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Politique - Focus

Après Gemayel, Raï : les pro-Hezbollah sur la défensive face à leurs détracteurs chrétiens

Après son homélie de dimanche dernier, le patriarche maronite a fait l’objet d’une campagne de  diffamation et d’insultes de la part de l’armée électronique du parti chiite.

Après Gemayel, Raï : les pro-Hezbollah sur la défensive face à leurs détracteurs chrétiens

Le patriarche maronite, Béchara Raï, le 28 janvier 2024. Photo tirée du compte X du patriarcat maronite

« J’appelle le Vatican à limoger le patriarche maronite qui constitue une menace pour le Liban, la sécurité nationale et sa communauté. » Ces propos tenus dimanche soir à la télévision par le rédacteur en chef du quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar Pierre Abi Saab donnaient le ton de la campagne que les milieux proches du parti chiite ont lancée contre le prélat. Sur les réseaux sociaux, une campagne est ainsi menée contre Mgr Raï, via un mot-dièse l'assimilant à un traître (Raï el-oumala’ ou le « gardien des collaborateurs » en arabe, en jouant sur le sens en arabe du nom de famille du patriarche). Parmi les messages critiquant le patriarche, de nombreux utilisateurs partagent une vidéo d'un discours de Mgr Raï en 2014 dans lequel il défendait les Libanais vivant en Israël, lors d'un déplacement dans ce pays aux côtés du pape François. Les médias proches du Hezbollah avaient alors fortement critiqué le patriarche, lui demandant de présenter des excuses et l’accusant d’être « un traître ».

Cette nouvelle campagne, menée à coups d’insultes et de diffamation, a été déclenchée à la suite de l’homélie dominicale de Mgr Raï, dans laquelle il avait fait état des souffrances des habitants du Liban-Sud, contraints de subir les contrecoups de la décision du Hezbollah d’ouvrir ce front face à Israël, en soutien au Hamas palestinien. « Nous refusons d’être des otages, des boucliers humains et des boucs émissaires du fait de l’échec de la politique libanaise et de l’hégémonie de la culture de la mort qui mène notre pays à davantage de victoires factices et de défaites honteuses », a lancé le patriarche, citant des témoignages d’habitants du Sud. Ces derniers « subissent, jeunes et vieux, le poids de la politique qui leur est imposée », a-t-il encore dit.

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Ce n’est pas la première fois que Mgr Raï se trouve sous le feu des internautes pro-Hezbollah. Ils s’en étaient notamment pris à lui lorsqu’il avait fait de la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux son cheval de bataille. Le patriarche était de nouveau dans le viseur des sympathisants du parti chiite dans la foulée de l’arrestation, en juillet 2022, du vicaire patriarcal de Haïfa et de Jérusalem, Moussa el-Hage, au poste frontalier de Ras Naqoura, mais aussi, il y a quelques semaines, lorsqu’il avait fait part de la volonté de l’Église de venir en aide aux habitants du Liban-Sud, frappés de plein fouet par les affrontements entre le Hezbollah et l’armée israélienne, grâce aux recettes des paroisses.

À travers les témoignages du Sud, Mgr Raï a réitéré son appel à épargner au Liban le scénario d’une guerre dévastatrice dont il ne pourra clairement pas supporter les conséquences. Il n’en demeure pas moins que la campagne déclenchée par cette prise de position est à aborder sous l’angle de son timing. Elle intervient à l’heure où les menaces lancées par Israël contre son voisin libanais deviennent plus fréquentes, accentuant le risque d’une guerre totale. Surtout, cette campagne contre Mgr Raï se produit quelques jours après des attaques similaires ayant ciblé le chef des Kataëb, Samy Gemayel. Dans un entretien accordé il y a deux semaines à la chaîne locale al-Jadeed, ce dernier avait, lui aussi, appelé à éviter la guerre totale au Liban, critiquant ce que les anti-Hezbollah appellent « la culture de la mort » mise en avant par la formation de Hassan Nasrallah. De quoi donner l’impression que le parti chiite a pris la décision de hausser la barre face à ses détracteurs, ne serait-ce que sur les réseaux sociaux.

