Les funérailles du commandant du Hezbollah Wissam Tawil à Kherbet Selm dans le caza de Bint Jbeil, le 9 janvier 2023. Photo Mountasser Abdallah
Le Hezbollah a enterré mardi l'un de ses commandants, Wissam Tawil, « lors d'une procession massive » qui a pris pour point de départ sa résidence et s'est rendue jusqu’au centre de son village natal de Kherbet Selm (caza de Bint Jbeil), a déclaré le parti dans un communiqué.
Parmi les participants figuraient le cheikh Nabil Kaouk, membre du Conseil central du Hezbollah, plusieurs députés et anciens députés de ce parti, « ainsi que plusieurs érudits, des proches de martyrs et une grande foule d'habitants de diverses villages voisins », ajoute le communiqué.
Wissam Tawil a été abattu lundi par une frappe israélienne qui a touché son véhicule à Kherbet Selm. Il est le plus haut responsable tué depuis que le parti chiite a lancé les hostilités contre Israël pour soutenir le Hamas, son allié palestinien, à la suite de l'attentat du 7 octobre en Israël.
Selon un responsable de la sécurité qui s’est exprimé à l'AFP sous couvert d'anonymat, Wissam Tawil a joué un rôle de premier plan dans les opérations militaires qui se poursuivent au Liban-Sud depuis le 8 octobre.
La porte-parole du Hezbollah, Rana Sahili, avait d'abord affirmé à L'Orient Today que « Tawil était un commandant militaire, ni plus ni moins », et refusé de commenter son lien avec l'unité d’élite Radouan ou les hautes sphères du parti. Le soir même de l’assassinat cependant, le Hezbollah publiait une note biographique sur la victime, contredisant les commentaires qui ont minimisé son rôle au sein du parti. La semaine dernière, après une attaque nocturne à Naqoura (caza de Tyr), le Hezbollah avait minimisé l'importance de l’assassinat de Hussein Yazbeck, pourtant identifié par certains observateurs comme un « haut responsable » du parti.
Principal architecte de la guerre de 2006
Sur la place du village de Kherbet Selm, une cérémonie commémorative a été organisée en l'honneur de Tawil. Son cercueil, enveloppé dans le drapeau du Hezbollah, était porté par un groupe de combattants vers la plateforme principale, tandis que les scouts de l’Imam Mahdi, affiliés au parti pro-iranien, jouaient de la musique en arrière-plan.
« Aujourd'hui, nous disons fièrement adieu au martyr qui vient d'une famille dédiée à la foi, au sacrifice et à l'engagement pour la cause », a déclaré le cheikh Kaouk, dans un discours prononcé sur place. Le responsable chiite a qualifié Tawil d'« amoureux de la résistance, qui n'a jamais quitté les champs de bataille pendant trente ans [...] et ayant joué un rôle déterminant dans la libération de 2000 ». Le 25 mai 2000, l'armée israélienne s'était retirée du Liban-Sud, marquant la fin de son occupation de la bande frontalière, qui avait duré de 1985 à 2000.
Le cheikh Kaouk a également affirmé que Wissam Tawil « a joué un rôle dans l'opération menée en 2000 dans les fermes de Chebaa et dans l'opération de 2006 ».
En 2000, dans les fermes de Chebaa, des militants du Hezbollah ont capturé trois soldats israéliens qui patrouillaient le long de la barrière de sécurité, et les ont emmenés au Liban. Leurs corps ont été rendus à Israël lors d'un échange de prisonniers le 29 janvier 2004. Cet enlèvement a été le premier incident entre Israël et le Liban après le retrait israélien du Liban-Sud. Il a été suivi de plusieurs autres tentatives du Hezbollah d'enlever des soldats israéliens à la frontière. Finalement, le 12 juillet 2006, lors d'un raid transfrontalier du Hezbollah, huit soldats israéliens ont été tués et deux autres ont été enlevés puis tués au Liban, ce qui avait déclenché la guerre de 2006.
« Lors de la guerre de juillet [2006], il a été l'un des principaux architectes de la victoire divine », a lancé le cheikh Kaouk, parlant du responsable chiite tué. Entre le 12 juillet et le 14 août 2006, Israël avait imposé un blocus terrestre, aérien et maritime du Liban, dans l’intention de récupérer ses deux soldats capturés à la frontière et de détruire le Hezbollah. Pendant 34 jours, l’armée israélienne a effectué des milliers de frappes aériennes tandis que le Hezbollah tirait des missiles sur le nord d'Israël. La résolution 1701 des Nations unies a contribué à mettre fin à la guerre. Cette résolution a été adoptée à la suite d'une escalade des combats dans les derniers jours du conflit, marquée notamment par une incursion terrestre israélienne dans le sud en direction de Marjeyoun.
Pour le cheikh Kaouk, le rôle joué par Wissam Tawil ne s’est pas limité au Liban mais s’est étendu aussi en Syrie, où il a combattu les extrémistes de l’Etat islamique et a aidé, selon lui, à protéger le mausolée de Sayyeda Zeinab dans le sud de Damas.
En 2012, le Hezbollah annonçait officiellement qu'il était entré en Syrie pour « défendre le mausolée de la petite-fille du prophète Mahomet, enterrée à Damas, contre les groupes extrémistes qui voulaient détruire son sanctuaire ». Ces groupes considéraient le mausolée comme « contraire aux enseignements islamiques et devant être détruit », avait dénoncé le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans un discours prononcé en 2012.
Toujours au cours des funérailles, le cheikh Kaouk a rappelé que Wissam Tawil avait reçu plusieurs médailles et récompenses du Hezbollah « pour sa bravoure en tant que soldat dans les rangs du parti ».
Israël n'est pas en mesure de ramener les colons au Nord
S'adressant au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le cheikh Kaouk a assuré qu'Israël s'affaiblit, sinon il n'aurait pas « supplié les Etats-Unis et les pays occidentaux de [l’aider] à ramener les colons dans les colonies du nord ». « Israël n'aurait pas imploré les Nations unies et les grandes puissances de mettre en œuvre la résolution 1701, ni demandé le concours des Etats-Unis et de 20 autres pays pour protéger les navires israéliens en mer Rouge », a-t-il ajouté.
En décembre, M. Netanyahu avait déclaré lors d'une réunion du cabinet israélien qu'il « s'efforçait de rétablir la sécurité dans le nord et de ramener les habitants dans leurs foyers. Cela nécessite actuellement la poursuite des combats dans cette région. Si nous n'y parvenons pas politiquement, nous y parviendrons militairement ».
Selon le journal israélien Haaretz, les communautés frontalières du nord d'Israël se vident depuis le 8 octobre, date à laquelle des affrontements ont éclaté entre le Hezbollah et Israël. Le ministère israélien de la Défense a pour sa part ordonné l'évacuation de plus de 40 colonies en octobre. L'armée israélienne a imposé une « zone interdite » à moins de deux kilomètres de la frontière avec le Liban.
« Notre engagement envers le martyr [Tawil] est de rester sur le champ de bataille, soutenant Gaza avec nos armes et le sang sacré de nos martyrs. Il n'y a pas de contact possible avec l'ennemi, sauf par les roquettes et les drones », a conclu cheikh Kaouk.
Kherbet selm??? Ya aaamé kheréb el balad...
13 h 30, le 10 janvier 2024