La cyberattaque dont a fait l’objet l’Aéroport international de Rafic Hariri de Beyrouth, dans la nuit du 7 au 8 janvier, a relancé le débat sur l’opportunité d’ouvrir un second aéroport, celui de Qleiaat (Akkar) ou de Hamat (Batroun), tous les deux situés dans le Nord. Les messages politiques affichés sur les écrans des départs et arrivées – piratés ainsi que le système de gestion des bagages – accusant le Hezbollah de mainmise sur l’AIB sont venus confirmer les craintes de l’opposition qui avait soulevé à maintes reprises des failles sécuritaires à l’aéroport.
« L’Aéroport international de Beyrouth n’est pas l’aéroport du Hezbollah ni de l’Iran. Hassan Nasrallah, tu n’auras plus aucun défenseur si le Liban est entraîné dans une guerre dont tu assumeras la responsabilité et les conséquences. (…) Vous avez fait sauter notre port après y avoir fait entrer des armes. Que l’aéroport soit libéré du joug du mini-État », affichaient les écrans le jour de la cyberattaque. Des mises en garde qui rappellent celles exprimées à maintes reprises par Israël. En septembre 2020, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait affirmé devant l’Assemblée générale des Nations unies que le Hezbollah possède un dépôt d’armes secret dans le quartier de Jnah, près de l’AIB, soulignant que c’est à cet endroit que « la prochaine explosion pourrait avoir lieu », après le drame du 4 août.
Des similitudes qui ont poussé plusieurs députés de l’opposition à revenir à la charge après la cyberattaque, dénonçant le laxisme des autorités et réclamant haut et fort un second aéroport pour des motifs sécuritaires, désormais plus prioritaires que les raisons économiques. Élias Hankache, député Kataëb, a ainsi dénoncé un cumul de problèmes qui touchent directement la sécurité des Libanais et de l’AIB avant de réclamer l’édification d’un second aéroport à Hamat « comme une des solutions envisagées dans le cadre de la décentralisation », prévue dans la Constitution et souhaitée par les partis chrétiens. À son tour, Waddah Sadek, député issu de la contestation, a quasiment qualifié l’AIB de « nid de corruption où sévissent incompétence, jeux de pouvoir et distribution de quotes-parts » sur son compte X, avant de pointer du doigt « l’emprise totale du tandem » chiite sur cette institution.
L’exemple qui revient sur toutes les lèvres depuis l’acte de piraterie à l’AIB est celui de l’assassinat de l’ancien député et ancien PDG d’an-Nahar Gebran Tuéni qui, peu après son arrivée à l’AIB en décembre 2005 en provenance de Paris, a été tué dans un attentat à la voiture piégée dans le Metn. À l’époque, les soupçons ont été naturellement dirigés vers le Hezbollah dont il était un farouche opposant. La question de l’emprise sécuritaire sur l’aéroport a de nouveau mis le feu aux poudres lorsque, près de deux ans plus tard, le gouvernement présidé par Fouad Siniora avait décidé de démettre de ses fonctions Wafic Choucair, proche du parti chiite, qui était alors responsable de la sécurité de l’AIB. Cette décision faisait suite à la révélation par le leader druze Walid Joumblatt d’une faille sécuritaire à l’aéroport. Résultat, des miliciens du Hezbollah ont pris d’assaut des pans de la capitale et de la Montagne druze pour contraindre le gouvernement à revenir sur ses décisions. Autre incident : en octobre 2011, Joseph Sader, chargé de la sécurité électronique de l’AIB, a été porté disparu alors qu’il retournait chez lui. Selon des informations qui avaient circulé et qui n’ont jamais été prouvées, M. Sader, que sa famille n’a plus jamais revu, aurait découvert une caméra de surveillance contrôlée par le Hezb dans les parages de l’AIB.