Fait notable : dans une réédition du scénario Samy Gemayel, une photo retouchée montrant le patriarche Raï vêtu d’un uniforme de l’armée israélienne fait le tour de la plateforme X depuis dimanche. Par ailleurs, nombre d’internautes pro-Hezbollah ont posté un même tweet pour s’en prendre au chef de l’Église maronite : « Notre culture est celle de la vie. La culture de la mort est celle de celui qui se livre au bourreau. Nous rendons hommage à Imad (Moghniyé, chef militaire du Hezbollah assassiné à Damas en février 2008), à Moustapha (Badreddine, autre responsable haut placé du parti de Dieu tué en Syrie en 2016) et à tous les martyrs qui nous ont donné la meilleure vie », ont-ils écrit.

Cela fait dire à Ali el-Amine, journaliste réputé hostile au parti chiite, que Béchara Raï fait l’objet d’une campagne bien orchestrée, « parce que les armées électroniques du parti ne se mobilisent pas d’une manière spontanée », selon lui.

« Il s’agit d’une façon de faire taire les opposants au projet d’iranisation du Liban. Mais nous n’allons pas baisser les bras », abonde Achraf Rifi, député sunnite hostile au Hezbollah.

« La voix des silencieux »
Le Hezb s’abstient de commenter l’affaire, clairement pour ne pas couper tous les ponts avec la plus haute autorité religieuse maronite du pays. D’autant plus qu’une réunion s’est tenue il y a une semaine entre le porte-parole de Bkerké, Walid Ghayad, et des émissaires du parti chiite, dont Mohammad Khansa, responsable des relations avec les instances et partis chrétiens. La formation laisse toutefois à certains hommes de religion proches d’elle le soin de réagir. Tel est le cas du mufti jaafarite Ahmad Kabalan qui s’est exprimé sur cette affaire, dans un communiqué publié dimanche. Il s’en est ainsi pris au patriarche sans le nommer, critiquant « ceux qui poignardent la guerre la plus sainte et la plus importante sur le front du Sud ».

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Du côté de Bkerké, un proche du patriarcat maronite se contente de faire valoir que « la campagne contre Mgr Raï prouve qu’il est la voix des silencieux et qu'il prend les bonnes positions », affirmant que le patriarche continuera sur la même ligne. Pour leur part, les partis chrétiens n’ont pas publié de position officielle, se contentant de déclarations de leurs députés et responsables. Ainsi, Ghayath Yazbeck (Forces libanaises) a appelé via X « ceux qui se permettent d’attaquer Bkerké » à « mettre de côté les médisants ». Chez le Courant patriotique libre, c’est surtout Nagi Hayek, un des vice-présidents du parti, connu pour son opposition au Hezbollah, qui a réagi à la polémique. « Celui qui veut critiquer Bkerké ferait mieux de commencer par couper ses liens qui vont au-delà des frontières. » Une pique évidente aux rapports entre le Hezb et son mentor iranien.

La justice saisie mardi
Cette hausse de ton dans les rangs chrétiens semble être le reflet de la colère de la communauté à l’égard du Hezbollah. Une colère accentuée par le fait que les chrétiens se sentent marginalisés par la longue vacance présidentielle, le parti chiite étant le principal accusé dans le processus de blocage de l’élection d’un nouveau président. Au point de pousser certains des ténors chrétiens, à l'instar de Samir Geagea, à plaider pour un changement du système politique en vigueur. « On n’en est pas encore là. Mais derrière la campagne contre Mgr Raï, il y a une volonté du Hezb de continuer à exercer son hégémonie sur le pays et faire taire toutes les voix opposantes », commente Ali el-Amine.

« C’est pour cette raison qu’il ne faut plus se contenter de prises de position politiques. Il faut passer à l’acte. Nous déposons donc mardi devant le parquet une plainte contre tous ceux qui s’en sont pris à Mgr Raï », déclare Élie Mahfoud, président du Mouvement du changement.

