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Société - Santé

Au Liban, les malades de la sclérose en plaques attendent le pire dans l’indifférence générale

Avec seulement trois médicaments subventionnés par le ministère de la Santé et pas toujours disponibles, de nombreux cas se détériorent.

Au Liban, les malades de la sclérose en plaques attendent le pire dans l’indifférence générale

« Vous êtes sur vos chaises, et nous sommes sur la nôtre », lit-on sur cette banderole qui inclut l’illustration d’une chaise roulante, et qui a accompagné un événement organisé par l’Alisep à l’ordre des pharmaciens, le 20 janvier 2024. Photo fournie par l’Alisep

À 57 ans seulement, Madonna, mère de famille, doit s’appuyer sur un bâton pour marcher. Atteinte de sclérose en plaques depuis plus de 20 ans, cette enseignante à la retraite a vu son état se détériorer après avoir passé près de deux ans sans prendre de médicaments, au plus fort de la crise économique qui sévit au Liban depuis 2019. « J’ai fait une poussée à la suite de laquelle j’ai été hospitalisée, ma mobilité est réduite depuis », raconte-t-elle.

Comme Madonna, ils sont quelque 3 000 patients – selon des sources concordantes, bien qu’il n’y ait pas de statistiques précises – à souffrir au Liban de cette maladie neurologique, diagnostiquée généralement à un jeune âge, et qui nécessite impérativement un traitement continu pour être stabilisée. « Pendant longtemps, personne n’aurait pu deviner que je souffrais d’une condition sanitaire, parce que j’avais accès aux bons médicaments », poursuit Madonna.

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Mais avec l’effondrement des finances de la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) et la « rationalisation » du système de subventions financées par la banque centrale à partir de 2021, acquérir les médicaments adéquats est devenu un parcours du combattant. « Le ministère ne subventionne plus que deux médicaments, ce qui est loin d’être suffisant pour les personnes atteintes de sclérose en plaques, puisque les traitements varient énormément de cas en cas et suivant le stade de la maladie », affirme Joe Salloum, président de l’ordre des pharmaciens.

Nadine Hilal, conseillère principale du ministre sortant de la Santé Firas Abiad, assure pour sa part que trois médicaments et non deux sont sur la liste des subventions, niant que cela soit insuffisant. « Ces trois médicaments ont été choisis par un comité de neurologues qui estiment qu’ils couvrent un maximum de cas, que ce sont des alternatives viables à beaucoup d’autres médicaments prescrits par les médecins et qu’ils correspondent au budget que le ministère peut débloquer », souligne-t-elle. Elle précise que près de 1 500 patients sont inscrits auprès du ministère pour profiter des subventions qui leur permettent d’avoir les médicaments à des prix préférentiels, beaucoup plus bas que le prix du marché.

Sauf que, selon les spécialistes, ces médicaments toujours sur la liste sont loin de couvrir tous les cas, et surtout toutes les étapes de cette maladie inflammatoire et dégénérative du cerveau et de la moelle épinière. Joe Salloum dénombre une quinzaine de médicaments spécifiques à cette maladie. « Chaque cas requiert un traitement différent », explique le Dr Salam Koussa, neurologue. Cette maladie, poursuit-il, provoque des attaques qui, si elles sont laissées sans traitement, font perdre au patient à chaque fois des cellules cérébrales, d’où les handicaps qui peuvent en résulter.

Les bénéficiaires de l’Alisep lancent un cri d’alarme sur leur situation de plus en plus désespérée, le 20 janvier 2024, à l’ordre des pharmaciens. Photo fournie par l’Alisep

« La sclérose en plaques doit être stabilisée, mais ce faisant, il faut prendre en compte la situation du patient », souligne le neurologue. À titre d’exemple, on ne peut pas prescrire à une jeune femme qui désire avoir des enfants le même traitement qu’à un patient ayant d’autres contraintes, d’où la diversité des molécules.

Les protocoles du ministère de la Santé approuvés par un comité d’experts et couvrant la majorité des cas, le Dr Koussa n’y croit pas beaucoup. « C’est comme si l’on nous demandait, en 2024, de pratiquer la médecine des années 90. Même des médicaments qui ne datent que d’une quinzaine d’années ont été retirés des listes de subventions », déplore-t-il.

