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Économie - Crise

Dépôts bancaires : pour la BDL, « n’importe quelle loi vaudra mieux que pas de loi du tout »

Le gouverneur par intérim Wassim Manssouri est aussi revenu sur les premiers mois du conseil central qu’il dirige depuis août.

Dépôts bancaires : pour la BDL, « n’importe quelle loi vaudra mieux que pas de loi du tout »

Le gouverneur p.i. de la Banque du Liban (à droite) pendant la conférence organisée à Beyrouth vendredi dernier, aux côtés de l'économiste Nassib Ghobril. Photo DR

Au cours d’une conférence organisée à Beyrouth vendredi par l’ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar, dans le cadre des rencontres organisées par la Fondation Culture et Libertés, le gouverneur par intérim de la Banque du Liban est revenu sur les différents dossiers qui accaparent l’attention du conseil central de l’institution et l’approche qu’il privilégie pour les résoudre.

Un exercice assez rare pour cet homme, 1er vice-gouverneur depuis juin 2020 et nommé l’été dernier à son poste actuel après le départ de Riad Salamé qui avait enchaîné six mandats successifs à la tête de la BDL, dont un dernier marqué par le début d’une crise qui a mis à jour les vices et faiblesses du système financier libanais.

Le responsable a notamment abordé l’épineuse question de la restitution d'environ 90 milliards de dollars d'avoirs bancaires bloqués depuis 2019 par des restrictions unilatéralement imposées par les banques, ainsi que des choix que le gouvernement et le Parlement doivent faire et qu’ils repoussent depuis quatre ans et demi.

« La Banque du Liban a reçu de nombreuses propositions du gouvernement, qui dans ses plans pour gérer la question prévoit d’échelonner le remboursement des dépôts sur des périodes dépassant parfois 20 ans, voire 30 ans, et prévoyant des coupes (haircut) dans les dépôts. Ce qui est sûr, c’est que n’importe loi qui aborde le sujet vaut mieux que pas de loi du tout. Même si la loi adoptée est défaillante, elle pourra être ajustée par la suite », a-t-il déclaré.

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Wassim Manssouri s’est abstenu de préciser ou de commenter les orientations privilégiées par le gouvernement. Il a néanmoins indirectement fourni quelques indications sur la méthode qui devrait être suivie.

Il a notamment insisté sur le fait que « toute procédure de restitution des dépôts devra passer par une classification préalable des avoirs légaux et ceux qui ne le sont pas ». « Cela veut dire que tous les déposants devront justifier l’origine de leurs dépôts et qu’il sera alors possible de détecter et d’écarter ceux qui sont en infraction avec la loi, et donc de déduire les montants de leurs avoirs et les intérêts liés, du total qui doit être restitué », a-t-il insisté, ponctuant : « Les personnes honnêtes n’auront rien à craindre ou à perdre. Mais il faut une loi pour enclencher ce processus. » Le Liban doit actuellement démontrer au Groupe d’action financière que ses procédures de contrôle de conformité bancaire sont suffisantes. Un délai d’un an lui a été accordé en juin dernier.

Le gouverneur p.i. a aussi souligné que le processus d’unification du taux de change, entamé avec l’adoption du budget de 2022 en septembre de la même année et qui vient de passer un autre cap décisif avec le vote du budget de 2024 et la publication de plusieurs circulaires-clés dont deux durant le week-end  écoulé (n° 166 et n° 167), constituait le seul point de départ possible à une solution viable.

« La première chose à faire pour aborder n’importe quel chantier, c’est de mettre les choses à plat. Dans le cas de la crise, cela passe par établir une vision claire de la situation, avec aucun artifice. Il faut reconnaître ce qui a été fait, c'est-à-dire que les dollars frais ne valent pas autant que les dollars bancaires », a-t-il décrit, en référence à une autre circulaire, portant le n° 165 adopté en avril dernier.

