En dépit de l’horizon bouché actuellement, des personnalités libanaises en contact avec l’émissaire présidentiel américain Amos Hochstein n’en démordent pas. Elles répètent que dès qu’il y aura une trêve à Gaza, les négociations pour l’application de la résolution onusienne 1701 reprendront et pourraient aboutir à un accord durable. Selon ces mêmes personnalités, il n’y aurait plus de grand conflit entre la partie libanaise et celle israélienne, juste une divergence profonde sur un point purement militaire qui porte sur les survols israéliens du ciel libanais.
En effet, selon ces mêmes parties, les points conflictuels traditionnels – comme le sort des fermes de Chebaa qui se situent à un croisement important entre le Liban, la Syrie et Israël, ou celui du point B1 à Naqoura qui constitue une position stratégique surplombant le champ de Karish, ou encore le partage de la localité de Ghajar alors que celle-ci et ses habitants se sont développés de façon impressionnante au fil des années, modifiant ainsi les données de base – seraient sur le point d’être réglés. Toujours selon les mêmes sources, l’émissaire présidentiel américain n’aurait même plus exigé, au cours de ses derniers entretiens avec des responsables libanais, le retrait des combattants de l’unité d’élite du Hezbollah al-Radwan d’une zone de 10 km à partir de la frontière, même s’il n’y a encore aucune position officielle à ce sujet. C’est dire qu’un accord pourrait être rapidement conclu dès que la guerre cessera à Gaza... si le dernier point en suspens est réglé.
En effet, selon des parties qui suivent de près ce dossier, ce point en suspens peut se transformer en conflit majeur. Il porte sur la demande libanaise de l’arrêt des survols israéliens du ciel libanais. Au départ, ce point, qui figure dans le document français et dans les propositions faites par Hochstein, semblait secondaire. Il était même perçu comme une carotte sans grande saveur qui pourrait être donnée aux Libanais en contrepartie de l’augmentation des effectifs de l’armée libanaise dans la région au sud du Litani et de l’intensification des missions de la Finul dans cette même zone. En effet, quelle est l’utilité des survols lorsqu’une longue trêve est décrétée et respectée par les deux parties ? En réalité, la situation serait totalement différente et les survols s’inscrivent dans un processus de surveillance aérienne précis, en plus des possibilités d’assassinat via des drones ou des missiles lancés par des avions. C’est pourquoi il s’agirait pour le Hezbollah d’un point crucial sur lequel il refuse de faire la moindre concession. C’est d’autant plus important pour lui que le responsable du Hamas Saleh Arouri, assassiné dans la banlieue sud de Beyrouth le 2 janvier, aurait été visé par un drone d’attaque israélien porteur de missiles. De même, l’attaque contre le bâtiment du consulat iranien à Damas, le 19 février, a été réalisée par le biais d’un raid israélien. C’est dire que les survols constituent une arme importante dans la guerre entre les Israéliens et le Hezbollah, en particulier au niveau des renseignements et des attentats ciblés. Or, jusqu’à présent, il est clair que les Israéliens négocient des trêves sans jamais inclure les survols, que ce soit sur le plan de la collecte d’informations et de la surveillance ou sur celui des assassinats. Ce qui est jugé inacceptable pour le Hezbollah.
D’ailleurs, ce dernier tente depuis des années de renforcer ce point considéré traditionnellement comme un élément de force et de supériorité militaire pour les Israéliens. Surtout que ceux-ci possèdent les fleurons de l’aviation militaire américaine, comme les F16 et plus récemment les F35, qui sont des avions furtifs conçus pour les attaques et les opérations aériennes de grande envergure.
Au cours de l’actuelle guerre, le Hezbollah a tenté de provoquer les Israéliens en utilisant de temps à autre de nouvelles armes destinées à intriguer, voire à inquiéter l’État hébreu. C’est ainsi qu’il a commencé par intercepter un drone Hermes 450. Ce qui constituait un message clair aux Israéliens sur le fait que le Hezbollah possède désormais des armes antiaériennes. Il a ensuite fait chuter un drone encore plus sophistiqué que le premier, de type Hermes 900. Là, les Israéliens ont commencé à s’inquiéter sérieusement, car cela signifiait que le Hezbollah dispose désormais d’armes antiaériennes efficaces capables d’atteindre des avions militaires et plus seulement des drones. Pour les Israéliens, qui ont toujours misé sur leur supériorité aérienne pour remporter les batailles, il s’agit d’un coup fort qui pourrait remettre en cause le rapport de force en présence, généralement et traditionnellement en leur faveur. Certes, il est fort peu probable que le Hezbollah soit en mesure d’attaquer des avions F35, mais le développement de ses capacités antiaériennes est une source d’inquiétude pour les Israéliens. Pour cette raison, ceux-ci pensent qu’ils doivent tout faire pour maintenir leur supériorité aérienne et, par conséquent, poursuivre leurs attaques aériennes et leurs survols de surveillance, alors que le Hezbollah, lui, tient absolument à ce que ces survols cessent, sinon on ne pourra pas parler d’une trêve véritable. Surtout que les Israéliens pourront continuer leur politique d’assassinats ciblés qu’ils considèrent comme indépendante des combats sur les fronts traditionnels.
Selon les sources précitées, cette question constituerait donc le véritable point encore litigieux entre les deux camps et elle devrait être sérieusement discutée le moment venu, c’est-à-dire après la conclusion d’une trêve durable à Gaza.
Il est de bon augure que le Hezbollah préoccupe et inquiète Israël. Ce dernier a très longtemps fait le fanfaron en exploitant notre faiblesse.
22 h 11, le 15 mai 2024