La pression de l’incertitude

Et le nombre de médicaments sur la liste des subventions n’est pas le seul problème qui se présente aux malades : ces produits ne sont souvent pas disponibles en quantités suffisantes pour couvrir les patients enregistrés auprès du ministère. Madonna, qui fait partie de ces inscrits, confirme qu’elle n’a, jusque-là, pu profiter qu’une seule fois d’une piqûre subventionnée.

Nadine Hilal reconnaît que « tout est lié au financement » dont dispose le ministère, et qu’il y a parfois des retards, mais rassure quant au fait que l’approvisionnement ne s’arrêtera pas. Entre 2019 et 2022, le budget du ministère de la Santé a ainsi été divisé par près de six, passant de l’équivalent de 495,2 millions de dollars (au taux de 1 500 LL/USD) à environ 84,3 millions de dollars (au taux de 89 000 LL/USD). Le budget 2024, adopté vendredi par les députés, a cependant revu cette enveloppe à la hausse : le budget de ce ministère équivaut dorénavant à 13,71 % du total national. Selon une source à L’Orient-Le Jour, la commission des Finances et du Budget a affecté 10 000 milliards de livres (110 millions de dollars au taux actuel du marché) à ce ministère pour financer les importations de médicaments contre le cancer et les maladies chroniques, qui seront écoulés à un taux subventionné. Selon certains experts, les subventions ont eu un effet pervers sur les pénuries de médicaments, du fait du stockage illégal et des activités de contrebande de produits pharmaceutiques sur le marché noir au Liban et en Syrie.

Entre-temps, les patients sont sujets à des attentes interminables. « Les malades sont souvent obligés de s’activer pour collecter eux-mêmes le prix de leur traitement quand ils ne peuvent l’avoir au prix subventionné. Or le moins cher coûte environ 360 dollars par mois sur le marché. Pour certaines boîtes, le prix s’élève à 600 dollars l’unité. Certaines piqûres coûtent à elles seules près de 1 500 dollars… » dit Jane Koussa, présidente de l’Association libanaise contre la sclérose en plaques (Alisep). Selon elle, de plus en plus de patients ont réduit voire supprimé leurs doses.

Pour Joe Salloum, les ruptures de stock des médicaments spécialisés ne concernent d’ailleurs pas que les produits subventionnés, les importateurs de médicaments n’ayant plus les liquidités ni les facilités de crédit nécessaires. Les prix élevés et les manques poussent souvent les patients, comme Madonna, à s’approvisionner directement à l’étranger, en Turquie ou ailleurs.

« Ne nous laissez pas mendier le médicament, accordez-nous nos droits les plus basiques », lit-on sur cette banderole brandie par un patient de sclérose en plaques, le 29 janvier 2024, lors d’un événement organisé pour attirer l’attention sur le manque et la cherté des traitements. Photo fournie par l’Alisep

S’inquiéter pour ses proches plutôt que pour soi

« Avant la crise, l’Alisep se concentrait sur le suivi psychologique des malades, essentiel dans leur cas, assurant parfois les coûts supplémentaires non couverts par la Sécurité sociale », se souvient Jane Koussa. Elle ajoute que pour pouvoir soutenir financièrement les centaines de patients affiliés à son association, et qui se retrouvent sans ressources du fait de l’effondrement du système de Sécurité sociale, elle devrait prévoir un budget d’au moins 750 000 dollars. « Ce n’est plus à l’échelle de la société civile, mais d’un État », lance-t-elle, visiblement émue.

Madonna vit dans la hantise de ne pas pouvoir faire face au prix de sa prochaine piqûre, dont l’échéance tombera d’ici à un mois, si elle n’arrive pas à l’obtenir à un prix subventionné. « Cette maladie ne tue pas, mais elle peut vous transformer en un être dépendant », lâche-t-elle. Voilà pourquoi désormais, c’est pour ses proches qu’elle s’inquiète, parce qu’ils devront l’épauler si son cas s’aggrave. 

À 57 ans seulement, Madonna, mère de famille, doit s’appuyer sur un bâton pour marcher. Atteinte de sclérose en plaques depuis plus de 20 ans, cette enseignante à la retraite a vu son état se détériorer après avoir passé près de deux ans sans prendre de médicaments, au plus fort de la crise économique qui sévit au Liban depuis 2019. « J’ai fait une poussée à la suite de...

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Une sale maladie !!! pas de remèdes malheureusement

Dorfler lazare

19 h 44, le 30 janvier 2024

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  • Une sale maladie !!! pas de remèdes malheureusement

    Dorfler lazare

    19 h 44, le 30 janvier 2024

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