« Si on le fait, on pourra fixer la question des dépôts, à savoir comment articuler le processus de restitution et l’échelonner en très peu de temps. Sinon on reviendra à la situation d’incertitude de 2019 dans laquelle la BDL était incapable de prendre la mesure de la situation », a-t-il encore noté, ajoutant : « C’est incontournable si on veut espérer attirer des investisseurs (dans le secteur bancaire). »

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Quatre chantiers

Sur un plan plus large, Wassim Manssouri a fourni les quatre temps de l’approche empruntée par le conseil central actuel pour articuler le redressement du pays, en gestation avant sa prise de fonction qui s’était imposée faute de successeur désigné à Riad Salamé. Ce conseil est notamment composé des trois autres vice-gouverneurs, Bachir Yakzan (2e), Salim Chahine (3e) et Alexandre Moradian (4e).

« Le premier, c’est la responsabilité et la possibilité de poursuivre ceux qui ont des comptes à rendre. Mais il faut le faire de façon proportionnée et professionnelle. Le deuxième, c’est régler la question des banques et des déposants. Le troisième, c’est la relance et la réforme de l’économie. On ne peut pas prétendre financer la restitution des dépôts avec une économie de petite taille et qui ne prospère pas. La quatrième, c’est réformer l’État », a-t-il énuméré.

« Sans ces quatre chantiers interdépendants, le Liban que nous connaissons est en danger d’effondrement total. Nous sommes à court de solutions provisoires », a-t-il encore insisté.

Les priorités définies dans ces quatre points se retrouvent dans les recommandations faites par le Fonds monétaire international que le Liban a approché dès 2020 pour tenter de souscrire à un programme d’assistance financière imposant l’adoption d’importantes réformes structurelles. Le processus est bloqué au stade de l’accord préliminaire (le Staff-Level Agreement) signé en avril 2022 entre le Liban et le FMI.

« Mettre en place les réformes (au Liban) sera compliqué. Cela a été compliqué partout ailleurs, que ce soit à Chypre, en Grèce. Même en France avec la réforme des retraites », a-t-il relevé.

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La stabilité de la livre

Enfin une importante partie de l’intervention du gouverneur p.i. a été axée sur le bilan des premiers mois passés à la tête de la BDL et pendant lesquels l'institution a réaffirmé avoir « arrêté de financer l’État » et travaillé en étroite collaboration avec ses services pour stabiliser le taux de change en contrôlant notamment la quantité de livres en circulation.

Au niveau des chiffres, il a fourni les précisions suivantes :

• Sur les quatre derniers mois de 2023, l’État a collecté l’équivalent des deux tiers de ce qu’il avait assemblé sur l’ensemble de 2023, soit 2,3 milliards de dollars.

• Le compte courant de l’État a dégagé un surplus de 650 millions de dollars fin 2023, dont 200 millions ont comblé le déficit cumulé sur les huit premiers mois, ce qui laisse un excédent de 450 millions de dollars.

• La BDL a vu ses réserves augmenter de 807 millions de dollars depuis début août dernier (elles atteignent 9,38 milliards de dollars, selon le gouverneur p.i.).

Il a aussi mis en avant les leviers activés pour y parvenir.

Tout d’abord, la BDL restreint les injections de livres sur le marché qui s’est rétréci, limitant l’impact de la spéculation. « Avant 2019, la monnaie en circulation (dollars et livres) gravitait autour de 3,5 à 4 milliards de dollars. Aujourd’hui, elle n’est que de 600 millions de dollars », a précisé Wassim Manssouri. L’État a amélioré sa collecte d’impôts et taxes et absorbe des livres sur le marché et les spéculateurs sont identifiés.

Ensuite, l’État a mis de l’ordre dans ses comptes. « Le Trésor public a quatre comptes principaux : en livres libanaises fresh, en livres libanaises bancaires, en dollar fresh, et un dernier en dollar bancaires (ceux dont l’accès a été restreint par les banques). Et tous les sous-comptes sont divisés de la même manière. Du coup, quand l’État a besoin de dollars frais, c’est prélevé sur ses dollars frais. S’il n’en a pas, on prend de ses livres fresh et on les convertit au taux de 89 500 LL pour un dollar », a expliqué le gouverneur p.i.

