Car, dans un contexte de guerre aux portes du Liban, le conflit entre le Hamas et Israël depuis le 7 octobre dernier ayant fortement ravivé les tensions au Liban-Sud où Hezbollah et armée israélienne échangent des tirs quotidiennement, cette décision a laissé supposer que les ruines romaines se retrouvaient sans protection juridique contre d’éventuels dommages causés par un retour de la guerre sur le sol libanais.
« Les atrocités commises à Gaza ont prouvé qu'un tel « bouclier » ne protège rien », a justifié le ministre sortant dans son tweet. Et d’ajouter : « Ce qui protège le Liban, son peuple et ses biens privés et publics, c'est notre vaillante armée et la résistance », soit le Hezbollah, dont le ministre sortant est proche. Le sigle en question avait été retiré quelques minutes auparavant par des employés du site. Contacté par L’OLJ à ce sujet, le ministère n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Un bouclier parmi d’autres
Sauf que cette plaque de 5 mètres sur 3 installée sur l’un des murs extérieurs de l’enceinte de la citadelle n’est en réalité qu’un signe parmi tant d’autres de l’égide internationale sous laquelle se trouve le patrimoine libanais. « Cela ne change rien, le site reste entièrement protégé », atteste Joanne Farchakh Bajjaly, archéologue et membre de Baladi, une ONG de protection du patrimoine libanais. « Ce qui a été enlevé, c’est le grand sigle que nous avions récemment placé sur le mur d’enceinte. Mais il y a toujours une autre plaque, plus petite, qui se trouve à l’entrée du site, sans parler de toutes celles qui sont disséminées à l’intérieur », détaille celle qui fait également partie du comité Blue Shield qu'elle a créé en 2015.
Ces petits sigles que l’on peut apercevoir ici et là en se promenant d’un bout à l’autre des anciens temples de Jupiter et de Bacchus attestent en pratique de la bonne application de la convention de La Haye. Promulguée en 1954 par l’Unesco, celle-ci encadre « la protection des biens culturels en cas de conflit armé » et a pour vocation d’attirer l’attention des belligérants sur leur obligation d’épargner les sites archéologiques, tout comme les musées, y compris lors des guerres civiles.
Parmi les dispositions prévues par ce texte de loi signé par 82 États, on retrouve notamment l’obligation de « marquer certains bâtiments et monuments importants d’un signe distinctif ». Un signe représenté par ce fameux bouclier bleu, appelé Blue Shield à l’international, comme cela a été déterminé par le deuxième protocole de la convention émis en 1999 et ratifié par le Parlement libanais en 2019.
22 sites protégés au Liban
Cette démarche n’a toutefois jamais été menée par Israël, au contraire par exemple de l’Autorité palestinienne qui a adopté le protocole de la convention en 2012. Cela explique en partie pourquoi l’État hébreu n’a jamais été sanctionné pour les dégâts causés au cours de la guerre de 2006, lors de laquelle plusieurs sites patrimoniaux du Liban-Sud avaient été endommagés par les bombardements de l’aviation israélienne. « Seuls des sites mineurs avaient été touchés à l’époque », note Joanne Farchakh Bajjaly, qui ajoute que nombre d’entre eux étaient également protégés par ces boucliers dès 1982, notamment à Tyr et à Saïda, en pleine guerre civile.
« Aujourd’hui, ces Blue Shields sont présents sur 22 sites archéologiques au Liban, abonde-t-elle. Leur mise en place s’est faite en partenariat avec le ministère de la Culture et l’armée libanaise, dont certaines unités ont pu bénéficier d'une formation sur la protection des biens culturels en compagnie de celles de la Finul. »
Après ce nouveau coup d’éclat inexplicable du ministre sortant Mortada, aucun autre démantèlement d’insignes onusiennes ne devrait avoir lieu. « Selon nos informations, les emblèmes existants sur le territoire libanais avant le début de la crise devraient rester en place », assure Joanne Farchakh Bajjaly. En espérant que l'envie de susciter des levées de boucliers passera au plus grand nombre.
commentaires (5)
C’est le sinistre de la culture ce mec.
Sissi zayyat
14 h 04, le 05 novembre 2023