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Lifestyle - Archéologie

Le patrimoine chrétien de Gaza n’est pas épargné

« Il faut s'attendre à ce que tout soit détruit, les sites comme le produit des fouilles », dit Jean-Baptiste Humbert qui dirige depuis 1995 la Mission archéologique franco-palestinienne de Gaza.

Le patrimoine chrétien de Gaza n’est pas épargné

Gaza, entrepôt, 2021. Photo EBAF

Dans la situation tragique que traverse la bande de Gaza, le patrimoine archéologique n’est pas épargné. Toutefois, contrairement à ce qui a été rapporté par les réseaux sociaux et certains médias, l’église Saint-Porphyre de la communauté arabe-orthodoxe, n’a pas été détruite. « C'est une salle paroissiale qui a été dévastée. Elle abritait de nombreux déplacés, dont beaucoup ont été blessés et même tués », déclare à L’Orient-Le Jour Jean-Michel de Tarragon, directeur de la Revue biblique et responsable du fonds photographique ancien de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem (EBAF). Située au sud-est de la vieille ville, l'église des Grecs de Gaza dédiée à saint Porphyre, évêque de Gaza au Ve siècle, a été construite entre 1150 et 1160 par les croisés. « Elle est reconnue comme l'une des plus vieilles églises de Palestine, cependant n'y est authentique que la base des murs. On considère que l'emprise de l'édifice est exactement la même qu'au IVe siècle », relève le père Jean-Baptiste Humbert qui dirige depuis 1995 la Mission archéologique franco-palestinienne de Gaza.

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Quant à l’édifice religieux de Mukheitim, le prêtre confie ne rien savoir de son état actuel. « L’église byzantine est presque accolée à l'hôpital du camp de Jabaliya qui a été bombardé, précise-t-il. Fouillé et restauré sous l’autorité scientifique de l’EBAF, le complexe de Mukheitim avait été préservé par un élégant abri, durablement protégé et accessible à tous. Depuis ses passerelles aériennes en bois, les visiteurs pouvaient contempler l’église, le diaconicon, le grand baptistère et les 400 m2 de mosaïques restaurées. La restauration menée par l’ONG française Première urgence internationale, l’EBAF et experts locaux avait été financée par le British Council. »

Concernant le grand site byzantin de Blakhiyah (ville antique d'Anthédon de Palestine), situé près des bâtiments du camp de réfugiés de Shatteh (ou Chati), dans le nord de la bande de Gaza en ruine, le père Humbert affirme « avoir peiné à reconnaître Blakhiyah », après avoir reçu « des photos d'un paysage complètement bouleversé au bulldozer ». « Le site semble avoir été complètement détruit au bulldozer pour chercher des tunnels. Nous n'avons aucune nouvelle des personnes compétentes qui formaient nos équipes.  Nous nous préparons à accepter le pire. Mais ce n'est rien au regard du génocide du peuple palestinien qui se déroule pratiquement sous nos yeux et en temps réel », observe-t-il. La ville antique d'Anthédon comporte le premier port connu de Gaza, attesté dès le VIe siècle avant J-C. Un site qui, au vu des découvertes, devrait être un paradis pour les archéologues. Une équipe franco-palestinienne y avait exhumé de sous les dunes des maisons d'aristocrates, ainsi que d'impressionnants remparts entre 1995 et 2005.

Église Saint-Porphyre, 1920. Photo EBAF

Quid de la documentation ?

À l'ouest de la bande de Gaza, Saint-Hilarion (Tell Umm el-Amr), l'un des plus grands monastères chrétiens du Moyen-Orient et le plus ancien de la Terre sainte, est inscrit sur la liste indicative de l'Unesco des sites de Palestine dignes de figurer au Patrimoine mondial. Il est situé près de Deir al-Balah, ville soumise depuis le début du mois de décembre à des attaques terrestres et bombardements aériens israéliens incessants. L’espoir de voir ce site archéologique épargné par la guerre est minime.

Fondé en 329 par saint Hilarion, père du monachisme palestinien, le monastère englobe les vestiges de deux églises, crypte, chapelle, baptistère, logement des moines, des sols décorés de mosaïques, un hospice réservé à l’accueil des pèlerins, avec bains et logements. Abandonné après un tremblement de terre au VIIe siècle, le site a été découvert par des archéologues locaux en 1999. Sur le même site, la mission française a exhumé des tombes datant de l'époque byzantine, en collaboration avec des experts palestiniens. « René Elter, architecte-archéologue, suit le dossier Saint-Hilarion de près. Le site est devenu un “camp de réfugiés” pour de très nombreuses familles. Le site n'est pas “bombardé”, mais il subit malgré tout des dommages, dus à la présence anarchique de ces pauvres réfugiés, installés on le devine un peu partout au milieu des ruines. Avec les enfants jouant sur les mosaïques... Cela amènera inévitablement des dégradations », rapporte le responsable du fonds photographique ancien de l’EBAF, le frère Jean-Michel de Tarragon. Afin que la mémoire ne parte pas en fumée, « la documentation scientifique de ces sites, plans, relevés, photographies en noir et blanc et en couleur, ainsi que les Cahiers de fouille, qui donnent l'avancée au jour le jour des travaux et autres informations, sont conservés à Jérusalem, dans notre institut, signale-t-il encore. Mais sur place, nous avons dû abandonner toute la céramique, les trouvailles matérielles qui appartiennent juridiquement à la Palestine. Nous y avons un grand entrepôt (maghzân) rempli. Nous espérons que l'immeuble de l'entrepôt n'a pas été bombardé. Nous attendons des informations ».

Cité commerçante, Gaza a été riche et prospère. Son histoire remonte à l'âge de Bronze, 3 500 ans avant notre ère. Longtemps sous domination égyptienne, elle fut la capitale des Philistins et vit passer les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs et les Romains. Au début de l'Empire byzantin, l'épanouissement de la vie monastique fit éclore toute une école de rhéteurs, de sophistes et de grammairiens. En 570, un voyageur occidental décrivit Gaza comme une ville « splendide et charmante, peuplée d'hommes cultivés ».

Dans la situation tragique que traverse la bande de Gaza, le patrimoine archéologique n’est pas épargné. Toutefois, contrairement à ce qui a été rapporté par les réseaux sociaux et certains médias, l’église Saint-Porphyre de la communauté arabe-orthodoxe, n’a pas été détruite. « C'est une salle paroissiale qui a été dévastée. Elle abritait de nombreux déplacés,...

commentaires (2)

Bravo et félicitation pour cet article formidable. Par contre dommage pour cette situation et la destruction gratuite de ce patrimoine très riche.

Eva Eshak

12 h 20, le 19 décembre 2023

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Commentaires (2)

  • Bravo et félicitation pour cet article formidable. Par contre dommage pour cette situation et la destruction gratuite de ce patrimoine très riche.

    Eva Eshak

    12 h 20, le 19 décembre 2023

  • - TOUT ON RASE ! - POUR LA PHASE, - DU CANAL, - ET L,AVAL, - DU POUVOIR, - DE L,OR NOIR, - DES GOLFISTES, - ET LEURS PISTES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 14, le 19 décembre 2023

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