« J’appelle le Vatican à limoger le patriarche maronite qui constitue une menace pour le Liban, la sécurité nationale et sa communauté. » Ces propos tenus dimanche soir à la télévision par le rédacteur en chef du quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar Pierre Abi Saab donnaient le ton de la campagne que les milieux proches du parti chiite ont lancée contre le prélat. Sur les réseaux...

commentaires (19)

Monsieur Pierre Abi Saab , supposé être de religion chrétienne , vous avez été tout spécialement choisi " on purpose " pour donner le ton de la campagne lancée contre le respectable Prélat. Ceci ne vous emmènera a rien , bien au contraire vous serez considéré comme personne a tenir avec des pincettes.

DRAGHI Umberto

13 h 46, le 30 janvier 2024

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Commentaires (19)

  • Monsieur Pierre Abi Saab , supposé être de religion chrétienne , vous avez été tout spécialement choisi " on purpose " pour donner le ton de la campagne lancée contre le respectable Prélat. Ceci ne vous emmènera a rien , bien au contraire vous serez considéré comme personne a tenir avec des pincettes.

    DRAGHI Umberto

    13 h 46, le 30 janvier 2024

  • Je vois que l'OLJ laisse passer des commentaires menacants des personalites Chretiennes de mort -en se refugiant derriere un sophisme de mots-. Vous supprimez des commentaires innocents mais les menaces de morts passent ???

    Lebinlon

    13 h 22, le 30 janvier 2024

  • - VOTRE FAUTE, PATRIARCHE, - N,EST QUE VOTRE GENTILLESSE. - ILS COMPRENNENT VOTRE MARCHE, - POUR EMBARRAS ET FAIBLESSE. - NOMMEZ AVEC DECISION. - REVELEZ LEURS EXACTIONS. LA VERITE EST UN DON, - QUAND ON L,USE PROPREMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 38, le 30 janvier 2024

  • Les chrétiens n’ont que leurs dirigeants à blâmer. Le Hezbollah n’a pas acquis sa position de force par hasard. Son héroïsme est indéniable lorsqu’il a repoussé l’armée israélienne en 2000. La guerre sans merci que se sont livré Geagea et Aoun en 1989-90 a divisé et affaibli les chrétiens qui vivent toujours les séquelles de cette fracture. L’absence d’un président n’en est qu’un illustre exemple. Je ne partage pas toutes les idées de Nasrallah mais ô que j’admire l’union des rangs que cet homme peut commander et que le patriarche Sfeir n’a pas réussi à faire lorsque ses brebis s’égaraient.

    Hippolyte

    12 h 05, le 30 janvier 2024

  • The Patriarch should be supported and lauded for taking a stance against the hegemony of the forces of darkness.

    EL KHALIL ABDALLAH

    11 h 05, le 30 janvier 2024

  • Les libanais ont encore beaucoup sous le pied et il serait temps de montrer au monde que leur dignité n’a pas pris une ride malgré les souffrances infligées par les fossoyeurs de notre pays. Il faudrait se soulever tel un seul homme pour dénoncer cette usurpation, par des vendus locaux au service de l’Iran, de nos institutions et de notre terre, mais surtout de notre honneur et de notre dignité pour chasser tous les vendus armés par un pays étranger qui veulent nous agenouiller par la terreur et les crimes impunis qui n’ont que trop durés. Ils sont forts à cause de notre division, unissons-n

    Sissi zayyat

    10 h 20, le 30 janvier 2024

  • Il va falloir que ce parti vendu nous éclaire sur les régions libanaises occupées par Israël qu’ils défendent. Nous n’en voyons aucune. Nous constatons qu’ils sont les seuls agents étrangers à occuper notre pays pour défendre un autre avec des armes offertes par un pays qui ne veut que la destruction du nôtre. Peu leur importe le nombre de morts civils libanais et les destructions massives des habitations et des infrastructures, ils veulent imposer la dictature de l’Iran pour justifier leur possession d’armes illicites contre les libanais et les asservir. Soulevons-nous pour libérer notre pays

    Sissi zayyat

    10 h 07, le 30 janvier 2024

  • Lorsque ces vendus manquent d’argumentations concernant leur collaboration avérée avec leur pseudo ennemi juré, ils lâchent leurs chiens et leur trolls en accusant les patriotes de collaboration. Jusqu’à maintenant les seuls qui signent des accords avec Israël ne sont que ces mercenaires iraniens sur notre sol qui collaborent tantôt avec l’Iran, tantôt avec la Syrie et beaucoup avec les israéliens pour se sauver la face et se représenter comme des résistants pour libérer les territoires libanais usurpés par eux seuls avec des armes iraniennes offertes pour détruire notre pays.

