 2024

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