
Le patriarche maronite, Béchara Raï, le 28 janvier 2024. Photo tirée du compte X du patriarcat maronite
« J’appelle le Vatican à limoger le patriarche maronite qui constitue une menace pour le Liban, la sécurité nationale et sa communauté. » Ces propos tenus dimanche soir à la télévision par le rédacteur en chef du quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar Pierre Abi Saab donnaient le ton de la campagne que les milieux proches du parti chiite ont lancée contre le prélat. Sur les réseaux sociaux, une campagne est ainsi menée contre Mgr Raï, via un mot-dièse l'assimilant à un traître (Raï el-oumala’ ou le « gardien des collaborateurs » en arabe, en jouant sur le sens en arabe du nom de famille du patriarche). Parmi les messages critiquant le patriarche, de nombreux utilisateurs partagent une vidéo d'un discours de Mgr Raï en 2014 dans lequel il défendait les Libanais vivant en Israël, lors d'un déplacement dans ce pays aux côtés du pape François. Les médias proches du Hezbollah avaient alors fortement critiqué le patriarche, lui demandant de présenter des excuses et l’accusant d’être « un traître ».
Ce n’est pas la première fois que Mgr Raï se trouve sous le feu des internautes pro-Hezbollah. Ils s’en étaient notamment pris à lui lorsqu’il avait fait de la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux son cheval de bataille. Le patriarche était de nouveau dans le viseur des sympathisants du parti chiite dans la foulée de l’arrestation, en juillet 2022, du vicaire patriarcal de Haïfa et de Jérusalem, Moussa el-Hage, au poste frontalier de Ras Naqoura, mais aussi, il y a quelques semaines, lorsqu’il avait fait part de la volonté de l’Église de venir en aide aux habitants du Liban-Sud, frappés de plein fouet par les affrontements entre le Hezbollah et l’armée israélienne, grâce aux recettes des paroisses.
Fait notable : dans une réédition du scénario Samy Gemayel, une photo retouchée montrant le patriarche Raï vêtu d’un uniforme de l’armée israélienne fait le tour de la plateforme X depuis dimanche. Par ailleurs, nombre d’internautes pro-Hezbollah ont posté un même tweet pour s’en prendre au chef de l’Église maronite : « Notre culture est celle de la vie. La culture de la mort est celle de celui qui se livre au bourreau. Nous rendons hommage à Imad (Moghniyé, chef militaire du Hezbollah assassiné à Damas en février 2008), à Moustapha (Badreddine, autre responsable haut placé du parti de Dieu tué en Syrie en 2016) et à tous les martyrs qui nous ont donné la meilleure vie », ont-ils écrit.
Cela fait dire à Ali el-Amine, journaliste réputé hostile au parti chiite, que Béchara Raï fait l’objet d’une campagne bien orchestrée, « parce que les armées électroniques du parti ne se mobilisent pas d’une manière spontanée », selon lui.
« Il s’agit d’une façon de faire taire les opposants au projet d’iranisation du Liban. Mais nous n’allons pas baisser les bras », abonde Achraf Rifi, député sunnite hostile au Hezbollah.
« La voix des silencieux »
Le Hezb s’abstient de commenter l’affaire, clairement pour ne pas couper tous les ponts avec la plus haute autorité religieuse maronite du pays. D’autant plus qu’une réunion s’est tenue il y a une semaine entre le porte-parole de Bkerké, Walid Ghayad, et des émissaires du parti chiite, dont Mohammad Khansa, responsable des relations avec les instances et partis chrétiens. La formation laisse toutefois à certains hommes de religion proches d’elle le soin de réagir. Tel est le cas du mufti jaafarite Ahmad Kabalan qui s’est exprimé sur cette affaire, dans un communiqué publié dimanche. Il s’en est ainsi pris au patriarche sans le nommer, critiquant « ceux qui poignardent la guerre la plus sainte et la plus importante sur le front du Sud ».
Du côté de Bkerké, un proche du patriarcat maronite se contente de faire valoir que « la campagne contre Mgr Raï prouve qu’il est la voix des silencieux et qu'il prend les bonnes positions », affirmant que le patriarche continuera sur la même ligne. Pour leur part, les partis chrétiens n’ont pas publié de position officielle, se contentant de déclarations de leurs députés et responsables. Ainsi, Ghayath Yazbeck (Forces libanaises) a appelé via X « ceux qui se permettent d’attaquer Bkerké » à « mettre de côté les médisants ». Chez le Courant patriotique libre, c’est surtout Nagi Hayek, un des vice-présidents du parti, connu pour son opposition au Hezbollah, qui a réagi à la polémique. « Celui qui veut critiquer Bkerké ferait mieux de commencer par couper ses liens qui vont au-delà des frontières. » Une pique évidente aux rapports entre le Hezb et son mentor iranien.
La justice saisie mardi
Cette hausse de ton dans les rangs chrétiens semble être le reflet de la colère de la communauté à l’égard du Hezbollah. Une colère accentuée par le fait que les chrétiens se sentent marginalisés par la longue vacance présidentielle, le parti chiite étant le principal accusé dans le processus de blocage de l’élection d’un nouveau président. Au point de pousser certains des ténors chrétiens, à l'instar de Samir Geagea, à plaider pour un changement du système politique en vigueur. « On n’en est pas encore là. Mais derrière la campagne contre Mgr Raï, il y a une volonté du Hezb de continuer à exercer son hégémonie sur le pays et faire taire toutes les voix opposantes », commente Ali el-Amine.
« C’est pour cette raison qu’il ne faut plus se contenter de prises de position politiques. Il faut passer à l’acte. Nous déposons donc mardi devant le parquet une plainte contre tous ceux qui s’en sont pris à Mgr Raï », déclare Élie Mahfoud, président du Mouvement du changement.
Monsieur Pierre Abi Saab , supposé être de religion chrétienne , vous avez été tout spécialement choisi " on purpose " pour donner le ton de la campagne lancée contre le respectable Prélat. Ceci ne vous emmènera a rien , bien au contraire vous serez considéré comme personne a tenir avec des pincettes.
13 h 46, le 30 janvier 2024