    Sissi zayyat

    09 h 51, le 30 janvier 2024

  • Saisir la justice mais de quelle justice et de quel État. Si vous pensez à la libanaise, vous perdez votre temps. S’il faut passer à l’acte, ayez le courage de dire une fois pour toutes que le vivre ensemble avec le Hezbollah a totalement échoué et qu’il,est temps de penser à un nouveau Liban

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 36, le 30 janvier 2024

  • Quand L'orgueil n'a pas de limite elle n'insulte que soi.

    Sarkis Dina

    08 h 23, le 30 janvier 2024

  • Comment peut on appeler au dialogue quand le seul débat quand connaît c'est les accusations de collaborateurs.

    Sarkis Dina

    08 h 20, le 30 janvier 2024

  • Le patriarche n’a fait, dans ses propos, que défendre le Liban contre les agressions provoquées par le Hezbollah. Dans l’étrange lexique en usage dans la milice iranienne, cela s’appellerait "trahison"! Quelques exemples de la novlangue hezbollahie.: Jusqu’en 2005, la collaboration avec l’occupant syrien était appelée "Résistance" (avec un grand "R"). L’année suivante, un bilan de 1200 victimes civiles et plusieurs centaines de milliers de dollars de destructions sans la moindre contrepartie prenait le nom de "divine victoire". Tout cela ne serait donc finalement qu’affaire de sémantique!

    Yves Prevost

    07 h 13, le 30 janvier 2024

  • 176 combattants émérites du Hezbollah morts pour la parie. Tant que des territoires sont occupés par Israël, le Hezbollah combattra les sionistes expansionnistes et usurpateurs. Qu’ils rendent les territoires occupés et le. Hezbollah se contentera à s’entraîner et à parader avec ses armes. Une ligne rouge lui sera octroyée, celle de ne pas employer ses armes à l’intérieur du Liban ou à assassiner un opposant à ses armes fut il chïte et encore moins un sunnite comme Achraf Rifi les chrétiens maronites comme Nagi Hayes ou Samy Gemayel qui sont dans le collimateur du Hezbollah et de ses alliés

    Mohamed Melhem

    05 h 28, le 30 janvier 2024

  • A Mr Pierre Abi Saab: le Vatican limogera le patriarche quand l'Iran limogera Nasrallah.

    hrychsted

    05 h 08, le 30 janvier 2024

  • Le hezbolala finalement montre son vrai agenda: décortiquer le Liban en s'attaquant aux fondements de l'état. La présidence, l'armée, la justice, l'économie, les valeurs religieuses, les libertés fondamentales etc.

    Wlek Sanferlou

    04 h 51, le 30 janvier 2024

  • Si'il est avéré que le Hezbollah exprime ces idées et traite le patiarche de traître, il faudra que celui-ci comprenne qu'il ne vit pas seul au Liban et que le Liban est une démocratie qui permet des idées qui sont contraires aux leurs. Par contre l'insulte ce n'est pas la démocratie, l'insulte c'est la dictature. Et le Hezbollah comme tous les Libanais doivent comprendre qu' une dictature est impossible au Liban. Si une communauté s'accapare le pouvoir, les 17 autres s'uniront contre elle. Personne ne peut réussir tout seul au Liban. Il va falloir apprendre à composer avec les autres.

    K1000

    02 h 12, le 30 janvier 2024

  • Ce parti iranien est vraiment une plaie pour notre pays, ajoutez à cela les affidés aux saoudiens, ceux à la Syrie, les autres à la Turquie...Et si tous ces braves gens voulaient bien envisager l'intérêt supérieur du petit Liban sous la Protection de la Vierge Marie.

    Nicolas ZAHAR

    01 h 33, le 30 janvier 2024

  • Qu’Israël fasse son travail au sud et laisse le reste du Liban

    Eleni Caridopoulou

    00 h 51, le 30 janvier 2024

  • Des meutes entières sont mobilisées pour aboyer parce qu’ils sont incapable de raisonner intelligemment.

    Wow

    00 h 45, le 30 janvier 2024

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