Recevant des membres de l’Association des journalistes économiques libanais mardi au Grand sérail, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, s’est livré à une séance de questions-réponses au cours de laquelle il a principalement évoqué la situation au Liban-Sud et la crise que traverse le Liban depuis fin 2019.
Le chef du gouvernement a également évoqué et défendu le projet de loi regroupant le volet organisant la restructuration du secteur bancaire et la question de la répartition des plus de 70 milliards de dollars de pertes du pays. Un document de 60 pages que L’Orient-Le Jour a pu consulter le week-end dernier et dont nous avons exposé une partie des grandes lignes dans un article publié dimanche. « Que celui qui a une meilleure proposition la présente », a-t-il notamment lancé, en espérant que le projet passe rapidement le cap du Conseil des ministres puis du Parlement.
Selon Nagib Mikati, le projet de loi a été distribué aux ministres qui ont, sauf changement de programme, jusqu’au prochain Conseil des ministres (le jeudi 22 février) pour présenter leurs remarques. Celles-ci pourront servir de base à des amendements qui seront inclus dans la version définitive qui sera transmise au Parlement. « Nous avons déjà commencé à recevoir des commentaires et nous en discuterons lors de la séance (prévue). Cela constituera un point de départ pour aborder le dossier (lié à la crise financière) », a notamment indiqué Nagib Mikati. Il a aussi laissé entendre que le projet de loi établissant un contrôle formel des capitaux pourrait être fusionné à celui gérant la restructuration bancaire et la répartition des pertes.
Pas responsable du retard
Nagib Mikati a aussi répété à plusieurs reprises que son gouvernement n’était pas responsable du retard du Liban dans l’adoption des différentes lois attendues par les Fonds monétaire international (FMI) – dont les deux évoquées plus haut - depuis la signature de l’accord préliminaire entre le Liban et l’organisation en avril 2022.
« Le Liban fait face à de nombreux défis et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour persévérer et le mettre définitivement sur la voie du redressement. En 2022, nous avons préparé un plan et l'avons envoyé au Parlement, mais malheureusement, seuls quelques députés l'ont lu », a-t-il notamment assuré.
Assurant être conscient que les déposants, qui ont vu leurs fonds en devises bloqués de manière illégale ces quatre dernières années, n’étaient « pas responsables » des causes qui ont provoqué la crise financière du pays, le Premier ministre a indiqué que le pays était malgré tout « confronté à une réalité avec laquelle les autorités devaient composer pour trouver une solution logique ». « Où pouvons-nous chercher l'argent nécessaire pour rembourser tous les dépôts tout de suite quand 140 milliards de dollars se sont évaporés du pays ? », s'est-il notamment exclamé. Il a attribué les causes de cette situation à plusieurs années de mauvais choix de politique budgétaire financière et monétaire au Liban (pour rappel, il a déjà été Premier ministre d'avril à juillet 2005 et de juin 2011 à février 2014), amplifiés par le Covid-19 et la double explosion au port en 2020. "Tout, dans le pays, a été affecté", a-t-il encore constaté.
Nagib Mikati a également défendu le volet consistant à confier la gestion « des actifs non-productifs » de l’État au privé, ce qui ferait de cette mesure une composante essentielle de la stratégie visant à traiter la question des pertes financières. Il a assuré que le FMIl n’y serait pas opposé tant qu’il s’agit d’actifs « non-productifs ».
Ce qu'en pense le FMI
Contactée, la représentation du FMI au Liban nous a renvoyé à son précédent rapport sur le Liban publié en juin 2023 dans le cadre de sa mission de surveillance de ses États membres prévue à l'article IV de ses statuts.
* Sur la question de la gestion privée et professionnelle des entreprises d'État, le FMI considère (page 23) que « de vastes réformes des entreprises d'État sont nécessaires pour améliorer leur gouvernance, leur viabilité opérationnelle et limiter les risques budgétaires » lié à leur exploitation. Le Fonds fait ici référence à la possibilité qu'elle perdent de l'argent et qu'elles aient donc besoin d'être renflouées par l'État.
