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Économie - Restrictions bancaires

Le Liban a-t-il besoin d'un « lollar » à 25 000 livres libanaises ?

La mesure souhaitée par le gouvernement va à contre-courant du processus d'unification du taux de change.

Le Liban a-t-il besoin d'un « lollar » à 25 000 livres libanaises ?

L'un des designs de billets factices de « lollars » imaginés par l'artiste Tom Young et présentés en mai 2022 par la Lebanese Transparency Association. Photo d'illustration/P.H.B.

Le gouvernement sortant de Nagib Mikati projette de fixer le taux de change du « dollar bancaire », aussi appelé « lollar », à 25 000 LL, ont indiqué à L’Orient-Le Jour deux sources bancaires bien au fait du dossier, confirmant des informations relayées par des médias locaux pendant le week-end écoulé. Elles ajoutent que la Banque du Liban, qui veut tourner une fois pour toutes la page de la multiplication des taux de change, n’est fondamentalement pas d’accord avec cette initiative.

Ce sujet épineux s’était d'ailleurs invité dans les débats au cours de l’ultime séance parlementaire consacrée au vote du budget de 2024, le 26 janvier dernier. Il avait alors donné lieu à des échanges houleux suite à la proposition du député Ali Hassan Khalil, ancien ministre des Finances et membre-clé du mouvement Amal du président du Parlement Nabih Berry, d'augmenter justement le taux de change du « dollar bancaire » de 15 000 à 25 000 LL. Le député indépendant de Baalbeck Jamil Sayyed, s’était opposé à ce que le Chambre prenne cette responsabilité, estimant que c’est au gouvernement de le faire, selon les échos qui étaient alors parvenus de l’hémicycle.

Mais de quoi s’agit-il exactement ? L’Orient-Le Jour fait le point.

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Le contexte

Le gouvernement de Nagib Mikati veut plus précisément demander au ministre sortant des Finances Youssef Khalil de fixer dans les jours à venir à 25 000 LL pour un dollar ce taux auquel les déposants des banques libanaises peuvent retirer en livres leurs dollars bloqués par les restrictions bancaires illégales, mais néanmoins en vigueur dans le pays depuis l’automne 2019. On parle de dollars bancaires, de « lollars », par opposition aux dollars « frais » qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes car entrés dans l’économie libanaise après le début de la crise.

Ce taux de retrait était jusque-là aligné sur la parité officielle de 15 000 LL pour un dollar mis en place le 1er février 2023, mais qui est de facto obsolète aujourd’hui. Le budget de 2024, récemment voté et promulgué,  n’y fait pas référence. La circulaire principale n° 151 organisant le retrait des « lollars » au taux de 15 000 LL pour un dollar des comptes bloqués a expiré fin 2023 et la Banque du Liban oblige depuis le 2 février les banques à comptabiliser plusieurs catégories d’actifs en devises au taux unique, mais sans préciser lequel. Il n’y a enfin plus aucune référence au taux de 15 000 LL sur le site de la BDL en attendant la consécration du taux du marché, soit plus ou moins 89 500 LL pour un dollar, comme unique référence.

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Le motif

En voulant instaurer un taux intermédiaire fixé à 25 000 LL pour un dollar pour que des déposants puissent retirer en livres une partie des quelque 90 milliards de dollars qui sont encore bloqués contre leur gré dans les banques, le gouvernement va donc à contre-courant de ce que la BDL tente de mettre en place et que le Fonds monétaire international recommande.

Le motif invoqué : le fait que de nombreux déposants ont besoin de liquidités en livres et que les banques ne peuvent pas leur rembourser leurs dépôts au taux de 89 500 LL, vu qu’elles n’ont pas les liquidités suffisantes en livres pour le faire. Avec un « dollar bancaire » à 25 000 LL, cela veut dire que chaque dollar extrait d’un compte bloqué par les restrictions ne coûtera que 0,28 dollar à la banque lorsqu’elle le décaissera en livres pour le compte de son client, soit une décote de 72 % par rapport au taux du marché actuel, en considérant qu’il reste stable.

