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Économie - Liban

Les militaires retraités bloquent les accès au Sérail, Mikati reporte le Conseil des ministres

« Nous sommes limités par des plafonds que nous n’avons pas les moyens de dépasser », tente d'expliquer le Premier ministre sortant aux fonctionnaires. 

Les militaires retraités bloquent les accès au Sérail, Mikati reporte le Conseil des ministres

Un groupe de retraités des forces militaires libanaises, bloquant l'un des accès au Grand Sérail, vendredi 23 février 2024. Photo fournie par Georges Nader

Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a annoncé vendredi le report de la séance du Conseil des ministres qui devait se tenir à 14 heures, alors que tous les accès au Grand Sérail, siège de la présidence du Conseil, étaient bloqués par des militaires retraités en colère. M. Mikati n’a pas fixé de date pour ce report.

Le Conseil des ministres était censé étudier le projet de restructuration du secteur bancaire, dysfonctionnel depuis le début de la crise multidimensionnelle en 2019. Hors de son ordre du jour, la question des salaires dans la fonction publique et des bonus accordés de manière inégale aurait dû être discutée, alors qu'elle a provoqué une vague de colère et de grèves parmi les fonctionnaires.  Pour faire pression sur le gouvernement, les militaires retraités avaient lancé un ultimatum en début de semaine, demandant qu'un projet de loi soit préparé et approuvé lors du Conseil, sous peine de recourir à l'escalade. Mais faute de réaction des autorités, ils ont décidé de bloquer tout simplement les accès au Sérail.


Les plafonds
« Nous devons accorder leurs droits à tous les fonctionnaires, car nous savons combien la vie est difficile aujourd’hui. Mais nous sommes limités par des plafonds que nous n’avons pas les moyens de dépasser », a notamment souligné Nagib Mikati à la chaîne télévisée LBCI, dans une courte déclaration à l’intention des militaires retraités et de tous les fonctionnaires en grève ouverte depuis jeudi, avant d'annoncer le report du Conseil des ministres. 

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Ce report n'a fait qu'attiser la colère des militaires retraités. Ces derniers ont annoncé qu’ils resteraient postés aux entrés du Grand Sérail, dans l’attente du communiqué officiel de la présidence du Conseil. Car ils ont bien entendu les propos du Premier ministre sortant. Des propos qui selon eux sont la preuve que leurs revendications n’ont toujours pas été entendues. « Nagib Mikati se dit étonné que nous ayons opté pour l’escalade. Mais où vit-il ? » demande excédé à L’Orient-Le Jour le général à la retraite Georges Nader. « Ne voit-il pas que nous manifestons depuis le début de la crise ? Que les soldats retraités meurent de faim, qu’ils ne peuvent pas trouver d’emploi parce qu’ils sont malades ou trop âgés ? N’entend-il pas les plaintes des familles de soldats du Akkar ou du Hermel qui ne parviennent pas à se chauffer, alors que l’hiver est rude ? »


« Nul ne nous écoute »
M. Nader avait auparavant affirmé que les militaires à la retraite « ont fermé toutes les routes qui mènent au Grand Sérail, afin d’empêcher la tenue de la séance, car nul ne nous écoute ».

André Abou Maachar, qui s'exprime au nom des militaires retraités, a expliqué à notre publication que ces revendications incluent un salaire minimum tournant autour de 450 dollars par mois, qui pourrait servir de base à l'adoption d'une nouvelle grille des salaires pour toute la fonction publique. 

Les retraités des forces armées libanaises, toutes catégories confondues, s’élèvent à un peu plus de 70 000 personnes, familles de militaires décédés y compris. Ils réclament notamment un réajustement de leurs indemnités mensuelles de retraite, de sorte qu’elles atteignent au moins 40 % de leur salaire initial. Car depuis l’effondrement de la livre libanaise, leur solde mensuelle ne vaut plus rien, malgré quelques réajustements cosmétiques. « Est-il normal que moi, général de l’armée, dont le poste est équivalent à un fonctionnaire de première catégorie, ne touche aujourd’hui que 400 dollars par mois, aides comprises, alors que j’ai servi mon pays pendant 35 ans ? » crache-t-il. « Est-il normal que des veuves de soldats et des soldats retraités soient contraints de vivre avec 70 dollars par mois ou dans le meilleur des cas, avec 100 dollars mensuels », demande-t-il encore. « Nous réclamons juste de vivre dignement, de manger et de boire », lance le général Nader.


Bonus inégaux
Les mouvements répétés de protestation des militaires retraités coïncident depuis quelques jours avec des mouvements de revendications salariales de l’ensemble de la fonction publique. Ces derniers ont d’ailleurs abouti à une grève ouverte entamée jeudi, en raison de la dollarisation récente des impôts, mais aussi des inégalités dans la distribution des revalorisations salariales et des aides financières dans le secteur public. Ces bonus temporaires controversés, équivalant à 20 % du salaire, étaient réservés à une partie de l’administration publique seulement, notamment le ministère des Finances avec toutes ses ramifications, plusieurs institutions investies de missions de contrôle et de surveillance, le personnel du Grand Sérail, celui du siège de la présidence du Conseil des ministres, et celui du palais présidentiel. Face à la colère parmi les nombreuses catégories de salariés exclues, le Premier ministre sortant a demandé jeudi au ministre sortant des Finances de geler « les bonus de productivité ». C’est dans ce cadre que les fonctionnaires du ministère des Finances, dont certains estiment qu’ils sont privilégiés, ont invité le ministre sortant des Finances, Youssef el-Khalil « à publier les sommes accordées à d’autres secteurs de la fonction publique ». 

De leur côté, les vétérans ont reproché au Premier ministre sortant de faire du « chantage » en suspendant les bonus pour les fonctionnaires des Finances, ce qui a provoqué leur grève, et donc un risque que les versements des salaires de toute l’administration publique soient bloqués, selon M. Abou Maachar. 

Le budget de 2024 a pérennisé les ajustements de salaires dont ont bénéficié les fonctionnaires par décret dès 2023. Ces salaires valent désormais 7 fois leur niveau sous l’ancienne parité officielle de 1 507,5 livres libanaises pour un dollar. La loi de finances réserve aussi 20 000 milliards de LL (223,5 millions de dollars au taux actuel du marché) pour financer ces « bonus de productivité ». Les dépenses allouées aux traitements et salaires s'élèvent à plus de 45 mille milliards de livres dans le budget (513 millions de dollars) ou 17 % du total des dépenses, selon nos calculs, sans compter le bonus de productivité.

Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a annoncé vendredi le report de la séance du Conseil des ministres qui devait se tenir à 14 heures, alors que tous les accès au Grand Sérail, siège de la présidence du Conseil, étaient bloqués par des militaires retraités en colère. M. Mikati n’a pas fixé de date pour ce report. Le Conseil des ministres était censé étudier le projet de...

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