Un vieux projet
La demande d’un second aéroport n’est donc pas nouvelle. En septembre dernier, lors d’une réunion conjointe des blocs parlementaires des Marada et de la Modération nationale (ex-haririens), la possibilité d’ouvrir l’aéroport de Qleiaat avait été remise sur le tapis. La question avait été soulevée à l’époque pour répondre à la « congestion » de l’Aéroport international de Beyrouth. Les deux blocs avaient effectué une tournée auprès de plusieurs autres groupes parlementaires, dont les Forces libanaises, qui avaient avalisé l’idée. « Nous sommes de toute évidence pour une décentralisation poussée et non seulement pour l’ouverture de l’aéroport de Hamat, mais également de Qleiaat voire même de Rayak », dans la Békaa, commente Naji Hayek, vice-président du Courant patriotique libre pour les affaires étrangères, évoquant des raisons aussi bien sécuritaires qu’économiques.
« Plusieurs députés et figures politiques craignent désormais de prendre leur vol à partir de l’AIB », commente Patrick Richa, porte-parole des Kataëb.
Sauf que pour les Kataëb et le CPL, dont le chef, Gebran Bassil, est originaire de Batroun, le choix se porte plutôt sur l’aéroport de Hamat, transformé en base militaire. Un choix qui semble régi par des motifs communautaires. « La question est plutôt pratique. Hamat est à mi-chemin alors que pour les gens du caza de Batroun, il faudra au moins une heure et demie pour parvenir à Qleiaat », commente M. Richa. « L’aéroport de Hamat a toutes les spécificités requises. Il est adapté notamment avec des pistes suffisamment grandes », argue le porte-parole des Kataëb. L’idée de réhabiliter l’un de ces deux aéroports est notamment de briser le monopole de l’AIB, une option qui déplaît fortement au tandem chiite, dans la mesure où cet établissement, entre autres, emploie un cortège de fonctionnaires chiites.
Les données des passagers
Sans aller jusqu’à réclamer la construction d’un nouvel aéroport, SMEX (Social Media Exchange), une ONG qui préconise l’autorégulation de l’information sur les réseaux internet au Proche-Orient, exprime des appréhensions majeures à caractère sécuritaire. « Nous réclamons une enquête transparente sur la cyberattaque ainsi que les conclusions auxquelles sont parvenues les autorités, qui doivent absolument être rendues publiques. C’est la sûreté des Libanais et des passagers en général qui est en jeu », commente pour L’Orient-Le Jour Abed Kataya, directeur chargé du contenu numérique à SMEX. Dans un article publié sur son site, l’association exprime des appréhensions concernant les données privées des voyageurs. « Les autorités doivent absolument prévenir le grand public de ce qui est advenu des informations qui se trouvaient sur le réseau piraté », commente M. Kataya.
Jusqu’à ce jour, aucune responsabilité n’a été fixée. Deux déclarations, l’une faite par le ministre des Transports, Ali Hamiyé, proche du Hezbollah, l’autre par le ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, se sont avérées contradictoires. Le premier a balayé du revers de la main la thèse d’un laxisme de la part des autorités ainsi que les soupçons portant sur un sabotage perpétré par une partie extérieure. Le second a évoqué l’option contraire. Selon des informations obtenues par L’OLJ, le système en vigueur à l’AIB est à l’origine interne, ou ce qu’on appelle communément l’intranet. « Toutefois, on a appris que ce système a été relié à internet, probablement par quelqu’un de l’intérieur, habilitant ainsi une partie tierce externe à commettre le piratage », indique à notre journal un haut responsable de l’AIB qui a requis l’anonymat.
Grosse erreur d'ouvrir le second aéroport á Koleiat: A la frontière syrienne, et complètement ex-centré. On ajoutera par pure clientelisme á un premier aéroport hors de controle de l'Etat, un deuxième aéroport qui sera aussi hors contrôle de l'Etat. Si Koleait ouvre, il faut que ce soit concommitant avec un troisième au Mont Liban. Messieurs du CPL et des FL agissez dans l'interet de votre electorat.
19 h 31, le 15 janvier 2024