En troisième lieu, la BDL ne fait plus d’exception. « Elle a remis aux autorités un relevé de comptes complet, ce qui n’arrivait pas auparavant », poursuit-il. « Chaque administration et chaque institution connaît l’état de ses comptes, et le montant des crédits alloués à chacune d’entre elles dans le budget de 2024 correspond à la réalité de ses besoins. Chacune de cette décision est validée par le gouvernement. La Banque du Liban ne s’en mêle pas – ce n’est pas son rôle – et ne paye pas si le compte correspondant n’est pas suffisamment provisionné. Et cela fonctionne : même Électricité du Liban, pour la première fois depuis très longtemps, paye ses factures à temps » a-t-il longuement exposé. « Pour les subventions qui restent, l’argent est injecté via des crédits alloués dans le budget. C’est le ministère qui subventionne, pas la BDL », a-t-il encore dit.

La BDL n’achète pas de dollars, elle vend des livres. Ses revenus en dollars proviennent d’autres sources (notamment le placement d’une partie de ces réserves à l’étranger où les taux d’intérêt ont été énormément relevés).

Wassim Manssouri a conclu en indiquant que, pour l’instant, le marché est confiné entre ces différents piliers. « Mais il sera plus ouvert lorsque la plateforme opérée par Bloomberg sera mise en place, ce qui a été retardé par la situation créée par la guerre à Gaza, la société ne préférant pas envoyer d’effectifs au Liban tant que le calme n’est pas revenu », assure-t-il, avant de conclure : « Lorsque que cela changera, la Banque du Liban ne sera plus le seul acteur et la livre flottera librement à un taux qui sera peut-être plus élevé, ou plus bas que l’actuel. »

Au cours d’une conférence organisée à Beyrouth vendredi par l’ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar, dans le cadre des rencontres organisées par la Fondation Culture et Libertés, le gouverneur par intérim de la Banque du Liban est revenu sur les différents dossiers qui accaparent l’attention du conseil central de l’institution et l’approche qu’il privilégie pour les...

commentaires (12)

Il faut vraiment être n'importe qui pour dire n'importe quoi! Comment un gouverneur de banque centrale qui se respecte peut-il proférer de telles énormités, au lieu de réclamer une loi qui protège les dépôts des déposants et prévoit leur restitution dans les plus brefs délais, au lieu de réclamer un plan de restructuration des banques et de redressement des finances de la nation, au lieu de réclamer à tous ceux qui ont transféré ces dernières années des milliards de dollars de leur compte vers l'étranger de prouver que leurs fonds ont été acquis légalement?

Georges Airut

00 h 38, le 06 février 2024

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Il faut vraiment être n'importe qui pour dire n'importe quoi! Comment un gouverneur de banque centrale qui se respecte peut-il proférer de telles énormités, au lieu de réclamer une loi qui protège les dépôts des déposants et prévoit leur restitution dans les plus brefs délais, au lieu de réclamer un plan de restructuration des banques et de redressement des finances de la nation, au lieu de réclamer à tous ceux qui ont transféré ces dernières années des milliards de dollars de leur compte vers l'étranger de prouver que leurs fonds ont été acquis légalement?

    Georges Airut

    00 h 38, le 06 février 2024

  • N’importe quel lampion à la tête de la BdL vaut mieux que pas de lampion du tout

    Lecteur excédé par la censure

    20 h 55, le 05 février 2024

  • Commencer par demander à ceux qui ont volé les dépôts et l’Etat , de justifier l’origine de leurs dépôts ! Commencer par publier le rapport - certes édulcoré- d’Alvarez et qui démontrera , même partiellement, le modèle mafieux mis en place par le responsable de l’institution, responsable qui n’a d’autre défense à son actif, que de prétendre qu’il n’était pas seul dans ce rackett à l’échelle nationale ! Méprisables !!