Il appelle aussi à « professionnaliser leur gestion», à renforcer leurs conseils d'administration, à les rendre plus transparentes, à mettre en place des leviers permettant d'engager la responsabilité de leurs gestionnaires ou encore à les protéger des ingérences politiques. Il suggère enfin de les placer sous la surveillance du ministère des Finances.
* Sur l'utilisation des revenus des actifs de l'État pour la restructuration des banques, le FMI affirme (page 50) que « la vente des actifs de l'État existants (terrains et entreprises publiques) ou la réorientation d'une partie de leur flux de revenus pourrait contribuer à améliorer de manière significative les perspectives d'indemnisation des déposants. »
L'organisation affirme toutefois aussi qu'il « sera pratiquement impossible de fixer le prix de ces actifs avec précision dans les circonstances (que connaît le pays), et leur vente ne serait pas souhaitable dans le cadre des pratiques actuelles de gouvernance et de transparence. » Le FMI craint de plus qu'employer les actifs de l'État de cette manière compliquerait les discussions avec les créanciers du pays basés à l'étranger.
Il ne rejette cependant pas la possibilité d'employer les « revenus générés par des actifs publics réformés et réorganisés (...) pour recapitaliser la BDL », et donc réduire par ricochet les pertes des banques commerciales libanaises - qui possèdent des dizaines de milliards de dollars à la Banque centrale - et donc des déposants.
Le FMI recommande cependant que cela s'effectue « dans une structure qui inclut des conditions préalables très strictes » en termes de gouvernance et de contrôle interne de la BDL et qui soit en plus « cohérente » avec les impératifs de soutenabilité de la dette publique du pays.
* Enfin sur le thème de la création d'un fonds dédié à la restitution des dépôts (Deposit recovery fund), la position du FMI est sans équivoque (page 51) : « De nombreux interlocuteurs et observateurs affirment que pour que la stratégie de restructuration du secteur bancaire soit acceptée, il faut "donner de l'espoir" aux déposants, c'est-à-dire leur offrir la possibilité de se rétablir au fil du temps. La meilleure façon d'y parvenir serait de créer un fonds dédié qui serait alimenté par un certain nombre de sources (par exemple, le produit de l'exploitation et de la privatisation des actifs de l'État, la récupération des actifs volés, les futures recettes pétrolières et gazières, etc.) » écrit d'abord l'organisation.
Avant de conclure : « Toutefois, un fonds qui garantit explicitement ou implicitement les déposants constitue une créance éventuelle sur les ressources de l'État, ce qui compromet les objectifs de viabilité de la dette et impose des contraintes à la politique budgétaire (et) la crédibilité d'un grand nombre de ces sources de financement, alors que d'importantes demandes concurrentes, y compris pour les besoins sociaux et de développement, ne peuvent être ignorées. »
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MIKATI TOI, TON FRERE, BERRY, HASSAN EL KHALIL, RIAD SALAME ET TOUS LES AUTRES MILLIARDAIRES ET MULTIMI;;IONNAIRES ESCROCS ET MAFIEUX QUI ONT DEVALISE LE PEUPLE, OU SONT VOS ARGENTS ? POURQUOI DEVALISER LES DERNIERES ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS ? JE PRIE DIEU QUE TOUS VOS ARGENTS SOIENT DEPENSES SUR VOTRE SANTE ET CELLE DE VOS FAMILLES, POUR QUE JUSTICE DIVINE SOIT FAITE. VOUS AVEZ CONDAMNE, VOUS TOUS, DES MILLIERS DE FAMILLES ET DE GENS AGES LES UNS A LA PAUVRETE, LES AUTRES A LA MENDECITE.QUE VOS CRIMES TOMBENT SUR VOS FAMILLES ET ENFANTS.
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 21, le 16 février 2024