« La corruption et l’insécurité » dans l’enceinte de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB). Tels sont les fléaux que Waddah Sadek, député issu du mouvement de contestation du 17 octobre 2019, a dénoncés jeudi au siège du Parlement. Lors d’une conférence de presse, il a accusé les responsables judiciaires et les forces politiques de ne pas œuvrer pour en venir à bout.
M. Sadek a affirmé qu’il avait prévu de s’exprimer à ce sujet avant même la cyberattaque contre l’AIB survenue le 7 janvier. Suite à cette attaque, les écrans de l’aéroport ont diffusé des messages de mise en garde au Hezbollah au lieu des informations habituelles liées aux vols.
Le député a consacré une bonne partie de sa conférence à ce sujet, déplorant d’une part une « vétusté » des équipements informatiques et, de l’autre, une « incompétence » des fonctionnaires chargés de la cybersécurité.
« Alors qu’ils datent de treize ans, Windows XP et Windows 7 (systèmes d’exploitation) sont encore utilisés à l’aéroport », s’est-il désolé. Il a répondu à ceux qui affirment que des cyberattaques frappent de nombreux aéroports dans le monde en soulignant que ceux-ci sont toutefois protégés par des équipements à la pointe de la technologie.
« Où sont les firewalls (pare-feux) qu’utilisent dans leurs aéroports les pays développés ? » s’est-il demandé. Les pare-feux sont des logiciels qui permettent de définir quels sont les types de communication autorisés sur un réseau informatique.
Livres or
Waddah Sadek a en outre déploré « une négligence administrative ». « Les responsables chargés de la protection du système informatique ont été embauchés selon leur affiliation politique », a-t-il martelé. Accusant les partis politiques (sans les nommer) de contrôler l’aéroport, il s’est demandé « pourquoi ceux-ci ne recrutent pas des personnes qui jouissent de compétences ». « Ils préfèrent l’allégeance aveugle », a-t-il répondu. « Il ne suffit pas d’enquêter sur l’identité des pirates, mais sur l’incompétence des responsables qui a permis qu’une telle attaque soit lancée », a-t-il plaidé.
Le député a par ailleurs évoqué une « distribution de livres or » aux employés de l’aéroport à l’occasion des fêtes de fin d’année, sans dire qui a effectué cette distribution.
L’élu s’est en outre penché sur le manque de contrôleurs aériens, un facteur régulièrement évoqué pour pointer du doigt les risques à l’AIB. M. Sadek a relevé que « seuls treize contrôleurs sont en charge du trafic aérien, alors que le minimum requis est de 80 ». « Ils travaillent 300 heures par mois », s’est-il indigné, soulignant que « c’est le principe de la distribution des quotes-parts » qui a entraîné cette pénurie de personnel. Selon lui, les trente-cinq personnes qui avaient réussi au concours de recrutement des contrôleurs aériens ne peuvent travailler parce qu’elles n’ont pas suivi de session de formation ».
Le député a par ailleurs évoqué l’inondation survenue le 12 décembre dans l’enceinte de l’aéroport, qui avait entraîné une suspension momentanée des vols, due vraisemblablement à des infrastructures mal entretenues. « Ce genre d’incident met en péril la sécurité aéroportuaire et celle des passagers », a-t-il averti, saluant toutefois les efforts de la Cour des comptes et de l’Inspection judiciaire dans ce dossier, et les exhortant à poursuivre leurs enquêtes.
Waddah Sadek a en outre parlé de « clientélisme » dans la désignation de hauts fonctionnaires, ainsi que de « corruption » dans la conclusion et le renouvellement « irréguliers » de contrats de concession au sein de l’AIB.
« Avec 18 autres députés, j’ai présenté une demande d’ouverture d’une information judiciaire sur le dossier de l’aéroport devant le parquet de cassation », a affirmé M. Sadek à L’Orient-Le Jour. « C’était il y a trois mois, le 3 octobre », a-t-il précisé, soulignant que ni le procureur général ni l’avocat général près la Cour de cassation, respectivement Ghassan Oueidate et Ghassan Khoury, n’ont fait suite à la requête « longue d’une quarantaine de pages », selon ses propos.
Contactée par L’OLJ, une source proche du parquet de cassation riposte aux accusations d’immobilisme lancées par Waddah Sadek. Selon elle, ces accusations, qui s’ajoutent à celles de corruption et de clientélisme, s’inscrivent dans le cadre de l’effondrement des institutions et ont pour but de ternir l’image de l’aéroport. La même source indique que le parquet de cassation a fait son devoir en ayant transféré des dossiers au parquet financier et à des juges d’instruction à Beyrouth et au Mont-Liban, ajoutant qu’il travaille en dépit d’une absence de moyens logistiques. La justice ne peut à elle seule mener des enquêtes, estime encore cette source, qui souligne l’importance du rôle des services de sécurité.
commentaires (7)
On ferait mieux de saluer ces rares voix qui s’élèvent encore pour dénoncer la corruption et la gabegie elles sont si rares
Bersuder Jean-Louis
10 h 55, le 12 janvier 2024