    LeRougeEtLeNoir

    15 h 29, le 05 février 2024

  • L'Ukraine bénéficie de centaines de milliards d'euros et de dollars, entre donnations et prêts à long terme. L'Italie de Meloni a reçu plus de 100 milliards d'euros en aide post Covid. Il existe de multiples options pour le Liban, (même des prêts réformes), pour restituer tous les dépôts et redémarrer l'économie. Un GDP autour de 18 milliards annuels est totalement inadmissible. 30 ans pour restituer les dépôts est une blague de très mauvais goût. La BDL (à mon avis) est mal conseillée. Il faut beaucoup plus de créativité pour s'en sortir et réaliser une croissance de grande envergure.

    Raed Habib

    13 h 09, le 05 février 2024

  • comme le bon vieux dicton... mieux vaut une stratégie foireuse que pas de stratégie du tout !

    Ca va mieux en le disant

    12 h 51, le 05 février 2024

  • Il vaut mieux une loi bancale que rien du tout? On croit rêver. C’est devenu une coutume de nous vendre leur peste contre le choléra d’une façon systématique. D’abord un gouvernent vendu plutôt que le vide, ensuite un président fantoche plutôt que le vide, et maintenant des lois tordues plutôt que rien. Et pourquoi pas un pays asservi plutôt que pas de pays? Ils nous mènent par le bout du nez aux projets concoctés et élaborés depuis des décennies pour usurper notre pays et tout le monde trouve ça normal et même moins pire que de sauver notre pays et notre peau par la même occasion. Pffft

    Sissi zayyat

    12 h 14, le 05 février 2024

  • Que ce gouverneur intérimaire ne se la joue pas trop. Il était premier vice gouverneur du temps de son prédécesseur et il s’est tu. Ça fait de lui un complice passif pour le moins. Quant à sa dernière circulaire, elle témoigne du mépris qu’il a pour les déposants : 150$ par mois, c.est sans doute ce qu’il gagne en 1 heure

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 32, le 05 février 2024

  • "… pour la BDL, « n’importe quelle loi vaudra mieux que pas de loi du tout » …" - tellement libanais…

    Gros Gnon

    09 h 29, le 05 février 2024

  • De tout ce bla bla bla inepte, il en ressort que Mansouri va agir comme son predecesseur et faire supporter TOUT le cout des rapines aux epargnants dont les comptes sont illegalement saisis par les crapules bancaires. Haircut a l'appui. Si certains cretins pensent ainsi retablir la confiance dans le systeme bancaire, ils se trompent. Qui a vole, volera.

    Michel Trad

    09 h 27, le 05 février 2024

  • Réformes de l’Etat veut durer : licencier tous ces fonctionnaires payés à ne rien foutre (sauf encaisser des bakhchichs ou détourner des fonds publics) qui ont été embauchés par les différents partis politiques notamment ceux au pouvoir. Je ne vais pas citer des noms pour ne pas être censuré

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 19, le 05 février 2024

  • Le gouverneur par "intérim" semble prouver que les compétences vont largement au delà d'une confession, il faut partir du principe qu'il existe des bons et des mauvais partout ...cf: bassil, parie prenante de la situation actuelle, le hezbollah avec son institution (qard al hassan, qui s'est substituée à la banque du Liban).. Le Liban redémarrera sur les bons rails, le jour où nous ferons table rase du passé et que nous nous mettrons les hommes idoines à leurs bons postes...

    C…

    09 h 12, le 05 février 2024

  • It was enough for Salame to leave for the finances of BDL to become more transparent and for BDL to function properly. If Mr. Salame was fired at least a year earlier, the state would likely have more mobey. He single-handedly engineered the triple bankruptcy of BDL, the banks and the state. He was renewed for 6 additional years way after he had reached retirement age. If a new governor was hired in 2016, we could have avoided this catastrophic economic collapse.

    Mireille Kang

    02 h 35, le 05 février 2024

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