Options et questions

Selon une des sources interrogées, le taux de 25 000 LL n’est qu’une des options. Le gouvernement presse pour un taux intermédiaire de 25 000, voire 30 000. Une autre proposition à 45 000 LL a également été mise sur la table mais a peu de chance de passer.

La même source ajoute que le gouvernement souhaite encadrer strictement les retraits, avec « des plafonds hebdomadaires et mensuels », sans doute pour éviter autant que possible que les injections de livres ne perturbent la stabilité relative du taux de change que la BDL maintient essentiellement en limitant autant que possible la quantité de monnaie sur le marché. La limite discutée tournerait autour de 10 à 15 millions de LL par mois, soit 112 et 167 dollars. Un niveau aligné sur celui des 150 malheureux « vrais » dollars que la BDL permet à une partie des déposants victimes des restrictions de retirer chaque mois via la circulaire n° 166, publiée elle aussi le 2 février.

Le projet du gouvernement soulève en tout cas de nombreuses questions auxquelles les premières réponses commenceront à apparaître dans les prochaines semaines :

• Pourquoi le gouvernement veut-il faire passer une mesure rejetée par la BDL, mais appuyée par au moins un des importants partis politiques du pays ?

• Le parti ou les partis en question cherche(nt)-t-il(s) à répondre à une demande d’une frange des déposants qui souhaitent pouvoir retirer davantage d’argent de leurs comptes à court terme ou des banques qui ne veulent pas se retrouver contraintes de rembourser les dépôts aux taux du marché.

• Si la mesure passe, la BDL et l’État auront-ils les moyens de continuer à stabiliser le taux de change ?

• Quel impact aura cette mesure sur le projet de restructuration du secteur bancaire que le gouvernement prévoit d’examiner jeudi ?

• Qu’en pensera le FMI ?

Contactés, la Banque du Liban, le ministre sortant des Finances et le bureau de presse de Nagib Mikati n'ont pas encore répondu à nos sollicitations.

Le gouvernement sortant de Nagib Mikati projette de fixer le taux de change du « dollar bancaire », aussi appelé « lollar », à 25 000 LL, ont indiqué à L’Orient-Le Jour deux sources bancaires bien au fait du dossier, confirmant des informations relayées par des médias locaux pendant le week-end écoulé. Elles ajoutent que la Banque du Liban, qui veut tourner une fois pour toutes la...

commentaires (2)

Les mafieux du pouvoir et les crapules bancaires veulent pouvoir continuer a piller tranquilement les depots des epargnants. Ce n'est pas etonnant que les principaux defenseurs de la multiplication des taux de change soient Ali Hassan Khalil, ancien ministre de la corruption financiere, et Mikou, qui a rembourse les prets immobiliers destines aux menages a revenus moyens (detournes avec la complicite des crapules bancaires) avec de la monnaie de singe. Tfeeeeeehhhhh. Kellon ya3ne kellon.

Michel Trad

09 h 52, le 19 février 2024

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Commentaires (2)

  • Les mafieux du pouvoir et les crapules bancaires veulent pouvoir continuer a piller tranquilement les depots des epargnants. Ce n'est pas etonnant que les principaux defenseurs de la multiplication des taux de change soient Ali Hassan Khalil, ancien ministre de la corruption financiere, et Mikou, qui a rembourse les prets immobiliers destines aux menages a revenus moyens (detournes avec la complicite des crapules bancaires) avec de la monnaie de singe. Tfeeeeeehhhhh. Kellon ya3ne kellon.

    Michel Trad

    09 h 52, le 19 février 2024

  • Bon le gouvernement fait ce qu’il peut avec les quelques neurones qu’il possède. Mais surtout pas de contradiction flagrante en augmentant de façon démentielle les taxes et les services (inexistants) des concessionnaires et en restreignant les retrait à 15MLBP alors que la facture EdL est à 5 M, le m3 d’eau a 12M, la taxe municipale a 10M… Soyez un peu plus intelligents en voulant voler le peuple. Lisez Arsène Lupin, mais non vous lisez à peine le français et vous êtes cambrioleur mais pas gentlemen.

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 26, le 19 février 2024

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